Chacun sait que la puissance
de l'Église date du règne de l'empereur Constantin, qui trouva adroit d'appuyer
son autorité personnelle, pour la rendre plus forte, sur les croyances du
Christianisme - religion d'esclaves.
Il conféra aux évêques des
pouvoirs judiciaires (314), mais il n'accorda rien de plus à l'évêque de Rome,
pseudo-pape, qu'aux autres évêques.
Grâce à l'appui des
empereurs, le christianisme progressa. Il s'était jusqu'alors peu développé à
Rome puisqu'en 251, les chrétiens romains n'étaient au nombre que de quelques
milliers, soit environ cinq pour cent seulement de la population totale, en dépit
de tous les exploits soi-disant miraculeux attribués à Paul, à Pierre, aux
premiers papes et aux innombrables martyrs de la foi chrétienne. La dite foi
était si stupide qu'elle ne pouvait se développer que par l'appui des pouvoirs
publics, c'est-à-dire par la contrainte et par l'intérêt.
Après les troubles de
l'Arianisme, qui divisèrent les chrétiens, les dits chrétiens se resserrèrent
un peu autour de Rome. Le Concile de Sardique (347) fut une des premières
tentatives pour renforcer l'autorité de l'évêque romain, lui conférant un droit
de juridiction sur toute l'Église. Malheureusement, les canons de Sardique sont
des faux, probablement fabriqués au Vème siècle pour les besoins de la cause
romaine et jamais le Concile de Sardique n'avait songé à prendre les décisions
qu'on lui attribua mensongèrement par la suite. (Professeur Friedrich.)
En réalité, jusqu'au milieu
du VIIIème siècle, en dépit des velléités de Rome, leur influence sur les
chrétiens d'Orient demeura complètement nulle et même assez faible sur ceux
d'Occident. Une rivalité acharnée dressait au surplus le pape de Rome contre
son concurrent, pape de Constantinople. Ce dernier tirait sa puissance de la
proximité du trône impérial. « Si Constantinople avait conservé l'empire du
monde ; si le relèvement qui marqua le règne de Justinien avait eu des suites,
Rome eût été probablement vaincue dans la lutte. Au lieu de la Papauté romaine,
nous aurions subi sans doute une Papauté byzantine. » (De Meissas.)
Ainsi, le développement de
l'Église chrétienne fut conditionné bien davantage par des facteurs politiques
que par des facteurs purement religieux et moraux.
Sujet de l'empereur byzantin,
l'évêque de Rome le trahit et s'affranchit de sa tutelle. Puis, grâce à la
naïveté des rois Francs, il s'adjuge la souveraineté d'un nouvel État (752). La
puissance temporelle de la Papauté est fondée.
Les premiers papes ont su
spéculer à merveille sur l'ignorance et la crédulité de leurs fidèles encore
barbares et terrorisés par les dogmes de la religion. Pour les berner, on
fabriqua des faux documents par centaines. Ce ne sont pas seulement les
fameuses Décrétales, base essentielle de la Papauté, qui sont fausses. Tout est
truqué, altéré, déformé, falsifié ou inventé de toutes pièces ! Les canons des
Conciles, les lettres des empereurs et des rois, leurs prétendues donations aux
papes, les bulles même et les écrits attribués aux premiers évêques de Rome,
tout est l'œuvre de faussaires très pieux, travaillant obstinément à travers
les siècles à donner une base inébranlable à la puissance papale. La plupart
des documents invoqués par les papes pour justifier leurs prétendus droits sont
apocryphes ou altérés !
Base bien immorale pour ...
la plus grande puissance morale (?) du monde !
« De sorte, pourrait-on
ajouter après la lecture des travaux de Doellinger et de Friedrich, que plus la
critique pénètre dans les origines de l'Église chrétienne, plus on en vient à
se demander s'il nous reste un seul document authentique des origines du
Christianisme, et lequel ? » (Professeur Giraud-Teulon. traducteur de « La
Papauté », d'Ignace de Doellinger.)
Voici ce que l'abbé de
Meissas écrit de son côté, sur les fausses Décrétales :
« On sait que ce recueil
contient avec d'autres pièces apocryphes de fabrication antérieure, comme la
donation de Constantin (par cette fausse donation, les Papes prétendaient
fournir la preuve que l'empereur leur avait donné la possession légitime de
l'Italie), 94 lettres papales, allant de saint Clément (fin du Ier siècle) à
Grégoire II (+ 731). Grâce à l'ignorance et au défaut de critique de tout le
clergé au IXème siècle, les Papes, dont elles faisaient l'affaire, s'appuyèrent
sur elles à partir de Nicolas I, en 865. En 1151, elles furent introduites dans
le décret de Gratien, où elles devinrent définitivement la base d'un droit
ecclésiastique inconnu aux premiers siècles.
L'imposture fut peut-être
soupçonnée, reconnue même de bonne heure, par plus d'un savant mais il était
alors trop dangereux de passer pour une personne pensant mal des choses de la
sainte foi catholique (style de l'Inquisition). Les premiers qui osèrent
exprimer leurs doutes furent le cardinal Nicolas de Cusa (+ 1464), Laurent
Valla (+ 1465) et Jean de Torquemada (+ 1468). L'imposture fut définitivement
démontrée par les protestants, savoir les Centuriateurs de Magdebourg en 1560
et David Blondel (+ 1655). L'Index a vainement essayé d'étouffer leurs voix ;
tout le monde est aujourd'hui fixé. Mais le mal était fait et la Papauté est
restée en possession de cette omnipotence absolue, que personne ne lui reconnaissait
encore avant les fausses décrétales. »
La cause est donc entendue.
Le chanoine Doellinger (« le théologien le plus illustre de l'Église catholique
et l'une des gloires scientifiques de l'Allemagne au XIXème siècle ») a pu
écrire : « Aucune des anciennes confessions de foi, aucun catéchisme, aucun des
écrits des Pères de l'Église destinés à l'instruction religieuse du peuple, ne
contiennent un mot du pape : encore moins, une allusion à l'obligation de ne
chercher qu'auprès de lui la certitude en matière de foi et de doctrine. Aucun
point de la doctrine, pendant le premier millier d'années de l'Église, n'a été
reçu comme valablement décidé par une sentence papale ».
La Papauté est le fruit du
mensonge, de l'imposture et de l'intrigue. Source empoisonnée, dont ne pouvait
sortir qu'une institution malsaine, ainsi que nous allons le montrer.
FIN DE LA DÉMOCRATIE
CHRÉTIENNE. - Le premier résultat de cette évolution fut que l'Église perdit le
caractère semi-démocratique qu'elle avait eu à ses origines.
Prêtres et évêques étaient
alors élus directement par les fidèles. Il en fut de même pour certains papes,
tels que saint Ambroise, élu par le peuple, bien qu'il ne possédât aucun titre
ecclésiastique.
Jusqu'alors, les questions
dogmatiques avaient été librement discutées dans les synodes et les conciles.
C'était l'assemblée des évêques qui les tranchait et qui décidait. Le pape ne
pouvait imposer aucune idée personnelle, à moins qu'elle n'eût été approuvée et
confirmée par les évêques.
Les évêques refusaient
parfois de s'incliner devant les papes ; c'était ceux-ci qui devaient baisser
pavillon devant les décisions des conciles.
Au VIIème siècle, ne
s'est-il pas trouvé un concile pour condamner la mémoire du pape Honorius Ier,
convaincu d'hérésie et dont les écrits furent livrés aux flammes ? Les légats
romains assistaient à ce grand Concile, parlant au nom de l'Église tout
entière. On était encore loin de la ridicule infaillibilité des Papes !
En 824, les évêques réunis
au Synode de Paris blâmèrent les « absurdités » du pape Adrien, qui avait
ordonné, disaient-ils, une adoration superstitieuse des images. (La chose n'a
pas grande importance, puisque le Cardinal Bellarmin a prétendu qu'il fallait
suivre les enseignements des papes, fussent-ils hérétiques, faute de quoi
l'autorité de l'Église serait dangereusement ébranlée. Un théologien de
Mayence, Erbermann, assurait qu'un pape tout à fait ignorant pouvait être quand
même infaillible « puisque, autrefois, Dieu avait indiqué le bon chemin aux
hommes en faisant parler même une ânesse ». (Doellinger.)
Le Pape Étienne VII fit
déterrer le corps du Pape Formose, son prédécesseur. On le dépouilla de ses
ornements, on lui coupa les doigts et la tête et ses débris furent jetés dans
le Tibre. Les ordinations faites par Formose furent annulées par Étienne VII. Mais
celui-ci fut bien vite étranglé et ses successeurs Théodose II (qui régna 20
jours !) et Jean IX le désavouèrent à leur tour - et replacèrent Formose dans
son tombeau ! L'infaillibilité des représentants de Dieu était soumise à de
singulières (et barbares) fluctuations.
D'autre part, les papes
n'avaient aucune part à la convocation des synodes. Tous les grands synodes ont
été ordonnés par les empereurs, qui ne consultaient même pas les papes. Ces
derniers n'en eurent même pas toujours la présidence (Doellinger). On voit par
là que leur « primauté » ne leur procurait pas des avantages bien sensibles.
Bien entendu, à ces époques,
il n'y avait pas de Curie romaine. Personne ne demandait au pape de dispense,
ne lui versait de taxe ni d'impôt. Tout cela a bien changé par la suite.
Il faut reconnaître que les
manœuvres des évêques de Rome furent facilitées par la dissolution de l'empire
romain et les invasions des barbares. A la faveur de ces désordres, ils
s'emparèrent aisément du pouvoir.
Les Croisades contre les
Infidèles constituent une des plus grandes hontes de la Papauté. Au cours de
ces guerres stupides, on fit d'horribles hécatombes (par exemple, sur 800.000
croisés, il n'en arrivait que 50.000 aux Lieux « Saints »). Qu'importait aux
Papes, désireux d'accroître leur puissance à tout prix !
Et leurs conflits avec les
rois, par suite de leurs exigences ? Faut-il rappeler leur résistance à la
Pragmatique Sanction ? Faut-il rappeler le crime de la condamnation des
Templiers ? Il y aurait trop à dire ….
Même la condamnation des
Jésuites, au XVIIIème siècle, dont on serait tenté de féliciter la Papauté
(comme une de ses rares bonnes actions) ne fut décidée qu'à contre-cœur. Au
fond, le Pape Clément XIV était favorable aux Jésuites ; il ne les condamna que
parce qu'ils avaient soulevé contre eux une réprobation universelle par leurs
méfaits - et parce qu'il craignait, en se solidarisant avec eux, de provoquer
un schisme dans l'Église.
Chaque pape s'employa, à
tour de rôle, à conserver et à accroître sa puissance, mais ce fut Grégoire
VII, habile, énergique, sans scrupule, qui développa au plus haut point
l'absolutisme papal et ses successeurs ne firent que s'inspirer des principes
et de l'exemple qu'il leur avait légués.
L'ambition des papes ne
connut plus de bornes. Par l'Inquisition, ils ne reculèrent devant aucune
atrocité pour imposer leur joug aux populations. Les rois tremblaient devant eux,
car ils excommuniaient quiconque leur résistait, allant jusqu'à délier les
sujets des rois hérétiques ou excommuniés de toute obéissance à leur égard,
excusant ainsi la révolte et le régicide. En d'autres circonstances, les Papes
avaient la prétention de disposer des royaumes ; ils enlevaient la couronne à
tel monarque indocile pour la donner à un autre roi ou à un seigneur choisi
parmi leurs plus dévouées créatures. Que de conflits et de guerres sanglantes
ont été produits par cette insupportable prétention de la Papauté ! Maîtres du
monde, pasteurs des âmes, représentants de Dieu, n'étaient-ils pas qualifiés
pour gouverner les nations, par dessus la tête des potentats éphémères, qui
n'avaient reçu le glaive que pour servir Dieu et son Église ?
Alexandre VI donna au roi
d'Espagne toutes les terres que l'on découvrirait à cent lieues des Açores, à
la seule condition d'en faire évangéliser les habitants (et pour cause). Quel
titre avait le Pape sur l'Amérique, pour la « donner » aux barbares conquistadores
qui devaient exterminer les malheureux Indiens ? Il y eut une grande dispute,
car le pape Eugène IV l'avait déjà donnée (l'Amérique), aux Portugais. Mais les
Espagnols eurent, finalement, raison, parce qu'ils étaient les plus forts et
qu'ils s'appuyaient sur un pape vivant, tandis que les Portugais ne pouvaient
invoquer qu'un pape mort ! (Meissas).
En 1215, Innocent III
attaqua furieusement la Magna Charta anglaise, la plus ancienne et la plus
vénérable des constitutions européennes, parce qu'elle ne faisait pas une part
assez grande à l'absolutisme romain.
Pie VI n'essaya-t-il pas,
plus tard, de briser l'œuvre de notre Révolution française ? En opposition à la
Constitution civile du clergé, n'a-t-il pas suscité le plus féroce des
conflits, en poussant les Chouans à la « guerre sainte » ?
Le dernier grand concile fut
le Concile de Trente. Les papes supportaient mal ces grandes assemblées, où
l'on discutait trop librement à leur gré. Ils les considéraient comme des
obstacles à leur autocratie.
Les Papes mirent tant
d'obstacles au Concile de Trente, ils l'interrompirent et le suspendirent si
souvent, qu'il se prolongea 18 ans ! (de 1545 à 1563). La Papauté craignait
d'être mise en cause au cours des débats, mais elle manœuvra si habilement
qu'elle finit par lasser ses adversaires et par éviter le danger.
La Papauté devint une
monarchie vraiment absolue.
Ce fut, à l'intérieur même
de l'Église, une atmosphère étouffante. On la respire aujourd'hui encore ... Le
célibat fut imposé aux prêtres, afin de pouvoir les dominer plus aisément.
Le pape eut le pouvoir de
fabriquer lui-même les lois de la Chrétienté, de les modifier ou de les
supprimer à son gré et sans consulter personne. Jamais aucun monarque ne
posséda une puissance aussi arbitraire.
Dans la pratique, le Pape
était souvent un instrument entre les mains de son entourage. La Curie romaine
s'était formidablement développée ; elle était devenue la plus forte
bureaucratie qui ait jamais existé dans le monde. Le Pape était le prisonnier
de la Curie, qui, de son côté, n'obéissait qu'aux appétits les plus cupides et
aux ambitions les plus exagérées.
Par la suite, la Compagnie
de Jésus devait s'infiltrer dans l'entourage du Pape et régner sur le Vatican.
Nous voyons aujourd'hui fleurir sous nos yeux les conséquences ultimes de la
politique des jésuites, devenus, par leur ingéniosité, leur patience et leur
astuce, les véritables maîtres des Papes et de l'Église catholique.
La « démocratie » chrétienne
reçut le coup de grâce en 1870, au Concile du Vatican, qui admit le dogme
stupide de l'Infaillibilité du Pape. Il y eut cependant des résistances,
puisque 451 prélats seulement, sur 700, s'inclinèrent lors du premier vote,
devant la volonté de Pie IX. Voilà une infaillibilité (!) qui tenait à peu de
chose.
La plupart de ces prélats
était entraînés par l'appât des faveurs et des prébendes. Ils votèrent par
calcul, par intérêt, plutôt que par faiblesse ou par sottise, ce qui fut
pourtant le cas de quelques-uns.
Parmi les opposants se
trouvaient les hommes les plus distingués, intelligents, sincères. Ils durent
s'incliner, la mort dans l'âme, devant le triomphe des Jésuites, qui faisait de
la religion chrétienne, un véritable fétichisme, basé sur le culte d'un homme
infaillible et sacro-saint !
PRÉTENDUE SAINTETÉ DE LA
PAPAUTÉ. - Plus la papauté acquérait de puissance, plus vite elle dégénérait,
sombrant dans l'immoralité la plus choquante.
Les compétitions les plus
ardentes ne tardèrent pas à se déchaîner autour du trône pontifical. Il ne
m'est pas possible, dans cette courte étude, de multiplier les exemples, car
c'est toute l'histoire de la papauté, très détaillée, qu'il faudrait faire pour
montrer la bassesse et l'avidité des prétendus représentants de Jésus.
Bornons-nous à quelques
exemples. « De 883 à 955, pendant plus de 70 ans, l'Église romaine vécut dans
l'humiliation et dans la servitude : la chaire apostolique était alors la proie
et le jouet des factions rivales de la noblesse et fut même livrée, pendant un
certain temps, aux mains de femmes ambitieuses et débauchées » (Doellinger). Au
XIème siècle, ce fut encore pire : « Le trône pontifical fut alors vendu et
acheté comme une marchandise ; trois papes, à la fois, se disputèrent jusqu'à
ce qu'enfin, l'empereur Henri III parvint à arrêter la dissolution de la
papauté en plaçant des évêques allemands sur le siège de Rome ».
A l'origine, les Papes
étaient sous la dépendance des Empereurs (le droit de veto, conservé par
l'Empereur d'Autriche jusqu'au démembrement de son empire en 1918, n'était pas
autre chose qu'un vestige de cette dépendance). Une fois élu, le Pape ne
commençait à régner de façon réelle qu'après avoir reçu l'exequatur impérial.
Cette vassalité cadrait assez mal avec le caractère prétendu surnaturel et
sacré de la Papauté.
Lorsque les Papes se furent
émancipés de cette tutelle, lorsqu'ils se sentirent assez forts pour essayer de
faire trembler les empereurs et les rois, lorsque la chrétienté fut soumise à
leurs caprices, leur ambition devint illimitée.
Ils poussèrent la folie
jusqu'à se mettre au-dessus des principes sociaux et moraux imposés aux
vulgaires mortels.
« En 1610, la Rota de Rome
rappelle que les concordats entre le pape et les princes, étant un privilège
accordé par le Saint Siège, celui-ci n'est jamais lié par contrat ». Nicolarts
Zallwein, Oenas Sylvins, Pirro Corrado, Roccaberti, Felino Sandei soutiennent
la même thèse.
Le 14 décembre 1740, Benoît
XIV renouvelle ces prescriptions et se met audessus de tout concordat, dans sa
lettre au Chapitre de Liège. En 1893, Pezzani, théologien pontifical, déclare
qu'un concordat n'est qu'une concession, toujours révocable dès qu'elle cesse
d'être utile à l'Église ; il ajoute que l'obéissance est due même à un pape
pervers. (Voir les remontrances de saint Bernard (1091-1153), à la Papauté et
aux Grands de l'Église, qui dominent et s'enrichissent. Cité par le Docteur
Mariavé).
Dans leur orgueil, les Papes
se plaçaient donc tout à fait au-dessus de la chétive humanité !
Aussi, quelles rivalités,
quelles luttes haineuses vont se livrer pour la possession de la tiare ! Et que
de crimes aussi... Nombreux sont les papes qui n'ont gouverné que pendant
quelques mois, voire quelques semaines et qui mouraient subitement, empoisonnés
par les prélats impatients de leur succéder !
L'abbé de Meissas a dressé
un tableau récapitulatif des pontificats les plus courts. Je regrette que la
place me fasse défaut pour le reproduire, car il est très suggestif.
Contentons-nous d'y relever quelques noms.
Entre les années 235 et
1605, il a régné 212 papes. 42 n'ont pas régné une année entière. (La fin du
IXème siècle vit 10 papes en 17 ans !)
Sisinnius ne gouverna que 19
jours ; Étienne I, 3 jours ; Boniface VI, 15 jours ; Théodore II, 20 jours ;
Jean XV, un mois ; Damase II, 23 jours ; Célestin IV, 16 jours ; Pie III, 25
jours ; Marcel II, 2 jours (c'est un record !) ; Urbain VII, 15 jours ; Léon
XI, 26 jours (le record fut battu en 1276 : 4 papes se succédèrent, en effet,
au cours de cette seule année). Je n'énumère pas ceux dont le règne a duré un
mois, six semaines ou trois mois au maximum, la liste en serait trop longue.
Les papes étaient
terriblement puissants, mais ils soulevaient tant de jalousies et de haines
que, malgré les précautions les plus prudentes, ils finissaient souvent par
succomber.
Il avait fallu 35 jours de
conclave pour élire Pie III - et il ne gouverna que 25
jours.
Lorsque les cardinaux ne
parvenaient pas à se mettre d'accord pour l'élection du Pape, ils votaient pour
le plus vieux, le plus malade (ou le plus bête), espérant ainsi se retrouver
bientôt devant un siège vacant et de nouvelles élections.
L'Église ose, néanmoins,
prétendre que les Papes sont élus sous l'inspiration du Saint Esprit !
Bien entendu, les femmes
jouaient un rôle de premier plan dans ces intrigues et ces compétitions. Armand
Dubarry a pu dire que « les femmes ont fait plus de prélats, cardinaux, papes
que tous les souverains réunis » (Histoire de la Cour de Rome).
En 1281, le Conclave, réuni
à Viterbe, traînait en longueur. La foule envahit alors le palais et enlève les
cardinaux Matteo et Giordano Orsini, parents du défunt pape, qui entravaient
l'élection, paraît-il. La nomination du nouveau pape, Martin IV, put alors se
faire sans difficultés. Voilà une manifestation vigoureuse ... du Saint-Esprit
!
Le Français De Brosses, qui
voyageait en Italie, vers 1740, a laissé sur les Conclaves des pages
inoubliables, presque aussi sévères que celles qui furent écrites, moins d'un
siècle plus tard, par l'illustre écrivain catholique Chateaubriand. Écoutons De
Brosses :
« Il n'y a ni petit ni grand
dans Rome qui n'ait un intérêt personnel à ce que tel ou tel soit élu, à cause
des liaisons et des protections, à cause des cardinaux qu'il fera et parce
qu'il rend incontinent son chapeau à quelqu'autre personne appartenant à la
famille du pape qui le lui a donné ; de sorte qu'il importe à beaucoup de gens
que le nouveau pontife soit choisi dans le nombre des créatures de tel ou tel pape
». (Cité par Dubarry).
On cite des papes qui
achetèrent à beaux écus une partie des cardinaux composant le Conclave, afin
d'être élus à coup sûr ! Ce fut le cas du cardinal Rodrigue Borgia, élu pape,
en dépit de sa vie scandaleuse (il avait 5 bâtards) en prodiguant l'or et les
promesses.
Il leur fallait, une fois
élus, récupérer leur mise de fonds en pressurant la chrétienté et en vendant
aux enchères toutes les charges ecclésiastiques.
« Il n'est plus un évêché,
il n'est plus une dignité ecclésiastique, il n'est plus une simple place de
curé, dit l'abbé Burchard d'Ursperg, dont on ne fasse l'objet d'un procès à
Rome et malheur à celui qui y arrive les mains vides » (Doellinger).
« Tout se vendit autour du
pape : la pourpre, la mitre, les bénéfices, les titres, les décorations ; car
rien n'égalait l'appétit de ce beau monde clérical, couvert de dentelles, de
soie, de brocart et servi par un nombreux domestique » (Dubarry).
Que d'abus dans la
nomination des cardinaux !
Leur nombre était d'abord
très réduit. En 1277, le Conclave qui élit Nicolas III n'était composé que de 8
cardinaux seulement.
Il y en eut ensuite 10, puis
20, puis 40, 50 ... Sixte V décida qu'il y en aurait 70, et ce chiffre a
prévalu.
C'était une source de très
gros bénéfices. Aussi nous ne devons pas nous étonner d'apprendre que Léon X
ait créé cardinal à l'âge de sept ans, le fils du roi du Portugal.
Alexandre VI nomme le fils
du roi de Sicile, âgé de 4 ans, coadjuteur de l'évêque de Metz. Jean X nomme
archevêque un enfant de 5 ans, fils du comte de Vermandois et Clément VII fait
cardinal le jeune Odet de Coligny - il avait 11 ans.
En 1534, Paul III fait
cardinal son neveu Nicolas (12 ans).
Sixte Quint nomme également
son neveu Peretti cardinal, à l'âge de 14 ans.
Léon X avait été créé
cardinal à 14 ans par Innocent VIII. (Il est vrai qu'on pouvait également être
pape à 23 ans (Grégoire V), à 16 ans (l'infâme Jean XII) et même à 12 ans
(Benoît IX).
Nul n'ignore que ce sont
tous ces abus, cet amour effréné de l'argent, la vente des indulgences, des
évêchés, des cures, le spectacle des orgies, des empoisonnements, des
turpitudes de la Papauté qui ont rendu possible la révolte de Luther et le
grand mouvement de réformation protestante. Le siège de saint Pierre, grisé de
sa toute puissance, sombrait dans la folie et la pourriture.
Le chancelier Gerson, dont
on a fêté récemment l'anniversaire, déclare : « Par suite de l'avarice
cléricale, de la simonie, de l'avidité et de l'ambition des papes, l'autorité
des évêques et des chefs inférieurs des Églises a été absolument détruite et
anéantie ... »
On excommuniait quantité de
gens pour des bagatelles, leur laissant ensuite la faculté de se racheter de
ces excommunications par le versement de sommes écrasantes. L'exploitation de
la superstition fut poussée à ses extrêmes limites.
L'évêque Alvaro Pelayo
raconte qu'il aperçut, chaque fois qu'il entra dans les antichambres du pape,
des courtisans occupés à compter des pièces d'or, dont les monceaux s'élevaient
devant eux. (Doellinger)
Jacques de Vitry (qui fut
lui-même cardinal), disait : « Les revenus de la France entière suffiraient à
peine à subvenir au luxe des cardinaux ». Et ces personnages se disputaient le
Saint-Siège comme une proie.
J'ai dit plus haut que
certains papes n'avaient régné que quelques semaines, voire quelques jours. Il
faut ajouter qu'entre deux papes, il y avait parfois un interrègne
considérable, parce que les cardinaux ne parvenaient pas (malgré la
collaboration du Saint Esprit, c'est-à-dire de Dieu), à se mettre d'accord.
C'est là un des plus grands scandales qui déshonorent l'histoire de la Papauté.
Célestin IV ne fut élu pape
qu'après une vacance de 2 ans ; Grégoire X, après un interrègne de 3 ans ;
Nicolas IV, après une année et son successeur Célestin V dut attendre 27 mois !
Après la mort de Benoît XI, il y eut une vacance de 11 mois ; après celle de
Clément V une vacance de 28 mois....
Durant ces interrègnes, les
gens de la Curie s'en donnaient à cœur joie. Ce n'était que procès, intrigues,
vente de sauf-conduits, de dispenses, de privilèges de toutes sortes.
On réagit contre ces
scandales, en soumettant les Conclaves à un règlement sévère. Les cardinaux
étaient enfermés tous ensemble, dans une même chambre. Ils n'étaient autorisés
à conserver qu'un seul serviteur chacun auprès d'eux et leurs aliments leur
étaient apportés à travers un guichet.
Si le Saint Esprit ne les
avait pas visités au bout de trois jours et s'ils n'étaient pas arrivés à se
mettre d'accord sur le choix d'un pape, on diminuait leur ration alimentaire
pour les obliger à se dépêcher.
Moins sévère aujourd'hui,
l'organisation des Conclaves maintient cependant pour les cardinaux
l'obligation d'être séquestrés jusqu'à la fin de l'élection. Excellente
précaution ...
Machiavel déclare que « plus
un peuple habite près de la Cour romaine, moins il possède de religion ». Et
Guichardin écrit : « On ne saurait dire de la Cour de Rome tant de mal qu'elle
n'en mérite encore davantage ».
Isidore Chiari, évêque de
Foligno, va jusqu'à dire que « parmi les deux cent cinquante évêques de
l'Italie, à peine pourrait-on en trouver quatre méritant le nom de pasteurs
spirituels et administrant réellement leur charge. »
Sainte Catherine de Sienne
vint trouver Grégoire XI et lui dit « qu'elle sentait dans la Curie romaine la
puanteur des vices infernaux ».
Saint Bonaventure, que les
Papes avaient pourtant comblé d'honneurs n'a pu s'empêcher de comparer Rome à «
une prostituée qui enivrait les rois et les peuples du vin de sa débauche ».
Le peuple romain, loin
d'estimer la Papauté, détestait cordialement tout ce qui touchait, de près ou
de loin, au Vatican. « On n'a pas souvenir d'un Pape dont la mort ait été un
sujet de deuil pour les Romains. » (Dubarry.) La mort du Pape était, au
contraire, le signal de la réjouissance populaire ou de la révolte.
Les Romains expulsèrent la
Papauté de Rome à plusieurs reprises, en effet. De 1140 à 1149, par exemple,
les papes ne purent rentrer dans la Ville éternelle.
A la mort de Paul IV, le
peuple se souleva et délivra tous les prisonniers de l'Inquisition, puis mit le
feu à la prison.
Le grand schisme d'Occident,
conséquence de ces compétitions farouches, mit le coupable au scandale. Pendant
71 ans, on vit le spectacle de deux papes, l'un à Rome, l'autre à Avignon (à
certain moment il y en eut même trois !) s'excommuniant et s'anathématisant
réciproquement... (XIVème et XVème siècles).
Un autre exemple de ces
compétitions : le pape Sergius III est élu en 898, concurremment avec Jean IX,
mais celui-ci l'emporte, étant soutenu par l'empereur Lambert. A Jean IX avait
succédé Benoît IV, puis Léon V (903). Moins de deux mois après, celui-ci fut
renversé par Christophe, qui l'incarcéra. Mais, dès le commencement de 904, on
vit revenir Sergius III avec l'appui des Francs et il envoya Christophe
rejoindre Léon V en prison, jusqu'à ce qu'on les supprimât tous deux. (Abbé de
Meissas.)
Moins d'un siècle plus tard,
les Éphémérides de la Papauté nous fournissent un tableau analogue. Nous
voyons, de 964 à 985, un premier pape assommé, un second mort captif en exil,
un troisième maintenu par une répression barbare, un quatrième étranglé et un
cinquième mort de faim ! Après cela, il y a des gens pour croire que le Christianisme
est venu civiliser l'humanité ! Il est vrai qu'ils ont l'excuse, comme la quasi
unanimité des croyants, de ne rien connaître de l'histoire de la Papauté, ou de
n'en connaître qu'une version falsifiée pieusement, comme tout le reste.
Gonflée littéralement de
richesses fabuleuses, Rome fut pillée et mise à sac (en 1527) par les
Allemands, les Espagnols et les Italiens. Les rares chrétiens sincères y virent
un châtiment de Dieu pour les hontes de la Papauté.
TURPITUDES ET CRIMES DU
VATICAN. - Je ne m'arrêterai pas aux crimes de l'Inquisition, car nous avons
traité ailleurs la question. Rappelons simplement que la responsabilité de ces
crimes incombe entièrement au Vatican. Ce sont les Papes qui ont créé
l'Inquisition et qui ont donné aux Inquisiteurs les instructions concernant la
procédure à suivre contre les hérétiques. Ces instructions, dignes des
bourreaux qui les mettaient en application, étaient dictées par une cruauté
sans égale. Elles ont permis de torturer, de violenter (et de détrousser, car
l'Église ne perd jamais une occasion de remplir ses poches) des centaines de
malheureuses victimes innocentes.
Pour obliger les seigneurs
et les rois à exterminer les hérétiques, on les menaçait de l'excommunication.
C'est ainsi que des milliers d'Albigeois furent brûlés vifs sur l'ordre du Pape
(1208) avant même que l'Inquisition eût été organisée définitivement.
Innocent VIII (1484-1492)
prescrivait aux magistrats civils d'exécuter les sentences de l'Inquisition
sous peine d'excommunication, « promptement, sans appel et sans le moindre coup
d'œil jeté sur la procédure » (sic). (Abbé de Meissas.)
De tels exemples pourraient
être multipliés mais sont-ils bien sincères ceux qui essaient de laver la
Papauté de toute complicité dans les atrocités de l'Inquisition ? N'insistons
pas, car le rôle sanguinaire de l'Église n'est que trop connu et, dans la
circonstance, les rois et les seigneurs, si barbares et cruels qu'ils aient
été, ne furent que des instruments dociles entre les mains des prêtres
intolérants et fanatiques.
Nous avons parlé des
Croisades et des hécatombes qu'elles ont nécessitées. Non seulement elles
furent inutiles, puisqu'elles ne donnèrent même pas les résultats qu'on en
attendait, mais elles entretinrent entre les races chrétiennes et islamiques
les haines les plus funestes. Nous pourrions parler aussi des guerres de
religion, en particulier de la répression du protestantisme, dont la
responsabilité incombe aux Papes dans une très large mesure.
A part quelques rares
exceptions, prêtres, évêques et moines poussèrent au massacre des huguenots. Le
clergé de Paris fit des processions au lendemain de la saint Barthélémy. Le
pape lui-même (Grégoire XIII) ordonna une procession d'actions de grâces, à
Rome et il y assista. Il fit également frapper une médaille pour commémorer le
souvenir de ce grand événement et glorifier le triomphe de la Foi sur l'Hérésie
- sans parler des félicitations qu'il envoya au lamentable Charles IX.
(Ces félicitations, nous les
retrouverons plus tard dans la bouche de Bossuet, l'Aigle de Meaux, adressant à
Louis XIV les éloges les plus exagérés au lendemain de la révocation de l'Édit
de Nantes, qui rallumait la guerre religieuse et servit de prétexte à la
persécution et à l'expulsion de centaines de milliers de réformés.)
Chaque fois qu'ils y eurent
intérêt, les Papes n'hésitèrent pas à provoquer des guerres et des révolutions.
Grégoire VII, par ses prétentions théocratiques, mit l'Allemagne à feu et à
sang (ce qui n'a pas empêché l'Église de le canoniser !). Sixte-Quint loua le
zèle et le courage du dominicain Jacques Clément, qui avait assassiné le roi
Henri II, auquel on reprochait de ne pas servir assez docilement la cause
anti-luthérienne. Les Papes ont donné aux monstrueux rois d'Espagne les
directives sanglantes que l'on connaît. Cette malheureuse nation en est restée
épuisée et dégénérée pour des siècles. Les guerres de Vendée sont également
l'œuvre de la Papauté, ainsi que les récentes insurrections du Mexique, sans
parler du rôle machiavélique joué par elle lors du déclenchement de la guerre
de 1914 dont elle attendait un regain d'influence et le rétablissement de son
pouvoir temporel, réalisé en février 1929, grâce à la complicité du trop
célèbre Mussolini.
Voilà l'institution dont on
nous demande d'admirer la sainteté, le caractère surnaturel et la haute vertu
moralisatrice ! Et nos gouvernants, même « laïques », acceptent de congratuler
ces gens-là, sachant pertinemment qu'en abrutissant le peuple, l'Église
travaille à conserver leurs privilèges !
Pour édifier le lecteur sur
l'œuvre moralisatrice (?) du Vatican, il me suffira de reproduire quelques
documents puisés au hasard, à travers les siècles :
IVème SIÈCLE. - « Le frère
se sépare de sa sœur qui fait profession de virginité ; la sœur dédaigne son
frère qui vit dans le célibat et cherche ailleurs un autre frère ; tous deux
paraissent prendre le même parti ; puis, sous prétexte de se procurer des
consolations spirituelles, ils ont chez eux, avec des étrangers, un commerce
charnel. » (De Custodia, p. 327.)
« Puis-je raconter sans
douleur combien de vierges succombent tous les jours ; combien l'Église en voit
périr dans son sein : combien, semblables à des étoiles scintillantes,
deviennent les esclaves du démon ; combien de cœurs enfin, aussi durs que la
pierre, s'ouvrent cependant à ce serpent qui s'y glisse comme dans une retraite
? Quelles sont celles-là qui, la tête haute, marchent à pas comptés, cachant
sous une toilette simple et modeste une vie déréglée que l'on ne connaît que
par leur grossesse et par les cris des enfants ? Ce sont des vierges devenues
veuves avant leur mariage. Il y en a qui procurent la stérilité à leur sein, et
ainsi commettent l'homicide d'un homme qui n'est pas encore né. D'autres se
sentant criminellement enceintes ont recours aux poisons qui font avorter. Et comme
souvent elles périssent avec leur embryon, elles descendent aux enfers chargées
de trois crimes, homicides d'elles-mêmes, adultères de Jésus-Christ, parricides
de leur enfant, même avant sa naissance. » (Saint Jérôme, De Custodia, p. 326.)
(Cf. saint Jean Chrysostôme,
Homélies quod regulares feminoe ... et Contra eos qui subintroductas habent.)
Vème SIÈCLE. - « Nous
appelons les femmes qui demeurent avec nous nos mères, nos sœurs et nos filles,
n'ayant point de honte d'employer ces noms de piété à couvrir nos débauches.
Que fait le moine dans la chambre des femmes ? Que signifient ces tête-à-tête
intimes et ces yeux qui fuient les témoins ? » (Saint Jérôme, édition
Martianney, t. IV, p. 287.)
VIème SIÈCLE. - «
L'incontinence, à en juger par le grand nombre de canons qui la condamnent,
paraît avoir été la grande plaie du clergé espagnol. » (Abbé Guyot, Somme des
Conciles, t. I, p. 385).
VIIème SIÈCLE. - Le concile
Quinisecte ou in Trullo, en 692, nous apprend (canon 86) qu'il était devenu
urgent de réprimer un scandale courant : le proxénétisme des clercs ! Les
clercs tenaient des lupanars.
VIIIème SIÈCLE. - Les mœurs
du clergé vont en se corrompant chaque jour davantage, de l'aveu des conciles
successifs de 742, 744, 787, 753, 757. Les prêtres portent les armes, se
livrent aux orgies, à l'usure, à la simonie ; l'orgueil, l'avarice, la luxure
et l'ambition sont leurs vices les plus communs.
IXème SIÈCLE. - « Les clercs
n'auront absolument aucune femme chez eux, pas même leur sœur ; car il y a des
prêtres qui, faisant de leurs propres sœurs leurs concubines, leur ont engendré
des enfants. » (Concile de Mayence en 847 et Concile de Metz en 888.)
Xème SIÈCLE. - Pendant plus
de cinquante ans, l'Église fut gouvernée par trois prostituées lesquelles firent
trois papes.
Une patricienne de Rome,
Théodora, avait deux filles, Théodora la jeune et Marouzie. Celle-ci, maîtresse
du pape Sergius III eut de lui un fils, Jean (Jean XII). A la mort de ce pape,
Théodora, la mère, lui donna pour successeur son amant, Jean X. Aidée de son
mari, Guy, fils aîné de son amant, le marquis de Toscane, Marouzie renverse
Jean X, l'amant de sa mère et le fait étouffer en prison et place sur le trône
pontifical, successivement Léon VI, Étienne VII et Jean XI, un fils qu'elle
avait eu de Sergius III, et qui fut Jean XII. Un mari ayant surpris ce pape
dans les bras de sa femme, l'assomma d'un coup de marteau sur la tempe.
(Annales ecclésiastiques, de Baronius, t. XV, etc. ; Fleury, Hist. Ecclés.,
liv. XIV.)
« Nous ne disons rien qui ne
soit vu et avoué de tout le monde. Nous en pouvons prendre à témoin la veuve de
Rénier, son vassal, dont il est si amoureux qu'il lui a confié le gouvernement
de plusieurs villes, et qu'il lui a donné des croix et des calices d'or de
l'église de Saint-Pierre du Vatican. Nous en prendrons encore à témoin
Étiennette, une de ses maîtresses, qui mourut ces jours passés, en accouchant avant
terme, d'un enfant qu'elle avait eu de lui. Mais quand ces personnes-là
demeureraient dans le silence, les pierres crieraient, et le palais de Latran,
qui était autrefois une retraite de personnes de vertu, et qui est devenu
maintenant un lieu de débauche et de prostitution, élèverait sa voix pour lui
reprocher ses amours, et pour condamner le commerce infâme qu'il entretient
avec la sœur d'Étiennette ; Étiennette, concubine d'Albéric, son père. Nous
prendrons encore à témoin l'absence des femmes de toutes les nations qui
n'oseraient venir faire leurs prières au tombeau des Apôtres de peur d'y
recevoir un traitement pareil à celui qu'ont reçu des femmes mariées, des
veuves et des filles, qui ont été les victimes de son impudicité ... » (Rapport
fait à l'empereur Othon par les évêques assemblés en concile, année 962, sur la
conduite du pape Jean XII. Mémoires de Luitprand, évêque de Crémone, traduits
par le président Cousin, t. II de l'Hist. de l'empire d'Occident, 1683.)
« Ces débauches étaient
payées avec le trésor de l'Église que la simonie alimentait et que l'on n'avait
garde d'employer aux usages légitimes. On parle d'un évêque consacré à l'âge de
10 ans, d'un diacre ordonné dans une écurie, de dignitaires aveuglés ou
transformés en eunuques. La cruauté complétait l'orgie. Pour que rien ne
manquât, on raconte que dans les festins de Latran, il arrivait au pape de
boire à la santé du diable. » (Abbé Duchesne, chargé de cours à la Faculté
catholique de Paris, Les commencements de l'État pontifical, Albert Fontemoing,
éditeur, Paris 1898.)
XIème SIÈCLE. - Trois papes
siègent concurremment à Rome : Sylvestre II à Saint-Pierre, Jean XX à Sainte
Marie Majeure, et Benoît IV au palais de Latran.
« Les évêques en vinrent à
ce point de vilenie, qu'ils se firent des rentes avec la luxure de leurs
prêtres. Ils permirent, en effet, aux prêtres d'entretenir des concubines chez
eux pourvu qu'ils payassent une amende à eux, évêques. » (Concile de
Lillebonne, 1080, canon 5ème.)
Le concile de Pavie en 1020
dit dans son canon 3ème :
« Les fils et les filles de
tous les clercs, sans exception, qui sont nés d'une femme libre, quelle qu'elle
soit, et quel que soit le genre d'union de cette femme (mariage ou
concubinage), tous ces fils et filles, avec tous les biens qu'ils ont reçus de
n'importe quelle main, appartiendront comme serfs à l'église de leur père, et
jamais ils ne pourront être affranchis du servage de l'Église. » « Les femmes
qui, dans l'enceinte de Rome, se seront prostituées à des prêtres,
appartiendront au palais de Latran comme esclaves. » (Décret du pape Léon IX,
Concile de Rome, 1051.)
XIIème SIÈCLE. - Les
scandales des siècles précédents atteignent de telles proportions, qu'on ne
compte pas moins de onze conciles réunis pour les flétrir et provoquer des
ordonnances qui resteront lettre morte. (Conciles de Londres, 1102, 1108 ;
Latran, 1123 ; Londres, 1125, 1127, 1129 ; Latran, 1139 ; Londres, 1175 ;
Latran, 1179 ; Rouen, 1189 ; Dalmatie, 1199. Le concile de Latran, 1179, canon
11ème, constate que les clercs sont infectés d'un vice contre nature.)
XIIIème SIÈCLE. - « Aucune
plaie de l'Église, à l'exception de 1'incontinence, ne fut plus étendue ni plus
envenimée que celle de Simonie. On compterait difficilement les évêques déposés
pour ce crime par les papes ou par leurs légats ; le nombre des prêtres échappe
à l'histoire, à la faveur de leur subalternité. L'Église était envahie par la
concupiscence des yeux et par l'orgueil de la vie. » (Abbé Guyot, loc. cit. t.
Il, p. 26.)
XIVème SIÈCLE. - Le grand
schisme d'Occident (1378 à 1417). II y eut un Pape à Rome et un Pape à Avignon.
« Combien est grand le
nombre des clercs qui attendent une place ! Mais quelle est la valeur de ces
gens qui accourent de toutes parts et offrent leurs services ? Ce n'est pas de
l'école ni des études libérales, mais de la charrue et des œuvres serviles
qu'ils venaient pour obtenir 1'administration des paroisses et des autres
bénéfices. Ils ne comprenaient guère plus le latin que l'arabe ; que dis-je ?
Ils ne savaient pas lire, ô honte ! ou ils savent à peine distinguer un alpha
d'un bêtha ... »
« Aujourd'hui, un homme
inoccupé, ayant horreur du travail ou désirant riboter dans l'oisiveté,
court-il au sacerdoce et l'acquiert-il ? Sur le champ il se joint aux autres
prêtres, sectateurs de voluptés, qui, plus Épicuriens que Chrétiens,
fréquentent assidûment les cabarets et consument tout leur temps à boire,
manger, dîner, souper, ainsi qu'à jouer aux dés et à la paume. Plongés dans la
crapule et l'ivrognerie, ils se battent, ils crient, ils font du tapage et de
leurs lèvres souillées ils jurent le nom de Dieu et des saints. Quand le calme
est enfin venu, ils passent des bras de leurs concubines à l'autel de Dieu. »
« Leur zèle et leurs
convoitises sont pour l'argent ; ce qu'ils cherchent avec ardeur, ce n'est pas
le profit des âmes, c'est celui de leur bourse. L'amour de l'argent les
enflamme ; la piété consiste à gagner de l'argent ; ils ne font rien sans
calculer si leur acte les aidera à récolter de l'argent en quoi que ce soit ;
l'argent les jette dans les altercations, les luttes, les querelles et les
procès ; ils supportent beaucoup plus philosophiquement la perte de dix mille
âmes que celle de dix à douze sous. »
« Par respect, je ne dirai pas grand chose des
couvents de femmes : lorsqu'on doit parler, moins d'assemblées de vierges
vouées à Dieu, que de lieux infâmes, de roueries d'impudentes courtisanes, de
lubricité et d'inceste, il ne convient pas de s'étendre longuement. Que sont,
en effet, aujourd'hui les couvents de jeunes filles ? Hélas ! ce ne sont point
des sanctuaires de Dieu, mais d'exécrables lupanars de Vénus ; ce sont des
bouges où les jeunes débauchés viennent assouvir leurs impudiques passions.
Aussi, aujourd'hui, faire prendre le voile à une jeune fille estil la même
chose que la vouer à la prostitution. »
« Les cardinaux, ces
assesseurs du Pape, ont une telle insolence dans l'air, les paroles et les
gestes, que si un artiste voulait peindre l'orgueil en personne, il ne pourrait
pas choisir de meilleur modèle qu'un cardinal... Quant au Pape, il distribuait
les évêchés vacants et les principales dignités de l'Église à des jeunes gens,
élégants et parfumés, qui lui servaient de mignons. » (Nicolas de Clemangis,
archidiacre du diocèse de Bayeux, directeur du collège de Navarre, en 1435 ; De
corruptio Ecclesioe statu, édition J. Martini Lydius, Leyde, 1613. Cap. VI,
XIV, XVI, XXIII, X. 1 ; XXVII, 5.)
XVème SIÈCLE. - « Le pape
(Jean XXIII) s'est souillé d'incestes avec la femme de son frère et avec de
saintes religieuses ; il a défloré des vierges, commis des adultères et des
crimes odieux qui, jadis, firent descendre la colère de Dieu sur cinq villes. »
(Concile général de Constance, 1414, qui articula contre ce pape soixante dix
griefs.)
XVIème SIÈCLE. - Alexandre
VI Borgia. (D'une prostituée, Vanozza, il a quatre fils et une fille, la
célèbre Lucrèce Borgia.)
« Alexandre ne pouvait se
délivrer des malheurs domestiques qui troublaient toute sa maison, et qui
étaient accompagnés d'exemples tragiques d'amour et de cruauté qui font horreur
aux nations les plus barbares ; car, comme, dès le commencement de son
pontificat, il avait résolu d'élever le duc de Candie, son fils ainé, au
suprême degré de grandeur temporelle, le cardinal Valentin (César Borgia, duc
de Valentinois, qui avait beaucoup d'éloignement pour le sacerdoce et plus de
penchant pour la guerre) ne put souffrir de voir que son frère lui fût préféré
; il était d'ailleurs chagrin de voir que son frère aîné avait plus de part que
lui aux bonnes grâces et aux faveurs de leur sœur Lucrèce ; de sorte qu'animé par
cet amour déréglé et par son ambition, deux passions qui entraînent également à
toutes sortes de scélératesses, il fit assassiner le duc son frère, un soir que
ce dernier se promenait à cheval dans les rues de Rome, et fit jeter
secrètement son corps dans le Tibre. Outre cela, le bruit s'était répandu (si
on peut ajouter foi à une pareille énormité) que non seulement les deux frères
étaient coupables d'inceste avec leur sœur Lucrèce, mais que le père lui-même
en était aussi coupable ….» Et, jaloux d'Alphonse d'Aragon, mari de Lucrèce, le
pape et le cardinal César le font assassiner.
Hic jacetin tumulo Lucretia
nomine, sed re Thaïs, Alexandri filia, spousa, nurus.
« Ci-gît, dans le tombeau du
nom de Lucrèce, mais en réalité, Thaïs, fille, épouse et bru du pape Alexandre.
» (Extraits d'Alex. Gordon (Fragments secrets de Guichardin). Vie d'Alexandre
VI, t. II, p. 139-144 ; t. II, p. 83 ; t. I, p. 255. Trad. franç., Amsterdam,
1732, 2 vol. in-12. On trouvera les fragments secrets de Guichardin dans
l'édition Panthéon, appendice 20.)
« Les exemples scandaleux et
les crimes de la Cour de Rome ont été cause que l'Italie a perdu entièrement
tous les principes de la piété et tout sentiment de religion. Nous autres
Italiens, nous avons cette première obligation à l'Église et aux prêtres d'être
devenus des impies et des scélérats ! » (Machiavel, Discours sur la première
Décade de Tite-Live, liv. I, ch. l2.)
Pour dédommager le lecteur
de cette nomenclature fastidieuse nous reproduirons cette énergique peinture
que dans ses lettres sine titulo, très peu connues, Pétrarque fait de la Cour
papale. (Pétrarque était tout qualifié pour stigmatiser les crimes et
l'immoralité du Vatican, puisque sa propre sœur, toute jeune encore, avait été
lâchement violée par le pape Benoît XII.)
« On trouve en ces lieux le
terrible Nemrodh, Sémiramis armée, l'inexorable Minos, Rhadamante, Cerbère,
Parsiphaë, amante du taureau, le Minotaure, monument scandaleux des plus
infâmes amours, enfin tout ce qu'on peut imaginer de confusion, de ténèbres et
d'horreur. C'est ici la demeure des larves et des lémures, la sentine de tous
les vices et de toutes les scélératesses » (Epist. sine titulo, p. 718). « Je
ne rapporte que ce que j'ai vu moi-même et non ce que j'ai entendu raconter par
d'autres. Je sais, par ma propre expérience qu'il n'y a ici ni piété, ni
charité, aucune foi, aucun respect, aucune crainte pour la Divinité, rien de saint,
rien de juste, rien d'humain. L'amitié, la pudeur, la décence, la candeur y
sont inconnues ; la vérité !... trouverait-elle un refuge dans une ville où
tout est plein de fictions et de mensonges : l'air, la terre, les maisons, les
places publiques, les portiques, les vestibules, les appartements les plus
secrets, les temples, les tribunaux et jusqu'au palais pontifical ? » (Epist.
12, p. 273) ... « On y perd ce qu'on possède de plus précieux, la liberté
d'abord, puis la paix, la joie, l'espérance, la foi, la charité, en un mot les
biens de l'âme ; mais dans le domaine de l'avarice, rien n'est regretté pourvu
que l'argent reste. L'espoir d'une vie future est considéré ici comme une
illusion vaine, ce qu'on raconte des enfers est une fable ; la résurrection de
la chair, la fin du monde et Jésus-Christ, juge suprême et absolu, sont mis au
rang des inventions puériles. L'amour de la vérité y est taxé de démence,
l'abstinence de rusticité, la pudeur de sottise honteuse ; la licence, au
contraire, est estimée grandeur d'âme, la prostitution mène à la célébrité.
Plus on accumule de vices, plus on mérite de gloire ; une bonne renommée est
regardée comme ce qu'il y a de plus méprisable, la réputation comme la dernière
des choses ... Ce que je dis n'est ignoré de personne ... Je passe sous silence
la simonie, l'avarice, la cruauté qui ne respecte aucun sentiment humain,
l'insolence qui se méconnaît elle-même, et les prétentions de la vanité.... Qui
ne rirait et ne s'indignerait à la vue de ces enfants décrépits (les cardinaux
et les prélats) avec leurs cheveux blancs et leurs amples toges sur lesquelles
ils cachent une impudence et une lascivité que rien n'égale ? …. Des vieillards
libidineux poussent l'oubli de leur âge, de l'état qu'ils ont embrassé, et de
leurs forces, jusqu'à ne craindre ni déshonneur, ni opprobre : ils consument
dans les festins et dans les débauches les années qu'ils devraient employer à
régler leur vie sur celle du Christ. Mais bientôt ces excès sont suivis
d'autres excès encore, et de tout ce qu'offrent de plus condamnable
l'impudicité et le libertinage. Les indignes prélats croient arrêter ainsi le
temps qui fuit devant eux, et ils ne voient d'autre avantage dans la
vieillesse, si ce n'est celui qui rend licite pour eux, et dans leurs idées, ce
dont les jeunes gens eux-mêmes ne seraient pas capables.... Satan, d'un air
satisfait, assiste à leurs jeux, il se fait l'arbitre de leurs plaisirs ; et
constamment placé entre ces vieillards et les jeunes vierges qui sont les
honteux objets de leurs nauséabondes amours, il s'étonne de ce que ses
tentations sont toujours au dessous de leurs coupables entreprises …. Je ne
dirai rien des viols, des rapts, des incestes, des adultères ; ce ne sont plus
là que des badinages pour la lubricité pontificale. Je tairai que les époux des
femmes enlevées sont forcés au silence par un exil rigoureux, non seulement
loin de leurs foyers domestiques, mais encore loin de leur patrie. Je ne
m'appesantirai même pas sur le plus sanglant des outrages, celui par lequel on
force les maris de reprendre leurs épouses prostituées, surtout lorsqu'elles
portent dans leur sein le fruit du crime des autres ; outrage qu'on a bientôt
l'occasion de répéter, puisque la femme doit retourner dans les bras de son
premier amant dès qu'elle peut de nouveau servir à ses infâmes plaisirs ... »
(16ème lettre.)
Plus connus sont ces deux
sonnets où le poète traduit son indignation en vers magnifiques :
Sonnet CV. - Fiamma dal
Ciel.... Que la flamme pleuve du ciel sur tes tresses, ô Méchante ! toi qui,
partie de l'eau et des glands, es arrivée à la richesse et à la grandeur en
appauvrissant autrui ; toi qui mets la joie à mal faire. - Nid de trahisons, où
se couve tout le mal qui se répand aujourd'hui par le monde ; esclave du vin,
du lit et de la table ; chez toi la luxure est au comble. - A travers tes
salons, jeunes filles et vieillards vont dansant, et Belzébuth au milieu avec ses
soufflets, son feu et ses miroirs. - Jadis tu ne fus pas nourrie dans la plume
ni à l'ombre, mais nue au vent et sans chaussure à travers les ronces.
Aujourd'hui ta vie est telle que la puanteur en montera jusqu'à Dieu. »
Sonnet CVII. - Fontana di
dolore ... « Source de douleurs, réceptacle de colère, école d'erreurs et
temple d'hérésie, autrefois Rome aujourd'hui Babylone, fourbe et criminelle, où
éclosent tant de plaintes et de soupirs ; officine de tromperies, ô prison
barbare, où le bien meurt, où le mal croît et grandit ; enfer de vivants ! Ce
sera un grand miracle si le Christ à la fin ne se courrouce contre toi. Fondée
en une humble et chaste pauvreté, tu lèves les cornes contre tes fondateurs, ô
courtisane éhontée. Où donc as-tu placé ton espérance ? Est-ce dans tes
adultères, dans tes richesses mal acquises ?..... »
Le lecteur espère sans doute
que les choses se sont améliorées depuis Pétrarque ? Assurément, les gens
d'Église sont devenus plus prudents, ils sont experts dans l'art de dissimuler
leurs tares. Au lieu de les étaler cyniquement, à la manière de ces Papes tout
puissants, qui se croyaient tout permis, ils sont obligés d'agir dans l'ombre
et le secret. C'est là une des tristes nécessités de nos époques trop libres,
où les yeux sont ouverts (quelquefois) et où l'esprit critique prend la parole
pour proclamer la vérité.
En réalité, les mêmes causes
engendrent nécessairement les mêmes effets. Un célibat obligatoire et contre
nature ne peut engendrer que l'hypocrisie dans les rapports sexuels - ou les
perversions les plus anormales. Comment l'ambition déréglée des gens d'Église,
la facilité que possèdent les grands prélats d'amasser d'énormes richesses, de
dominer à leur gré les êtres qui ont confiance en leur mission (et surtout les
femmes et les filles), comment cet orgueil et cette puissance
n'engendreraient-ils pas la corruption et le vice ? La turpitude et l'immoralité
du clergé ne sont que les conséquences fatales d'un état de choses pernicieux.
De telles institutions ne sauraient engendrer des mœurs simples, fraternelles
et laborieuses.
Le Semeur reproduisait
récemment (avril 1929) une page bien édifiante sur la vie du pape Pie IX. En
plein XXème siècle, ce pape fut incestueux, adultère, fauxmonnayeur et assassin
- comme la plupart des « Saintetés » qui l'avaient précédé !
Quant à l'homosexualité,
elle fleurit plus que jamais à l'ombre des sacristies et ses ravages s'étendent
jusqu'aux plus hauts « sommets » de la chrétienté ! Le cardinal Merry del Val
n'échappait pas à cette contagion, s'il faut en croire Victor Charbonnel, et
les couloirs du Vatican sont remplis de « mignons », dont les complaisances
spéciales assurent la fortune ! Nombreux sont les cardinaux qui gardent auprès
d'eux un jeune « neveu » dont les services intimes leur sont précieux ....
Les fidèles catholiques n'en
doivent pas moins se prosterner aux pieds de leurs saints pasteurs et vénérer
les souverains pontifes, ministres et représentants de Dieu sur la terre !
Un bon croyant ne doit-il
pas renoncer à tout jugement personnel et s'en rapporter aveuglément à la
hiérarchie ecclésiastique ?
Le cardinal Bellarmin (dont
les Jésuites sont parvenus à faire un saint) n'estil pas allé jusqu'à prétendre
« que si le pape se trompait en prescrivant des péchés et prohibant des vertus,
l'Église serait obligée de tenir les péchés pour bons et les vertus pour
mauvaises, si elle ne voulait pas pécher contre la conscience », (Si autem papa
erraret proecipiendo vitia, vel prohibendo virtutes, teneretur Ecclesia credere
vitia esse bona et virtutes mala, nisi vellet contra conscientiam peccare. De
Rom. pontit., 4, 5, éd. Paris 1643, p. 456). Cité par le chanoine J. de Doellinger,
La Papauté, p. 194.
RICHESSE ET AVIDITÉ DES
PAPES. - Pour vivre dans la paresse et dans les jouissances, les Papes ont
toujours recherché l'argent. Et ils se sont entourés de richesses, revêtus de
costumes somptueux, afin de frapper l'imagination des simples et de leur imposer
plus facilement leur lourde tyrannie.
Il est bon que l'on
connaisse la cupidité des représentants du Christ - de ce Christ vagabond qui
vivait de mendicité !
Ces représentants, pour
accroître leur prestige, se parent comme des idoles. Leurs vêtements, leurs
chaussures, etc..., sont d'une somptuosité inouïe.
Quelques exemples : « J'ai
vu des mules (chaussures du pape), dont les croix étaient en brillants et qu'on
estimait cent mille francs (il s'agit de francs-or, bien entendu) ». Armand
Dubarry, Histoire de la Cour de Rome.
Le même auteur ajoute que la
mitre de Boniface VIII avait coûté 9.500 florins-or, soit cent mille francs-or
(cinq à six cent mille francs-papiers). Elle pesait dix livres.
Le Pape Léon X acheta à un
joaillier vénitien une perle de 350.000 francs.
La tiare de Paul II
(1464-71) valait 2.500 écus, soit un million 70.000 francsor, ce qui
représenterait vingt millions de francs d'aujourd'hui, en raison, non seulement
de la dépréciation des monnaies, mais du renchérissement considérable de la main-d'œuvre
et des matériaux.
Lors de la prise de Rome par
le connétable de Bourbon, le célèbre artiste Benvenuto Cellini fut chargé de
briser les tiares, afin de cacher les pierres précieuses et les joyaux plus
facilement.
En 1831, Grégoire XVI,
craignant l'émeute, fait enterrer sa tiare au pied d'un arbre, dans son jardin.
Son successeur Pie IX fit de même en 1848. Le premier mouvement de ces bons
apôtres consiste toujours à sauver la caisse !
On écrit des merveilles de
leurs chaussures : Souliers de soie bordés et brodés d'or, de maroquin rouge
avec talons rouges et ornements en or massif, de lin ou de laine blanche, mules
avec croix d'or et pierres précieuses, etc....
Voici la description de la
tiare, donnée par Mgr Battandier dans l'Annuaire pontifical : « La tiare est
formée d'un feutre très fin recouvert d'un tissu à mailles d'argent fabriqué
exprès à Rome. L'intérieur est doublé en soie. C'est sur ce feutre que sont
attachées les trois couronnes d'or, excessivement légères pour diminuer le
poids. Chaque couronne se compose d'un bandeau d'or orné de pierreries et
terminé par deux rangées de perles. Chaque rangée en contient 90, ce qui fait
en tout 540 perles. Au-dessus du bandeau est la couronne ou mieux les fleurons
formés d'un feuillage imitant une croix. Il est séparé de l'autre par un petit
cercle d'or avec pierres précieuses, ce qui lui donne l'aspect de la couronne
héraldique de duc. L'ornementation de la tiare est basée sur la forme octogone,
c'est à-dire qu'il y a 8 fleurons : 4 émeraudes, 3 saphirs, 1 rubis. Les 8
pointes entre les fleurons ont 6 grenats et 2 rubis.
Deuxième couronne : 10
émeraudes, 24 rubis balais, 3 saphirs, une chrysolithe, 2 aigues-marines et 2
fils de perles.
Troisième couronne : 3
hyacinthes, 2 émeraudes, 19 rubis, 4 saphirs, 3 aigues-marines, 9 grenat, une
chrysolithe et 2 fils de perles orientales.
Le sommet de la tiare est
couvert d'une feuille d'or avec 8 rubis et 8 émeraudes. Sur elle s'appuie un
globe d'or émaillé en bleu, surmonté d'une croix composée de 11 brillants.
Les fanons de la tiare, qui
retombent sur les épaules du pape, portent 2 rubis, 4 topazes et 4 émeraudes.
En tout : 6 rangs de perles
orientales, 146 pierres précieuses de couleur et 11 brillants.
Je m'excuse de cette
énumération. Elle n'est pas inutile. Que de misères et de souffrances le Pape,
s'il était sincère, pourrait soulager, avec la fortune qu'il porte sur la tête,
comme un potentat oriental ou comme un comédien !
Le Christianisme a été fondé
par des pauvres, soutenu par des misérables et il tire toute sa force morale de
l'adhésion des malheureux. Et cependant, c'est au Vatican que l'on trouve les
plus grandes richesses du monde, accaparées par une caste d'intrigants
parasites et jouisseurs !
Doellinger fait la
description de la Cour de Rome en 1518. Toutes les places d'employés de la
Curie étaient vendues très cher - car elles permettaient de rafler de beaux
bénéfices. Le nombre des référendaires n'était pas limité. Il y avait 101
solliciteurs, 101 maîtres des archives, 8 scribes des suppliques, 12 scribes du
registre, 27 scribes de la pénitencerie, 81 scribes des Brefs, 104 collecteurs
des plombs, 101 scribes apostoliques, 13 procurateurs, 60 abbreviatores de
parco minori, 12 abbreviatores de parco majori, 12 avocats consistoriaux, 12
auditeurs de Rota (desquels il est dit qu'ils se contentaient des pourboires),
19 notaires, 29 secrétaires, 7 clercs de la Chambre. Environ 800 dévorants dont
le principal souci consiste à rafler le plus d'argent possible, pour rentrer
d'abord dans leur mise de fonds et pour s'enrichir ensuite, ainsi que leurs
parents et leurs créatures.....
M. Young, (La France et
Rome, cité par de Meissas), déclare qu'au XVIIème siècle, il y avait 250
fonctionnaires pontificaux, dont certains payaient leurs charges jusqu'à
180.000 francs....
Les frais d'administration
du Palais du Vatican coûtaient, à eux seuls, 7 millions de francs-or par an. Il
fallait donc que les Papes trouvent des ressources considérables.
Par la loi des Garanties
(1871), le Gouvernement italien avait offert au Pape une subvention perpétuelle
de 3.225.000 lires. La Papauté refusa.
Les accords du Latran
(février 1929) sont plus généreux encore, puisque le Saint-Siège recevra 750
millions de lires en espèces et un milliard de lires en dette consolidée 5 % au
porteur. On a calculé que cela représentait, au cours de la lire, plus de
4.800.000 dollars (120 millions de francs). Il faut y ajouter les revenus que
le Vatican possédait déjà, soit plus de 2 millions de dollars. Au total : 170
millions de francs.
Des ressources aussi
formidables (et nous ignorons le chiffre exact des sommes que le Pape reçoit,
depuis la guerre surtout, des grands banquiers américains, qui le couvrent
littéralement d'or), permettront à l'Église de poursuivre dans les meilleures
conditions son œuvre d'évangélisation des masses, d'abrutissement de la
jeunesse, de corruption des consciences par l'achat des politiciens, des
journalistes, etc....
LES MARCHANDS DU TEMPLE. -
La « Sainte Boutique » possède bien des moyens et des procédés pour rançonner
les gogos.
« Aujourd'hui, les évêques
ne payent plus leurs bulles que 4.400 francs (or), les archevêques 6.660 ...
Mais le commerce des dispenses, indults, indulgences, etc..., marche toujours
son train. Les papes du XIXème siècle y ont ajouté celui des titres de noblesse
et des décorations. Il y a aussi les quêtes du denier de SaintPierre, dont les
préfets violets se montrent grands zélateurs pour se faire bien voir de leur
maître. Enfin, de pieux et riches imbéciles, très ignorants de la vraie origine
et de la vraie histoire de la Papauté, offrent incessamment de magnifiques
cadeaux à celui qu'ils croient sincèrement le représentant de Dieu sur notre
petite planète. C'est bien entendu la France, cette précieuse vache à lait, qui
fournit toujours le plus (30 millions environ par an, en or). » Éphémérides de
la Papauté, par l'abbé de Meissac, p. 216.
Le trafic des Indulgences se
fit d'une façon tellement cynique et exagérée qu'il souleva contre la Papauté
de grandes colères et l'on sait que la révolte du moine Luther fut, dans une
grande mesure, motivée par ce trafic. Mais ce que l'on sait moins, c'est que
les mercantis du Vatican continuent aujourd'hui, plus que jamais, leurs
lucratives entreprises.
Victor Charbonnel a
reproduit les tarifs de la Sacrée Congrégation des Indulgences, tels qu'ils
sont affichés à la Chancellerie du Vatican (la Congrégation des Indulgences a
été supprimée en 1904, mais rattachée à la Congrégation des rites - et rien n'a
été changé à la « bedide gommerce »).
Je ne reproduirai pas cette
liste, car elle est longue - et fastidieuse. On y trouve les taxes pour
bénédiction des chapelets, croix, crucifix, statues de Saint Pierre ;
indulgence pour 4 jours de l'année, pour les sermons, pour la fin des
retraites, pour les moribonds, les missions - et j'en passe plus de la moitié.
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