Le 29 juin j'avais commencé à vous transcrire un article de l'œuvre sur le martyr des enfants dans des maisons de redressement. Voilà la suite.
"Vous rappelez-vous, monsieur Portail, vous qui m'avez fait pleurer de rage avec ce supplice que vous aimiez?
Vous rappelez-vous le petit Duril, qui a battu le record de belote: il a fait trente-huit jours. On l'a vu se trainer dans la cour. Il n'avait plus que les os et il délirait. Vous le releviez à coups de pied dans les reins. Et, au trente huitième jours, vous avez eu le courage d'achever ce cadavre d'un dernier coup de talon.
Vous rappelez-vous celui qu'on appelait "le pauvre fou"?... Il n'était pas méchant, pourtant, mais vous le trouviez très drôle. Il vous plaisait même à certains points de vue. On n'a jamais su ce que vous lui faisiez. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il ne pouvait plus vous voir sans pleurer. A la fin, vous nous l'avez fait frotter tout nu avec une brosse de chiendent. Il gueulait comme un veau. Ensuite, il vous suivait comme un barbet, l'intelligence en moins.
Ces deux-là on finit par en crever. Moi, vous ne m'avez eu que trois doigts, tordus à coups de bâton. Maintenant que je suis délivré, monsieur Portail, et "relevé" comme on dit, je crois tout de même si la providence vous met sur ma route, ce n'est pas en correctionnelle que je repasserai, mais en cour d'assises.
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Parce que voyez-vous, on a beau en être sorti on ne peut pas s'en délivrer tout à fait et c'est ce qui est le plus affreux. Mes camarades là-bas, n'avaient commis qu'un seul crime: être abandonné ou avoir une tête qui ne revenait pas au directeur de l'assistance publique. Moi, j'ai volé à douze ans. Même ça, ce n'est rien, ça s'efface si on veut. mais je me demande, après le supplice de mon enfance, comment je ne suis pasz devenu un assassin. je ne peux pas m'empêcher de vous hair, monsieur Portail, et tous les gens lâchent qui soutiennent tout ça. Pendant des années, je n'ai vécu qu'à force de haine. Ca soutient.
Qu'est ce qui pourrait vous empêcher de devenir fou, quand on a quinze ans, qu'on est sans force, et qu'on attend en cellule, ou malade de soif, ou sous la trique, si on n'avait pas encore ce dernier privilège humain de se venger en pensée de son bourreau.
Maintenant, je suis artisan en Seine-et-Oise, et je tiens mon journal à la disposition de M. Chéron. Il est plus concluant que l'enquête qu'on va faire et qui fera dire à des gosses terrorisés qu'ils ont été torturés dans les règles.
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Du journal "la défense" hebdomadaire du secours rouge international ce passage:
"Punitions:
Pour être pris à causer au dortoir: 35 jours de cellule
pour être pris à fumer avec refus de remettre le briquet fabriqué par eux: 45
pour refus de travail ou réplique injurieuse à un surveillant: 45 jours
pour évasion: 65 jours,
pour avoir frappé un surveillant: 90 à 120 jours,
pour avoir corrigé un mouchard: 15 jours.
Voilà, avec quels procédés ignobles la bourgeoisie s'acharne sur de malheureux déshérités.
Et que dire du régime infect des cellules!
celles-ci sont au nombre de 18 ou 20 en tout. Il en résulte que d'une façon constante, vu le nombre de condamnés, ils sont parqués par trois et quatre dans une même cellule.
ils sont jetés comme des animaux dans ces cachots sombres où il y a tout juste de la place pour une personne les menottes aux mains.
Mange comme tu pourras, fais tes besoins comme tu pourras, C'est la devise du pénitencier de Belle-ile.
Ces jeunes martyrs doivent, en effet, les mains liées, se débrouiller comme ils peuvent dans leur enfer.
Il est vrai, que pour la nourriture, c'est vite fait.
A des jeunes corps en développement, on donne un jour un bouillon (trois fois dans la journée) , le lendemain du pain sec. et c'est tout! Et cela durant 45 jours. Après seulement on a droit à la gamelle ordinaire! Encore pire qu'au régiment!
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et comme le dit en excellents termes dans un article que nous voudrions citer, M. Jean Nocher, de l'œuvre!:
Par toute la France, et pas seulement à Belle-île, des milliers d'enfants vivent dans des geoles de bandits. Sur cette quantité, dix huit seulement sont des assassins. une minorité a volé. Le reste est composé de jeunes vagabonds ou tout bonnement d'enfants abandonnés.
Est-il possible qu'une collectivité quelconque ait peur de ces malheureux gosses dont le seul crime est d'avoir quinze ans et pas de famille.
Futurs délinquants?... Oui lorsqu'ils ont passé leur enfance dans une geole en compagnie de garde-chiourmes. Il faut lire leurs confessions pour savoir quel potentiel de haine cette jeunesse massacrée peut emmagasiner en attendant les vengeances de l'âge mûr.
La société, en cherchant à protéger sa vie de la manière la plus lâche et la plus bête, travaille patiemment à miner sa sécurité même.
Il est temps que la réforme, acceptée en principe depuis des années et qui ne s'est traduite jusqu'à présent que par le changement de désignation officielles des bagnes d'enfants, passe à l'état de réalisation.
Il ne faut pas laisser se rendormir l'administration criminelle ni lui permettre de continuer à la faveur du silence sa sinistre comédie qui, par ailleurs, est la plus épouvantable des tragédies.
Il faut exiger la suppression des bagnes d'enfants et veiller à ce que, sous le prétexte, de prévenir la criminalité, des castes immondes ne travaillent pas , avec un zèle scélérat, à produire une criminalité potentielle qui, demain, justifiera leur existence.
mais il ne faut pas non plus perdre de vue que le problème est plus général et plus vaste que le scandale particulier des bagnes d'enfants, et que sa solution ne sera pas satisfaite par une réforme aussi profonde qu'on veuille l'admettre.
le problème de l'enfance malheureuse, de l'enfance martyre, de l'enfance criminelle, n'est qu'un aspect du problèmle social. Tout se tient.
l'intelligence et le cœur de l'homme ne seront pleinement satisfaits que lorsqu'un régime de justice et d'équilibre aura succédé à l'état de barbarie capitaliste, qui ne peut engendrer que malheur et souffrance.
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