"Cinq fois déjà que les nuits absorbent les confusions de la veille et qu'il ne reste rien au réveil d'un sens possible à ma présence là, sur les bords de la Loire. Rien qui soit propre à ouvrir un matin, à accueillir le jour qui vient. Aucun appui, rien de consolidé.
Il est encore tôt mais dehors, le soleil insiste déjà comme une menace. Pas comme une incitation à sortir, mais comme un rappel du vide qui attend, dans la plus complète indifférence. Dehors, déjà, dans la lumière franche, se déploie la perspective fuyante d'un jour sans obligation, sans rendez-vous et sans incident, sans autre événement que le passage tranquille du temps. Il n'y aura donc qu'à attendre encore que l'absence défile, que quelque chose de neuf surgisse de ce va-et-vient du néant qui circule de la racine des cheveux jusque dans les orteils, attendre d'être soi-même ce néant et ne plus avoir à s'occuper du temps qui passe. Attendre de sentir en soi disparaitre l'attente. Et là, peut-être qu'alors..."
"Le fleuve sait qu'il faut l'ignorance. La mémoire, elle, ne convient qu'au territoire, qu'au lieu où se condamne l'inertie de la résidence. C'est la force du mouvement qui conduit momentanément les eaux à s'amasser dans les fosses, dans les réserves, dans les dépressions du sol. Le fleuve ne sait rien, que l'impérieuse obligation de l'ignorance; il a l'enviable majesté de ce qui peut exister sans en rien savoir. Et la terre contient la mémoire du fleuve, de son passage, la terre n'est que la mémoire du fleuve qui, lui, n'en a aucunement besoin. Mais les eaux rassemblées dans les excavations meurent là, y pourrissent et s'y infiltrent."
"Le relâchement, ici comme ailleurs, est le fruit d'une discipline rigoureuse et butée. Pour commencer, on est donc regardé et épié par soi-même au compte des autres et dans la crainte de se décevoir à l'occasion d'une malheureuse erreur d'apparence; par exemple un excès de concentration ou d'empressement, une irritation déplacée ou une anxiété trop visible."
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