Flétrissure
imprimée à l'honneur, à la réputation, soit par la loi, soit par
l'opinion publique ; état de honte, d'ignominie : « Noter quelqu'un
d'infamie ; vivre dans l'infamie ». Corneille disait : « Mais qui
peut vivre infâme est indigne du jour » ; « La condition de
comédien était infâme chez les Romains », rappelle La Bruyère...
Après cette définition, le dictionnaire nous renvoie au mot :
Déshonneur, où nous lisons : « Le ridicule déshonore plus que le
déshonneur aux yeux des fous » (La Rochefoucauld) ; « Le
déshonneur est dans l'opinion des hommes, l'innocence est en nous »
(Diderot) ; « Se dit (déshonneur) particulièrement de l'état
d'une femme qui s'est laissée séduire » (Larousse) ; « Le
déshonneur se rapporte à l'opinion du monde, la honte se rapporte à
la conscience. L'homme déshonoré a perdu l'estime des autres hommes
» (Larousse). Ainsi, l'infamie est relative à la loi, c'est-à-dire
à l'arbitraire, ou à l'opinion publique, c'est-à-dire à l'opinion
moyenne des gens moyens. Voler, piller, affamer, assassiner selon la
loi, ce n'est pas de l'infamie. La loi changeant, ainsi d'ailleurs
que l'opinion publique, avec le degré d'évolution des sociétés,
avec le mode d'organisation politique et économique, avec le climat,
etc., il appert que l'infamie est chose essentiellement changeante,
impalpable, indéfinissable. La loi et l'opinion publique peuvent et
sont souvent en désaccord sur ce qui est infâme ou ne l'est pas,
comment se diriger dans cet imbroglio de « permis et défendus »?
L'infamie est affaire de morale ou d'éthique. Pour les anarchistes
il ne saurait y avoir moins d'infamie dans le fait des guerres, qui
ne sont que le vol et l'assassinat perpétrés par bandes, que dans
le vol ou le crime crapuleux d'un individu, déterminé souvent,
d'ailleurs, par des conditions économiques ou intellectuelles
indépendantes de sa volonté. Il ne saurait y avoir moins de honte,
ou de « déshonneur » dans le fait, pour une femme, de se
prostituer légalement à un seul individu dénommé mari, que de se
prostituer à plusieurs, dénommés amants, michets, etc. Non plus
nous ne saurions accepter qu'une femme soit « déshonorée » parce
que, disposant librement de son corps, elle aime hors les règles
admises par la société. INFAMANT adj. Qui porte infamie : « Ceux
qui nuisent à la réputation ou à la fortune des autres plutôt que
de perdre un bon mot, méritent une peine infamante » (La Bruyère).
« Le travail, selon le dogme antique était réputé infamant »
(Proudhon). Voilà deux citations du Larousse qui montrent quelles
aberrations peuvent couvrir les mots. Le citoyen, en effet, ne devait
pas travailler, telle était la doctrine de Platon, le travail -
infamant - étant le lot des esclaves-nés. Il nous paraît autrement
raisonnable, de reporter l'infamie sur ceux qui, dans la société,
consomment sans autres limites que leurs possibilités organiques,
sans jamais avoir rien créé, plutôt que sur ceux-là qui, de leur
cerveau ou de leurs mains, ont toujours tout produit et qui ne
peuvent consommer que juste ce qu'il leur faut pour ne pas cesser
d'exister… Infamie, infamant, devront un jour disparaitre de notre
vocabulaire, comme désuets. En jurisprudence, une peine infamante
est une flétrissure morale s'attachant à la condamnation. Les
peines peuvent être afflictives et infamantes, ou infamantes
seulement ; les premières sont : la mort, les travaux forcés à
perpétuité, la déportation, les travaux à temps, la réclusion ;
les secondes : le bannissement et la dégradation civique… La loi
étant l'expression de la force, le juge est souvent plus infâme que
le condamné.
- A.
LAPEYRE.
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