dimanche 7 janvier 2018

Editorial A Contre-Courant Mai 2004

Ne pas laisser faire les spécialistes

Après sa victoire aux élections régionales et cantonales, le Parti Socialiste pavoise. Les médias lui font de nouveau de l’oeil. Raffarin promet de le consulter pour la mise en oeuvre du cadeau empoisonné que constitue la décentralisation. Le PS se découvre même des accents d’opposant en menaçant de bloquer la politique de transfert des compétences vers les régions et les départements si les crédits ne suivent pas et en se proclamant débouché politique des luttes sociales. Oublié le bilan de 23 ans de politique sociale-libérale depuis 1981, le consensus avec la droite sur la sécurité et les retraites, la libéralisation de l’économie, la construction capitaliste de l’Europe. Pourtant le retour en grâce a tout de la victoire par défaut. Le rejet de la politique de la droite ne vaut pas adhésion pour un parti qui ne propose aucune alternative.

Lors de sa dernière prestation télévisée, Chirac a endossé les habits de son ancien Premier
ministre Jospin pour nous dire que la droite comptait faire preuve de plus d’humanité avec celles et ceux qu’elle fait souffrir. Ses reculs tactiques (chômeu(se)rs, intermittent(e)s, chercheu(se)rs...) et la compassion déversée par Supermenteur, visent à gagner du temps sans trop gêner le Medef qu'il fera patienter jusqu’au 13 juin, ainsi qu'à éviter une colère sociale généralisée. Et pour faire diversion, la droite s’interroge sur l’opportunité d’ouvrir un contrefeu en axant sa campagne pour les Européennes sur le refus d’intégrer la Turquie dans l’UE, comme Le Pen et De Villiers, qui ont déjà entamé leur campagne xénophobe
antiturcs.

Le PS, quant à lui, est bien embarrassé sur la question de la constitution européenne. Ayant voté la plupart des directives libérales au Parlement européen, favorable à quelques détails près au texte du projet de constitution, il va devoir s’adonner à un numéro d’équilibriste
pour ne pas se couper de la partie de son électorat qui l’a sanctionné le 21 avril 2002 pour sa politique de droite et qui a sanctionné Raffarin pour les mêmes raisons les 21 et 28 mars 2004. 

Si la véritable sanction de cette politique libérale ne peut donc venir du vote PS, elle ne viendra pas nécessairement de la liste LO-LCR, les deux organisations étant en désaccord sur les questions européennes. De plus, leur campagne ne dépassera pas le cadre national là où PS, PC et Verts évolueront dans un cadre continental grâce à un accord avec leurs homologues européens. Elle peut en revanche venir d’un non anticapitaliste et  internationaliste à un éventuel référendum sur la constitution européenne, dont l’organisation ne s’obtiendra pas sans combat.

Mais la sanction électorale ne peut tenir lieu de projet politique. Les militant(e)s libertaires doivent prendre la mesure de la crise de la représentation, mais aussi d’une demande de démocratie qui se concrétise à travers la sympathie pour les pratiques libertaires et autogestionnaires que l’on peut percevoir fréquemment. Organiser des résistances est nécessaire. S'engager dans l’auto-organisation de luttes et d’expériences concrètes est tout aussi indispensable.



[Il s’agit, pour l’essentiel, de l’édito paru dans le mensuel “Alternative Libertaire” de mai 2004 (voir page 12)]

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