dimanche 7 janvier 2018

Editorial A Contre-Courant Juillet 2004

Un régime à 6,88% de démocratie

On vous emm..., on continue”. Tel est au fond le message délivré en choeur par tous les
gouvernements aux peuples d’Europe au lendemain d’élections qui, de Lisbonne à Riga, ont massivement dénoncé la politique de destruction des droits sociaux que coordonne Bruxelles et qui est mise en oeuvre dans chacun des pays de l’Union. 21,5% pour Schröder (le pire score du SPD depuis 45), 20% pour Berlusconi (le pire score de Forza Italia depuis sa création en 94), 20% pour Blair...

Libéraux, conservateurs, sociaux-démocrates, ex-communistes ou néo-chrétiens, quel que soit le logo, dés lors qu’ils gouvernent, tous les partis sont confrontés à une fronde électorale qui conteste les mesures qu’ils prennent. Et cela, sans même parler d’une abstention majoritaire qui atteint jusqu’à 80% en Europe de l’Est.

On vous emm..., on continue” - ainsi que le déclare Ernest Antoine Medef dont le cynisme somme le gouvernement de profiter de l’absence d’élections pour accélérer et intensifier sa politique. “Allons-y, allons-y fort, allons-y vite”. Car, dans le cadre contraint de l’Union européenne, inévitablement, les gouvernements s’enfoncent toujours plus avant dans cette voie. Et 5 jours à peine après ce désaveu collectif, les voilà qui décident de constitutionnaliser leur politique de régression sociale.

Une nouvelle fois, les peuples d’Europe viennent d’exprimer très majoritairement leur hostilité à la “déconstruction sociale européenne”. Dès lors, l’analyse de la situation
politique est-elle si compliquée? En France, tout particulièrement : qu’est ce qu’en effet Raffarin III ? Un gouvernement à 16,6%”, soit 1 électeur sur 6. Raffarin III, c’est 2,8 millions d’électeurs, c’est à dire 6,88% des inscrits ! 6,88% pour détenir tous les pouvoirs institutionnels!

6,88% pour liquider les conquêtes sociales issues de la Résistance! 6,88% pour saccager le pays! 6,88% ... Et il n’y aurait pas de crise institutionnelle? et il n’y aurait pas de crise de régime? et cette spirale de déroutes gouvernementales - 21 avril, 28 mars, 13 juin- ne
serait pas l’expression de l’approfondissement de cette crise?

On comprend mieux dés lors le refus obstiné des directions syndicales, co-gestionnaires de cette crise, d’organiser la moindre mobilisation sociale et leur volonté plus ou moins masquée de contenir, voire d’enrayer les luttes, là où elles commençaient à se développer réellement, comme à EDF. Car le pouvoir gouvernemental est à ce point fragile qu’un mouvement social démasquerait aussitôt cette crise, contraindrait le pouvoir à la brutalité pour se maintenir et créerait une situation de rupture ouvrant sur l’inconnu.

Qu’en l’absence de perspectives nouvelles, le corps électoral soit partagé entre défaitisme,
fatalisme et refuge résigné vers des solutions anciennes - comme par exemple en France celle d’une sociale-démocratie défraîchie - ne fait que masquer la situation. Le mouvement social n’en continue pas moins de chercher une issue à la crise dans laquelle la nouvelle époque du capitalisme mondialisé le plonge. De manière certes moins ouverte mais tout aussi tenace, un travail se poursuit : la recherche des moyens théoriques et pratiques d’organiser, dans les conditions actuelles de la lutte des classes, la résistance des forces sociales à la dynamique présente du capital.

Aucun commentaire: