vendredi 19 janvier 2018

Editorial A Contre-Courant Janvier 2005 Sabotons !

«Même si le Non l’emporte, est ce que cela changera quelque chose ?» Cette réflexion, souvent entendue dans la campagne désormais engagée du référendum, traduit une sentiment majoritaire.
Cela correspond à un rejet instinctif d’un texte mais aussi à une certaine perplexité sur les conséquences concrètes d’une victoire du Non. Perplexité qui dessine le chemin d’une abstention que recherchent les différentes fractions de la bourgeoisie, seule condition de leur victoire. C’est donc sur notre capacité de rendre concrète la lutte contre la Constitution que peut se construire un mouvement qui se dresse contre l’Union sacrée qui, dans chaque pays de l’UE, réconcilie le temps d’une campagne majorité et opposition gouvernementales. Après le meeting commun de la troïka madrilène Chirac,
Blair, Zapatero à quand le meeting commun de la troïka parisienne Hollande, Cohn-Bendit, Berlusconi ?
Les tenants du Oui essaient de réduire la Constitution à une abstraction juridique pour empêcher chacun de mesurer et combattre les réalités concrètes qu’elle justifie, entérine
et aggrave durablement : des décennies de contre réformes qui ont été menées pour adapter les réalités juridiques, économiques et sociales françaises au carcan libéral
du capitalisme communautaire.
Et maintenant, sans gêne, après avoir vanté l’applicabilité directe et la transposabilité des directives européennes, Chirac et Hollande viennent nous chanter la messe en duo pour marteler qu’il faut déconnecter le référendum de la politique intérieure. De leur côté, les directions syndicales multiplient des mobilisations sectorielles en évitant –comme toujours - de favoriser les convergences, et surtout en occultant systématiquement le caractère européen des mesures contestées. Education nationale, Poste, Chemins de fer, blocage des salaires, suppression des 35 heures… C’est à chaque fois le même concert : Bruxelles compose la partition, le gouvernement tient la baguette et les Thibault-Chérèque exécutent presque sans fausse note le requiem de 2 siècles de conquêtes sociales.
S’il est peu probable que les peuples d’Europe - notamment «ce peuple de France robuste et malicieux» comme se plaisait à le qualifier Marx - se laissent abuser par ceux qui veulent déconnecter la réalité juridique du Traité et la réalité matérielle des politiques gouvernementales et patronales, il sera plus difficile, en revanche, de bien mettre en lumière les perspectives concrètes d’une victoire du Non au regard de celles du Oui. Le Oui ouvre l’autoroute de décennies supplémentaires de régressions sociales; le Non dresse un obstacle. Le Oui ferme l’horizon des luttes sociales; le Non ouvre, pour la première fois depuis 20 ans, la perspective d’une réorientation politique. Le Oui assomme, accable, démobilise ; le Non, revanche référendaire de nos échecs de ces dernières années, sert de
point d’appui et encourage à la lutte. L’abstention est l’expression d’une démobilisation fataliste, le Oui d’une collaboration active au Capital. Le Non est un Non de combat ! Un Non de résistance !
Dans un pamphlet resté célèbre, Emile Pouget, le co-fondateur d’une CGT, qui, au quotidien,menait la lutte des classes, avait fait l’apologie du sabotage comme mode d’action syndicale, «véritable formule de combat social». La victoire du Non ne manquerait pas d’enrayer les rouages de la bureaucratie bruxelloise. Réussir à faire gagner le Non, ce serait véritablement réussir à placer un sabot à cette machinerie capitaliste si bien huilée. Ce serait le premier acte de «sabotage» de l’Union capitaliste des bourgeoisies européennes.

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