Un écrivain a dit : « La Bible
est le livre dont on parle le plus et qu'on lit le moins. » Cet
aphorisme n'est pas toujours exact, car chez beaucoup de sectaires ce
livre est le seul qu'ils lisent ; dans les pays anglo-saxons la Bible
est presque le seul ouvrage qu'on permette aux jeunes gens de lire le
dimanche et les jeunes Anglais lisent souvent un chapitre comme
soporifique avant de s'endormir. Les vieux huguenots croyaient qu'il
était indispensable de lire chaque jour un ou deux chapitres des
Saintes Écritures ; pourtant on n'exécutait pas toujours bien
régulièrement cette obligation. Cela me rappelle une anecdote
caractéristique : Dans une visite pastorale un nouveau ministre
demande à une vieille si elle lisait bien régulièrement les
Saintes Écritures. « Tous les jours M. le pasteur. » « Mais je ne
vois pas la Bible chez vous », La bonne femme dit alors à son
petit-fils d'aller chercher le gros livre dans la garde robe. Le
petit garçon revient triomphalement, apportant la grande Bible de
famille. Quand la femme eut ouvert le volume qu'elle prétendait lire
tous les jours, elle s'écria involontairement, en découvrant ses
lunettes entre les pages du volume : « Ah! que je suis contente,
voilà les lunettes que je croyais perdues depuis trois mois ! »
Les
historiographes russes racontent un fait de ce genre qui se serait
passé en Ukraine : le tzar Alexandre Ier, dans un de ses voyages,
entra dans la maison d'un pope qui était en train de cultiver son
jardin. Pendant qu'on allait chercher l'ecclésiastique, l'Empereur
feuilleta une belle Bible qui se trouvait dans la chambre, il glissa
entre les feuilles un billet de cent roubles et referma le volume. En
prenant congé du prêtre, il lui conseilla de lire chaque jour le
livre de Dieu, le meilleur livre qu'il y ait au monde. L'année
suivante, le tzar, repassant par le même village, entra de nouveau
chez le prêtre et lui demanda s'il lisait régulièrement la Bible.
« Tous les jours », Le tzar ouvrit la Bible et y retrouva son
billet de cent roubles qu'il mit dans sa poche, en disant : « Tu
vois bien, menteur, que tu ne lis pas la parole de Dieu tous les
jours. »
Je
suppose que même parmi ceux qui ont été élevés dans la religion
protestante la plus étroite et qui dans leur jeunesse ont suivi les
cours de religion et ont dû lire la Bible, au moins en grande
partie, il en est bien peu qui se rappellent leurs lectures. Les
extraits connus sous le nom d'Histoire Sainte se sont, par contre,
mieux imprimés dans les cerveaux des enfants, ce que font aussi les
contes de fées, comme ceux qui ont été recueillis par Perrault,
Grimm, Andersen, etc., contes qui, selon moi, corrompent les esprits
des enfants, qu'ils accoutument à croire à toutes les
invraisemblances, toutes les sornettes des religions, comme les
miracles de Jésus et des innombrables saints catholiques romains,
orthodoxes, musulmans, hindous, etc...
Ces
sortes d'histoires abracadabrantes foisonnent dans la Bible et c'est
peut-être à elles qu'il
faut
attribuer une grande partie de l'influence qu'exerce encore ce livre.
On raconte que la reine Victoria, femme d'une intelligence très
bornée, mais révérée pourtant pendant son règne comme un
fétiche, aurait dit, en présentant une Bible à quelques grands
diplomates : « C'est à la Bible que l'Angleterre doit sa grandeur
». ― Moi, j'ose dire que ce fétiche des protestants, base de la
religion chrétienne, a été au contraire funeste à l'Angleterre,
car c'est à la religion qu'on doit la dégradation des classes
inférieures à qui l'on prêche la soumission, le respect des
puissances établies, la patience dans la misère, grâce à l'espoir
d'obtenir le royaume des cieux. Mais ce livre fameux, on se contente
d'en extraire les passages qui conviennent à nos seigneurs et
maîtres, le reste est laissé dans l'ombre ; car on trouve de tout
dans la Bible, depuis des paroles de sagesse jusqu'à l'invitation au
meurtre, au vol, au vice le plus dégoûtant, au mensonge, à la
paresse, à la haine, etc.
On
ne lit guère la Bible comme on le devrait, en étudiant, en
comparant une page avec une
autre,
un récit avec un autre, etc. On lit des yeux, et, le chapitre fini,
on l'oublie. Qui donc parmi nous se souvient des histoires des rois
d'Israël, des prophètes ? Mais on se rappelle les versets
pornographiques du Cantique des Cantiques. Presque tout le monde
connaît l'histoire de la création du monde, de la pomme d'Ève, du
serpent parlant, du paradis terrestre, du passage par la Mer Rouge,
de David et Goliath, du massacre des innocents, de la fuite en
Égypte, etc., contes aussi véridiques que ceux des Mille et une
Nuits. Malgré ces insanités, les chrétiens sont prêts à jurer
que la Bible est véridique, qu'il n'y a pas un iota de faux d'un
bout à l'autre. On voit, par exemple, un certain pasteur américain,
Voliva, chef d'une secte fondée par Dowie et qui est maître absolu
de la ville de Sion aux États Unis, affirmer que la terre est plate
et que le soleil tourne autour de la terre, puisque la Bible l'a dit.
Un pasteur de Berlin avait dit la même chose quelques années avant
la guerre. Pour un vrai chrétien, c'est presque un crime de douter
de la théopneustie, c'est-à-dire de l'inspiration plénière des
Saintes Écritures, crime qui a conduit bien des penseurs au bûcher.
Je citerai ce qui m'est arrivé à moi-même, alors que j'étais
étudiant en théologie à Paris. Élevé dans les idées les plus
fanatiques des sectaires protestants, je ne pouvais supposer qu'un
homme intelligent pût
jamais
douter de cette inspiration et j'aurais fui comme la peste toute
personne qui m'aurait exprimé un doute à cet égard. Un jour
j'accompagnai des amis dans une grande salle où le pasteur libéral
Athanase Coquerel fit un discours magnifique. Ce grand orateur dit :
« J'entrai un jour dans une église anglicane ; le pasteur, de sa
voix sonore, lisait un passage de l'Ancien Testament. Le roi Saül
venait de massacrer toute une population de vieillards, de femmes et
d'enfants. Il les avait fait scier entre deux planches et avait fait
passer la herse sur leurs cadavres. Samuel, le prophète des Dieux,
se présente devant le roi et lui fait des reproches amers.
Était-ce
d'avoir massacré tant de victimes innocentes ? Non ! c'était
d'avoir épargné un seul
homme,
le Roi. Et vous me direz que ces pages sont inspirées ? Non, non,
c'est impossible. Ces pages ne sont pas inspirées. »
Je
fus tellement choqué de ces paroles que je me levai immédiatement,
quittant mes amis pour protester contre cette profanation. Je n'étais
pas probablement le seul à avoir cette idée biscornue. J'ai déjà
dit que les protestants font un fétiche de leur Bible.
Voici,
jusqu'où peut aller un sentiment d'adoration pour un livre. Un mien
cousin, très connu à Lausanne, il y a bien des années, estropié
et zélé distributeur de traités religieux, ne quittait jamais son
appartement le matin sans ouvrir la Bible comme moyen divinatoire et
les premiers mots qu'il rencontrait au hasard, à droite ou à
gauche, lui indiquaient ce qui lui arriverait pendant la journée.
Ayant dit à ce même cousin la distance qui sépare la terre de la
lune et du soleil, je fus frappé de l'entendre dire que les
astronomes étaient des imbéciles car, si le ciel était si loin,
Étienne, au moment où il fut lapidé, n'aurait pas pu voir le
Seigneur assis à la droite de Dieu ?
Ainsi,
au commencement du XXe siècle, un homme assez instruit mettait une
légende biblique absurde au-dessus de l'astronomie, une des sciences
les plus incontestables. L'histoire, la peinture, la sculpture, etc.,
puisent constamment des sujets dans la Bible : il est
vrai
qu'on en puise aussi dans les mythologies : grecque, latine,
germanique, indienne. Mais, alors on avoue que ce ne sont que des
mythologies, c'est-à-dire des inventions poétiques mais
mensongères. Je ne m'oppose nullement à ce qu'on enseigne les
miracles de la Bible, pourvu qu'on les présente comme de simples
contes de fées, comme ils le sont en effet. Mais c'est tout autre
chose quand on enseigne aux jeunes générations ces mensonges comme
des vérités, quand les prétentions historiques de la Bible
gouvernent le monde, quand la haine semée dans les cœurs par la
prétendue histoire sacrée excite aux massacres des Juifs et des
Musulmans par les Chrétiens, des Irlandais protestants par des
Irlandais catholiques.
Je
pourrais démontrer que la Bible est un livre funeste ; mais ce sujet
est trop vaste. Je me bornerai donc à démontrer que la Bible n'est
pas un livre d'histoire et que sa valeur historique est nulle. M. R.
Naville, célèbre égyptologue genevois, élevé dans les idées
chrétiennes les plus étroites, a pourtant été conduit par de
profondes études d'égyptologie à reconnaître que la Bible, telle
que nous la possédons, n'est pas l'oeuvre divine que prétendent les
Chrétiens. Voici quelques extraits de son fameux ouvrage :
Archéologie de l'Ancien Testament, qu'il a écrit d'abord en
anglais, puis traduit en français :
«
L'Hébreu écrit en lettres carrées ne remonte guère plus haut que
l'ère catholique, il doit avoir à cette époque remplacé l'ancien
cananéen. Avant Moïse et après lui, le babylonien et l'assyrien,
étaient employés en Palestine, c'était la forme populaire du
babylonien et de l'assyrien, ainsi que nous l'enseignent les
tablettes bilingues et d'autres documents, tels que la version
araméenne de l'inscription de Béhistoun. Les Juifs établis en
Égypte écrivaient et parlaient l'araméen, l'écriture propre à la
langue judaïque était l'alphabet araméen. »
Et
plus loin :
«
En examinant cette question à la lumière des trouvailles des 30
dernières années, nous arrivons à la conclusion qui paraît
s'imposer que, les plus anciens documents de la littérature
hébraïque
n'ont pas été écrits dans la langue hébraïque, mais dans
l'idiome et avec les caractères de Tel Al-Amarna, c'est-à-dire en
babylonien cunéiforme. »
Plus
loin, le distingué professeur cherche à excuser les contradictions
et les répétitions si fréquentes dans les premiers livres de la
Bible par le fait que ces œuvres ont été inscrites sur des
tablettes d'argile séchées au soleil, comme on en voit tant au
Louvre à Paris. L'écrivain ou les écrivains de l'Ancien Testament
ne connaissaient pas toujours les premières tablettes ou bien
faisaient des répétitions pour rappeler ce qui avait été dit dans
ces premières tablettes : on y remarque une complète absence de
proportion dans la façon dont chaque sujet est traité. « Esdras »,
dit encore Naville, « en coordonnant les tablettes ne pouvait
commencer autrement que par celles qui ont rapport à la création ».
Le professeur cherche alors à indiquer le contenu des différentes
tablettes telles qu'elles ont dû être écrites. »
Nous
voici donc bien loin de l'histoire de la littérature hébraïque
écrite sur des peaux et portée dans l'arche sainte. Ici, nous
voyons des collections de plaques de terre où l'on écrivait en
enfonçant le médius de la main droite et qui auraient été
recueillies au hasard après le retour de la transportation en
BabyIonie. Ces plaques écrites en caractères cunéiformes auraient
servi de base à la compilation d'Esdras en admettant qu'Esdras ait
recueilli toute la Bible, ce qui est impossible, puisque quelques
livres canoniques ne datent que d'un siècle avant notre ère. Au
surplus, où sont ces fameuses tablettes ? Pourquoi ont-elles disparu
? Comment admettre qu'elles aient existé, sans avoir laissé de
trace ? On a bien retrouvé les tablettes des lois d'Hamaurabi, bien
plus anciennes que l'épopée attribuée au mythique Moïse. Ne
peut-ont pas plutôt supposer que les compilateurs ont recueilli les
traditions orales de la bouche des vieillards comme Hilferding,
Kiréyewski, l'ont fait pour les épopées populaires de la Russie «
Les Bylines ». comme aussi Drajomenow l'a fait pour les chants
historiques de l'Ukraine et comme on l'a probablement fait pour les
poèmes homériques ? Voici quelques paragraphes extraits de Maurice
Vernes, l'une des plus grandes autorités en matière de critique
religieuse :
«
Depuis cent ans, un travail considérable a été consacré en
Allemagne et en Hollande, puis
en
France à l'élucidation des questions qui touchent à l'origine et à
la composition des livres saints. Quand on recherche les motifs qui
ont dicté à la tradition ses différentes solutions, on constate
ceci : pour toute la série du pentateuque et des livres historiques,
la tradition s'est bornée à attribuer l’œuvre à l'homme qui en
est le principal personnage ou, à son défaut, à une haute
individualité aussi rapprochée des événements que possible. Les
cinq « Lieri de Moyse » sont devenus « Libri Moysii »
;
le livre de Josué est consacré am exploits de ce héros, on lui en
attribue aussitôt la paternité. Le livre des « Juges » ne pouvait
être attribué à aucun des personnages qui y figurent ; on a choisi
Samuel, le successeur immédiat du dernier des héros dont ce livre
rapporte les aventures. Le livre de Samuel consacré à ce
personnage, puis à David, seront les œuvres de Samuel pour les
événements contemporains du prophète, puis de ses collègues et
successeurs Gad et Nathan, dont les noms y paraissent plusieurs fois.
Jérémie le grand plaintif qui assiste à la ruine de Jérusalem,
aura rédigé le livres des Rois... La théologie traditionnelle
juive ou chrétienne affirme d'une manière générale leur
authenticité sans attacher du reste à ce mot un sens bien précis
et rassurée sur ce point, elle ne se met guère en peine des
invraisemblances et des difficultés proprement littéraires qu'on
peut lui signaler dans ces affirmations. Ainsi a procédé une fois
la Synagogue, ainsi a fait à son tour l'Église chrétienne qui a
accepté, les yeux fermés, l'ensemble des désignations qu'on lui
offrait, sans les soumettre à une vérification sévère, satisfaite
d'avoir constaté que ces désignations lui laissaient toute latitude
en théologie pour édifier le dogme et nourrir la piété. »
Voici
encore ce que dit le professeur Vernes : « En résumant les
résultats qui ont généralement cours dans les ouvrages de la
critique moderne, on peut dresser à côté et en contraste de la
liste des données traditionnelles, le tableau suivant : «
Pentateuque. Loin d'être l'oeuvre d'un seul homme et d'une
seule époque, c'est une compilation où sont entrés des écrits de
dates diverses et de plusieurs auteurs. Selon les critiques, ces
écrits s'échelonnent assez inégalement du douzième jusqu'au
cinquième siècle avant notre ère : l'oeuvre n'aurait reçu sa
forme définitive qu'à cette date dernière, peut-être par le soin
d'Esdras. Les auteurs des différents documents, comme des
recensions, sont inconnus, le livre pris en gros est anonyme. Le
Pentateuque, les Juges, les Samuel sont tellement mélangés de
folklore (espèces de contes de fées) que ce ne sont guère que des
romans. « Les Livres des Rois » sont un peu plus définis ;
probablement parce que les Rois ont, pour la première fois, fait
faire des annales de leurs règnes, où l'on pouvait trouver des
renseignements ; mais les rabbins, chargés de l'historiographie, ne
se sont pas gênés pour broder. Ils ont inventé de toutes pièces
des romans comme Ruth, Esther et Daniel.
«
On sait combien les chroniques, même relativement récentes, sont,
comme celle de Froissard, peu dignes de foi; que dire de celles de la
Bible ? Elles contiennent de longues généalogies absolument
contradictoires. On sait combien il est difficile, même de nos
jours, d'avoir des généalogies absolument incontestables des
familles actuelles ; comment pourrait-on admettre celles que donnent
des livres qu'on prétend écrits à des époques où l'écriture
n'existait pas encore ? Comment pourrait-on ajouter foi à de longues
listes de noms qui se contredisent fréquemment ? La paléontologie,
la physiologie, l'anatomie ont démontré que les êtres
préhistoriques ne pouvaient guère avoir une existence plus longue
que la nôtre. Pouvons-nous croire qu'Adam ait vécu 930 ans et qu'il
ait eu son premier fils à l'âge de 230 ans, selon la version des
septante ou de 130 ans selon le texte hébraïque ? Seth, 912 ans,
Enos 705, Cainan 910, Maléel 895, Jared 962, Enoch 365 (la Bible
dit: Enoch marchait selon Dieu et ne mourut pas mais disparut, Dieu
l'avait enlevé, prototype de l'ascension et de l'assomption),
Mathusalem 969 ans, Lemeth 777, Noé 950, Sem 600, Arfaxad 438,
Abraham 175 ? Il faut avoir la foi bien ancrée dans la cervelle pour
ne pas être frappé de la folie de ces chiffres. »
«
Autre preuve de la véracité des livres de la Bible : dans I Samuel
XIII, on lit : Saül avait un an quand il commença à régner et il
régna 2 ans sur Israël. Dans Salomon, il est dit qu'il avait régné
40 ans, période indéterminée en hébreu. »
«
C'est à l'époque qui s'écoula entre la chute de Samarie, 722 avant
la naissance de J.-C. et la
destruction
de Jérusalem par Nébuchadrézar (Nabucho dans le temple le livre
sacré (Deutéronome) sous le règne de Josias qui voulut imposer les
réformes religieuses fondées sur cette découverte, mais il fut tué
dans la bataille de Méggido par l'armée du Pharaon, Nécho. »
«
Voici, d'après les savants théologiens les plus autorisés,
qu'elles seraient les plus anciennes
parties
de la Bible recueillies par tradition. Comme la poésie chez tous les
peuples a été la plus ancienne forme de la littérature, le plus
ancien fragment de la Bible serait le chant de Déborah et de Barak
(Juges V.). Vient ensuite le chant de l'épée (Genèse IV.), la
bénédiction de Jacob (Genèse 49), le chant de triomphe de la Mer
Rouge (Exode V.), le chant de Moïse (Deutéronome 32), la
bénédiction de Moïse (Deutéronome 30), tous répétés de mémoire
et recueillis par Esdras. » « Le Livre de Josué consiste en
diverses traditions et fragments qui ont été ajoutés jusqu'à
l'époque grecque. Ce livre attribue à un homme, à une génération
des événements qui se sont passés en plus d'un siècle. On y
trouve force contradictions. »
«
Les Juges. C'est une collection de légendes sur les champions
nationaux, arrangées dans le
but
d'exposer les enseignements de Glosée et de Jérémie. »
«
Samuel. Les deux livres de Samuel ont été tellement
interpolés et arrangés, qu'il est difficile d'en suivre l'histoire.
Samuel était un sorcier dans le genre des sorciers des sauvages : il
n'avait guère qu'une réputation locale, il était inconnu de Saül,
avant que son domestique lui en ait parlé (I Samuel IX 5-10). Les
histoires de son enfance et le chant sur les Amalécites sont des
additions plus récentes.
Il
faut remarquer la contradiction : I Samuel XII dit que c'est le
peuple qui a réclamé un roi et aux chapitres 9 et 10 verset 6,
c'est Dieu qui choisit un roi de, son propre mouvement. »
«
Les Rois. Ce livre contient beaucoup de folklore, de légendes
de héros, surtout sur Salomon. La légende d'Élie est évidemment
tirée d'un ancien mythe solaire. Le livre a été recueilli après
le retour de l'exil, car il descend jusqu'à l'époque
d'Evil-Mérodak. »
«
Jérémie a été composé à l'époque de la chute du royaume
de Judas, mais on y a ajouté toutes espèces de discours pour
augmenter les paroles du prophète. Jérémie, dans ses moments de
lucidité, prêchait les réformes de Josias et s'était, comme tous
les réformateurs, mis à dos une partie de la population. Les
prophètes étaient des espèces de déments semblables aux derviches
orientaux. »
«
Ezechiel. Pour encourager ses concitoyens en exil, le prophète
leur parlait de l'avenir des
Juifs
et excitait à la haine de l'étranger. Ses créatures ailées
étaient empruntées aux sculptures babyloniennes, mais je ne sais où
il avait emprunté l'idée de manger des excréments. »
«
Les Chroniques d'Esdras et Néhémie furent compilées environ
300 ans avant l'ère chrétienne, par des prêtres qui portèrent
leur récit jusqu'à la reconstruction du temple et introduisirent le
code ecclésiastique ou Lévitique, etc... Les compilateurs
ont recueilli les traditions d'Esdras et de Néhémie. Ces
ecclésiastiques écrivaient l'histoire à la façon du père
Lorriquet, de Capefigue, de Thiers ou de Marco de St. Hilaire ; ces
derniers historiens, adorateurs de Bonaparte, supprimant tout ce qui
ne leur plaisait pas, exagérant les faits et gestes de leurs héros.
Ces compilateurs avaient surtout pour but d'exalter la grandeur de
David et de Salomon, deux atroces bandits quand on étudie sans
prévention les récits des Rois et des Chroniques. Les
compilateurs citent les livres non canoniques, comme le livre des
Rois d'Isra et de Judas (2 Chroniques XVIII, 13), l'Histoire de Jéhu
(2 Chroniques XX 34e), Commentaires ou Misdrah d'Iddo (2 Chroniques
VI V 27e), Shemaïak et Iddo (2 Chroniques XII 15), Esdras et Néhémie
sont des livres d'édification plutôt que des livres d'histoire. Des
parties d'Esdras comme IV, 8-26, V-I ; VI 18 ; VII 12-26, sont écrits
en aramaïque, la langue officielle de la cour de Perse.
«
Daniel a été compilé à l'époque grecque, vers 150 ans
avant J.-C. L'aramaïque est employé
au
ch. II 4 et à la fin du ch. VII. Daniel est un roman historique à
la façon d'Alexandre Dumas, c'està- dire que les prêtres, ses
auteurs, ont falsifié l'histoire, probablement pour stimuler la
rébellion des Macchabées. Au ch. I verset 16 I, l'ouvrage contredit
le deuxième livre des Rois XXII-XXIV. Tout le livre montre
l'ignorance de la vraie histoire de la chute de Babylone et de la
succession des rois de Perse. Daniel contient beaucoup de mots
inconnus à l'époque où on prétend que ce livre a été écrit. »
«
Esther a probablement été écrit au troisième siècle avant
notre ère. C'est un roman sans aucune base historique emprunté aux
mythes babyloniens. »
«
Ruth, autre roman, probablement inventé pour faire croire que
David descendait de Ruth, une Moa bite. »
«
Les Proverbes, attribués à Salomon, sont une collection
d'aphorismes des sages de l'Orient, surtout de la Perse. La forme
actuelle en est grecque. »
«
Job, le plus beau poème de la littérature hébraïque. On y
voit une époque déjà avancée où
l'homme
osait juger les actions de Dieu. On y trouve bien des interpolations,
comme le chapitre XXVIII et les discours d'Elihu (XXXII-XXXVI). »
«
L'Écclésiaste date de la dernière époque avant notre ère. C'est
une œuvre philosophique attribuée à Salomon où sont enseignées
des idées différentes de celles des Juifs. »
«
Les Psaumes appartiennent aux plus anciens livres de la Bible,
mais quelques-uns datent de l'époque grecque. Ils appartiennent à
un grand nombre d'auteurs. Ce sont des chansons populaires, comme les
vieux lieds allemands ou les antiques romances françaises. Les
Babyloniens ayant beaucoup de chants religieux ont dû influencer les
auteurs des psaumes. »
«
Les Lamentations, cinq poèmes dû à différentes personnes,
écrits probablement peu après la chute de Jérusalem qu'ils
décrivent. »
«
Le Cantique des Cantiques, admirable poème érotique, l'un
des plus beaux de l'Orient. Pour nos idées, ce livre est plutôt
pornographique, mais il contient une splendide suite d'images
poétiques. C'était probablement une sorte d'épithalame chanté aux
noces. Il ne faut point y voir l'amour du Christ pour l'église ou
vice-versa, c'est essentiellement une peinture de l'amour physique.
On trouve dans la langue des traces d'araméen. »
«
Les 12 Petits Prophètes. Hosée, Amos, Abdias, Habbakuk,
etc., ont été écrits entre le retour de l'exil et le dernier
siècle avant l'ère chrétienne. La rédaction d'Esdras, de Néhémie,
doit être rapportée à un écrivain inconnu, ne vivant guère que
deux siècles avant notre ère ; toutefois, il est conservé dans les
deux premiers livres d'importants fragments authentiques relatifs aux
personnages dont il porte le nom. »
«
Daniel n'est pas de l'époque de la captivité, mais en
réalité de 4 siècles plus tard, de l'époque des Macchabées,
comme on peut le voir à sa connaissance des luttes entre les
Ptolémées et les Séleucides et à sa description de la persécution
religieuse dirigée contre les Juifs par Épiphane. »
«
Joël, Jonas, sont des écrits de basse date. Zacharie est
attribué à trois plumes différentes. L'Ecclésiastique serait
de fort basse date, contemporain des successeurs d'Alexandre. » «
Les savants refusent de reconnaître aucune authenticité au livre de
Ruth, d'Esther, et aux Lamentations. »
(Vernes.)