vendredi 31 janvier 2020

Le mythe Bolchévique Par Alexander Berckman



« La révolution russe est le plus grand événement de toute l'histoire, m'a fait observer un des délégués. Les considérations mesquines de verraient y avoir leur place. Un nouveau monde est en train de se faire, aussi minimiser le travail gigantesque que représente une telle naissance est pire que de la folie ! Les bolchéviks, à l'avant garde des masses révolutionnaires, jouent un rôle dans ce processus dont l'histoire ne manquera pas d'évaluer l'importance . Qu'ils aient commis des erreurs est inévitable, c'est humain, mais, malgré ces erreurs, ils sont en train de fonder une nouvelle civilisation. L'histoire ne pardonne pas l'échec : elle immortalisera les bolchéviks en raison de leur succès face à des difficultés quasi insurmontables. Ils peuvent être fiers à juste titre de ce qu'ils ont accompli. »

« Laissez les délégués et le monde regarder la situation en face. Nous devons apprendre ce que la révolution est vraiment. La révolution russe n'est pas une affaire de simple reconnaissance politique, c'est un événeùent qui transforme le monde. Il va de soi qu'on y trouvera des erreurs et des abus. Une période de tempêtes et de conflits comme celle ci est impensable sans que ce soit le cas. Les erreurs repérées doivent juste être corrigées , or les critiques bienveillantes sont infiniment précieuses. C e n'est pas un secret que la Russie souffre de la famine, et il serait criminel de prétendre au bien-être avec des banquets et des dîners. Au contraire, laissez les délégués constater les effets épouvantables qu'à le blocus, laissez les voir le taux de maladie et de mortalité effrayant qui en résulte. Aucun observateur étranger ne peut se faire une idée ne serait-ce qu'approximative de l'ampleur du crime que commetent les alliés contre la Russie. Plus les délégués seront en contact avec la réalité, plus convaincant sera l'appel qu'ils lanceront au prolétariat britannique, et plus efficace sera leur capacité à se battre contre le blocus et l'intervention de l'Entente. »

« Non, mes amis, il ne sert à rien de nous illusionner , enchaine un grand barbu, l Russie n'est pas mûre pour le communisme. La révolution sociale n'est possible que dans un pays où le développement industriel est au plus haut. Le grand crime des bolchéviks à été de suspenedre l'assemblée constituante par la force. Ils ont usurpé le pouvoir gouvernemental mais la totalité du pays est contre eux. Que pourrait-on espérer dans ces conditions ? Ils doivent recourrir à la terreur pour obliger les gens à se soumettre à leurs volontés, si bien que tout part à vau-l'eau !
-Voilà un beau discours marxiste ! Renchérit un socialiste-révolutionnaire de gauche avec bonne humeur. Tu oublies cependant que la Russie est un pays agricole, pas industriel, et qu'il en sera toujours ainsi. Vous, les sociaux-démocrates, vous ne comprenez pas les paysans. Les bolchéviks ne leur font pas confiance et pratiquent la discrimination à leur encontre. Leur dictatute prolétarienne est une insulte et une injure à la paysannerie. La dictature doit être celle du labeur , exercée en même temps sur les paysans et les ouvriers. Sans la coopération de la paysannerie, le pays est condamné.
-Tant que vous aurez la dictature, vous aurez les conditions actuelles, rétorque notre hôte anarchiste. L'état centralisé, c'est ça le plus grand mal. Il ne permet pas de laisser au peuple l'impulsion créative de s'exprimer. Donner aux gens une chance, laissez les execer leur initiative et leur énergie constructive...C'est la seule chose qui sauvera la révolution.
-Vous autres ne comprenez pas le rôle important qu'ont joué les bolchéviks, dit un homme mince et nerveux. Ils ont commis des erreurs, certe, mais pas celles de se montrer timorés ou lâches. Ils ont dissous l'assemblée constituante ? Ils n'en ont eu que plus de pouvoir ! Ils n'ont rien fait de plus que ce qu'avait fait Cromwell au long parlement : ils ont renvoyé ceux qui parlaient dans le vide. Et, entre parenthèses, c'est un anarchiste ,Anton Zheleznyakov, qui était de garde au palais ce soir là avec ses marins, qui a donné l'ordre à l'assemblée de rentrer chez elle. Vous parlez de violence et de terreur, mais vous imaginez qu'une révolution se fait dans un salon ? La révolution doit être soutenue à tout prix, plus les mesures sont radicales, plus elles sont humanitaires sur le long terme. Les bolcheviks sont des étatistes , des gouvernementalistes extrêmes ; et leur centralisation impitoyable n'est pas sans danger. Mais une période révolutionnaire comme celle que nous traversons n'est pas possible sans une dictature. C'est un mal nécessaire qui n'aura plus de raison d'être une fois que la révolution connaître la victoire pleine et entière. Si les opposants politiques de la gauche donnaient la main aux bolchéviks et les aidaient dans cette tâche magnigfique , les maux du régime actuel seraient moindres , et l'effort constructif s'en trouverait accéléré. »

« J'ai repensé à une autre manifestation du 1° mai – ma première expérience de ce genre , à New York vers la fin des années 1880. Des radicaux de tous bords avaient coopéré pour faire de l'évènemet un succès , et une immense manifestation était prévue sur la place historique d'Union square. Mais la majorité des ouvriers américains de la ville étaient restés sourds à notre appel , si bien que quelques milliers seulement y avaient participé , pour la plupart d'origine étrangère.
Le rassemblement venait de commencer lorsque les géants en manterau bleu étaient apparus , attaquant les manifestants à coups de matraques et les dispersant dans les rues adjacentes. Certains d'entre nous ayant envisagé cette éventualité, un petit groupe parmi les plus jeunes s'était préparé à résister à la police. Mais la veille de la manifestation , au cours de notre dernière réunion de comité , H., le chef des membres des plus anciens, nous avait mis en garde contre «  la provocation à la violence » , et je me souvenait que j'avais réagi avec passion aux arguments de ce social-démocrate qui manquait d'audace. « Nous sommes les professeurs du peuple et nous devons le guider vers plus de conscience de classe, avait-il dit. Mais puisque nous sommes peu nombreux, ce serait de la folie de nous sacrifier inutilement. Nous devons nous réserver pour un travail plus important. »





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