«Même
si le Non l’emporte, est ce que cela changera quelque chose ?»
Cette réflexion, souvent entendue
dans la campagne désormais engagée du référendum, traduit une
sentiment majoritaire.
Cela
correspond à un rejet instinctif d’un texte mais aussi à une
certaine perplexité sur les conséquences concrètes
d’une victoire du Non. Perplexité qui dessine le chemin d’une
abstention que recherchent les
différentes fractions de la bourgeoisie, seule condition de leur
victoire. C’est donc sur notre capacité
de rendre concrète la lutte contre la Constitution que peut se
construire un mouvement qui se dresse
contre l’Union sacrée qui, dans chaque pays de l’UE, réconcilie
le temps d’une campagne majorité
et opposition gouvernementales. Après le meeting commun de la troïka
madrilène Chirac,
Blair,
Zapatero à quand le meeting commun de la troïka parisienne
Hollande, Cohn-Bendit, Berlusconi ?
Les
tenants du Oui essaient de réduire la Constitution à une
abstraction juridique pour empêcher chacun de mesurer et
combattre les réalités concrètes qu’elle justifie, entérine
et
aggrave durablement : des décennies de contre réformes qui
ont été menées pour adapter les réalités juridiques, économiques
et sociales françaises au carcan libéral
du
capitalisme communautaire.
Et
maintenant, sans gêne, après avoir vanté l’applicabilité directe
et la transposabilité des directives européennes, Chirac
et Hollande viennent nous chanter la messe en duo
pour marteler qu’il faut déconnecter le référendum de la
politique intérieure. De leur côté, les directions syndicales multiplient
des mobilisations sectorielles en évitant –comme
toujours - de favoriser les convergences, et surtout en
occultant systématiquement le caractère européen des
mesures contestées. Education nationale, Poste, Chemins de fer,
blocage des salaires, suppression des
35 heures… C’est à chaque fois le même concert : Bruxelles
compose la partition, le gouvernement
tient la baguette et les Thibault-Chérèque exécutent presque sans
fausse note le requiem de
2 siècles de conquêtes sociales.
S’il
est peu probable que les peuples d’Europe - notamment «ce peuple
de France robuste et malicieux»
comme se plaisait à le qualifier Marx - se laissent abuser par ceux
qui veulent déconnecter la
réalité juridique du Traité et la réalité matérielle des
politiques gouvernementales et patronales, il sera
plus difficile, en revanche, de bien mettre en lumière les
perspectives concrètes d’une victoire du Non
au regard de celles du Oui. Le Oui ouvre l’autoroute de décennies
supplémentaires de régressions sociales;
le Non dresse un obstacle. Le Oui ferme l’horizon des luttes
sociales; le Non ouvre, pour
la première fois depuis 20 ans, la perspective d’une réorientation
politique. Le Oui assomme, accable,
démobilise ; le Non, revanche référendaire de nos échecs de ces
dernières années, sert de
point
d’appui et encourage à la lutte. L’abstention est l’expression
d’une démobilisation fataliste, le Oui
d’une collaboration active au Capital. Le Non est un Non de combat
! Un Non de résistance !
Dans
un pamphlet resté célèbre, Emile Pouget, le co-fondateur d’une
CGT, qui, au quotidien,menait la
lutte des classes, avait fait l’apologie du sabotage comme mode
d’action syndicale, «véritable formule
de combat social». La victoire du Non ne manquerait pas d’enrayer
les rouages de la bureaucratie bruxelloise.
Réussir à faire gagner le Non, ce serait véritablement réussir à
placer un sabot à cette
machinerie capitaliste si bien huilée. Ce serait le premier acte de
«sabotage» de l’Union capitaliste des
bourgeoisies européennes.
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