dimanche 7 janvier 2018

Editorial A Contre Courant Février-Mars 2004

Pas d'abstention au 3° tour

A la différence de ses trois précédentes expériences gouvernementales depuis son échec en 1981 – 3 expériences avortées puisque la victoire électorale avait aussitôt tourné en défaite sociale : déroute de Chirac à l’hiver 86, louvoiements des années Balladur (93-95), reculades de Juppé en 95 - la droite chiraquienne est cette fois-ci contrainte de ne pas reculer. Sommée par son commanditaire, le MEDEF, de ne plus rien céder, elle exécutera sa besogne, quelles qu’en soient pour elle les conséquences institutionnelles. Coûte que coûte, telle est la devise de ce gouvernement.

C’est pourquoi, attendre du rapport de forces électoral entre les partis politiques qu’il modifie le rapport de forces social, c’est prendre le risque de nouvelles déroutes. Certes la mobilisation souhaitée, lors du prochain scrutin, d’une partie des classes populaires peut contribuer à renforcer la combativité collective du salariat. Mais le jeu électoral n’a jamais été qu’un reflet très partiel des antagonismes entre les classes sociales. Le combat doit en même temps, d’abord et surtout être mené sur le seul terrain décisif, celui de la lutte des classes, et avec les armes du mouvement social (grève, manifestations, occupations…)

En effet, ce n’est pas du ravalement des façades régionales de l’ex-gauche plurielle ou de l’une ou l’autre de ses victoires dans quelques baronnies locales que va naître une résistance au saccage des conquêtes sociales mené à la hussarde par la clique des soudards et pillards de l’UMP. Ce ne sera pas non plus l’une ou l’autre prouesse de l’alliance électorale LO-LCR qui y contribuera beaucoup plus.

"Faire reculer le patronat et le gouvernement” annoncent leurs affiches électorales. Soit ! Mais ils savent pourtant que ce n’est pas un bulletin de vote qui les fera reculer - ni même 10%des bulletins de vote exprimés - quand plus deux millions de manifestants et plusieurs semaines de grève reconductible n’y sont pas parvenus en juin dernier.
Même si les circonstances et les options idéologiques diffèrent, faut-il rappeler qu’en 1981, avec 15% au premier tour, une organisation autrement nombreuse, structurée et implantée, et avec l’appui de l’appareil de la CGT
d’alors, le PC n’a pas empêché le tournant de la rigueur, les liquidations industrielles et les revirements successifs du “ socialisme du possible ” de Mitterrand… Autre époque et autre lieu pour un scénario aussi désespérant et qui devrait autant inciter à la réflexion : au Brésil, après 18 mois d’expérience Lula, que
reste-t-il des perspectives ouvertes par la victoire électorale massive du Parti des Travailleurs et la participation gouvernementale de ministres trotskistes ?…

Le mouvement de mai-juin dernier a rappelé la capacité de mobilisation du salariat français - et ce, alors que ce ne fut qu’une partie de ce salariat qui a pris part au mouvement. Son échec sur sa revendication directe a en même temps rappelé ses faiblesses et impasses ainsi que ses difficultés à échapper au contrôle des appareils syndicaux et de leur logique bureaucratique. Toutefois, c’est bien plus en tirant les leçons de cette expérience encore chaude dans les conflits sociaux qui s’annoncent (défense de la Sécu, des services publics, du droit du travail..), en se donnant les moyens d’une organisation autonome du mouvement social, qu’il est possible de mener des luttes victorieuses pour reconquérir ce qui a été perdu - et gagner ce qui ne l’a jamais été.

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