Nous
estimons nécessaire d'appeler l'attention sur les souffrances
effroyables (les constatations sont là, périodiques) endurées par
les enterrés vivants. Le public ne se rend pas assez compte de la
légèreté avec laquelle familles et médecins concluent à la
cessation de la vie chez un malade ou un moribond et de la fréquence
et des risques terribles des inhumations prématurées. Combien de
gens réveillés dans l'horrible prison d'un cercueil ont vécu les
affres indescriptibles d'une seconde mort que nul appel, dans la nuit
sans écho de la tombe, ne peut écarter. Des exemples saisissants
ont été cités, les dangers dénoncés en termes pressants. Des
savants se sont émus, ont apporté des précisions. L'anatomiste
Jacques Winslow, les docteurs Louis, J.-J. Bruhier (lequel cite 81
cas d'inhumations précipitées), le docteur Mure (préconisateur des
moyens que nous allons signaler), etc., ont publié des statistiques,
des notes, des études. A Orléans, Poitiers, Toulouse, Cologne,
etc., en Bohême dernièrement, des faits poignants sont venus, à
intervalles divers, souligner les thèses émises sur la précarité
des vérifications ultimes. Rares ceux que l'on a pu sauver, nombreux
les malheureux dont les traits convulsés, les ongles arrachés, les
membres arcboutés témoignaient d'une lutte atroce et stérile...
L'intensité désorganisatrice de la vie moderne, l'abus des
stupéfiants dont certains anesthésiques, les « suspensions »
hypnotiques, la multiplicité des troubles hystériques et des crises
pathologiques issues d'hypertensions nerveuses, ont rendu plus aigu
un péril inquiétant déjà et fait rechercher des mesures propres à
le réduire. L'Allemagne a ouvert le chemin des précautions
pratiques : en certaines villes dont Berlin - on a créé des «
maisons mortuaires » où les corps sont déposés jusqu'à évidence
de la décomposition putride. Cette décomposition, qui apparaît
d'abord sur le ventre en traces verdâtres à l'endroit des viscères,
est, ne l'oublions pas, jusqu'ici le seul signe admissible de la
mort. Les manifestations respiratoires peuvent être imperceptibles
et l'auscultation cardiaque - si délicate encore et, pratiquement,
insuffisamment sûre - est incapable parfois de déceler la
persistance du rythme vital affaibli. En deux ans, dans une des
villes où fonctionne un service d'examen mortuaire, dix personnes
ont été rappelées à la vie grâce au séjour dans les chambres
d'exposition. La possibilité d'une seule erreur impose d'ailleurs le
recours à des moyens propres à sauvegarder cette antichambre
prudente du tombeau, et nous devons en vulgariser l'idée, en
stimuler les édifications. Et quand la science - une science
toujours relative et sujette à caution : on a vu, par exemple, les
prémices de la décomposition accompagner certains cas de catalepsie
- conclut enfin au « permis d'inhumer », seule l'incinération, la
dispersion du four crématoire, nous est garante que nous ne
connaîtrons pas, entre les quatre planches d'un lit souterrain, une
agonie horrifiée d'épouvante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire