dimanche 7 janvier 2018

Editorial A Contre-Courant Juin 2004

Une constitution pour les Versaillais ?


Cela fait maintenant 50 ans que la bourgeoisie se sert des institutions européennes pour s’acharner contre le mouvement ouvrier et ses conquêtes sociales. Depuis 50 ans en effet, “l’Europe” n’aura été que le cadre de l’organisation du Capital, une structure de coercition et d’intégration des économies capitalistes des différents Etats qui la composent. L’Europe des commissaires de Bruxelles, des juges de Luxembourg, des banquiers de Francfort, des policiers de Schengen et des ersatz de députés de Strasbourg, c’est un demi-siècle de destruction des droits sociaux, de précarisation et paupérisation du salariat, de démantèlement des services publics, de marchandisation des biens et services, de
dislocation des garanties collectives. En dépit de tous ses griffonnages juridiques et maquillages institutionnels, le seul projet politique européen reste ce qu’énonçait explicitement sa dénomination d’origine, aujourd’hui délibérément caché : un Marché commun !

Et c’est ce demi-siècle de régressions sociales qu’on nous propose aujourd’hui de constitutionnaliser ? qu’on nous impose de reconduire et d’élargir à 25 ? Avec un salaire horaire de 1,35 euros en Bulgarie, les effets bénéfiques (pour le Capital) de
l’élargissement ne tarderont pas !...Il ne peut pas y avoir d’Europe sociale dans le cadre de
l’Union européenne ! Toutes les Chartes sociales que nous vend la sociale-démocratie européenne pour nous faire avaler le tatcherisme bruxellois se heurtent à la logique anti-sociale du Marché commun. Tous les boniments que déblatère l’Europe Arc en Ciel des gauches plurielles (rouge, rose, verte) sur l’Union comme rempart à la mondialisation et contre-pouvoir à l’impérialisme américain, et son chantage sur l’air du «Sans l’Europe, ce serait encore pire» sont contredits pas cette réalité incontournable : l’Union est le cadre, et Bruxelles l’instrument, de la mise en oeuvre du capitalisme mondialisé en Europe.

A contrario, croire possible au sein d’un espace géographique sanctuarisé, la conservation des droits sociaux conquis à l’époque du compromis social-démocrate dans le cadre des
Etats nations est une illusion funeste. Il faut bien sûr résister, et s’arc bouter sur la défense des conquêtes sociales à chaque niveau où elles ont été structurées. Mais le mouvement social en Europe doit impérativement répondre à la double exigence à laquelle il est confronté. Celle d’abord de porter le combat au niveau où sont définies les orientations et prises les décisions. Le mot d’ordre évolue – «Sortir du SME», «Non à Maastricht et aux critères de convergence», «Rejet de la Constitution Giscard» - mais la nécessité reste la même : la rupture avec la bureaucratie communautaire et ses politiques anti-sociales. Celle également de mise en relation des salariés d’Europe pour coordonner une mobilisation unitaire contre la politique de l’Union – c’est à dire mener la lutte des classes au niveau européen où s’est organisé le Capital.

Aussi longtemps que, dans chaque pays, les mouvement sociaux en restent à la scène nationale; qu’ils se satisfont de la contestation de leurs gouvernement respectifs en laissant dans l’ombre et en paix les instances communautaires; qu’ils ne dénoncent pas la duplicité de leurs oppositions parlementaires qui, lorsqu’elles retrouvent le pouvoir, se fondent dans le même cadre communautaire pour y mener la même politique soumises aux mêmes directives dictées par les mêmes intérêts du Capital européen, ils confortent autant d’alternances gouvernementales stériles et enregistrent autant de désespérantes défaites.



Le 26 mai 2004

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