« La révolution russe est le plus grand événement
de toute l'histoire, m'a fait observer un des délégués. Les
considérations mesquines de verraient y avoir leur place. Un nouveau
monde est en train de se faire, aussi minimiser le travail
gigantesque que représente une telle naissance est pire que de la
folie ! Les bolchéviks, à l'avant garde des masses
révolutionnaires, jouent un rôle dans ce processus dont l'histoire
ne manquera pas d'évaluer l'importance . Qu'ils aient commis des
erreurs est inévitable, c'est humain, mais, malgré ces erreurs, ils
sont en train de fonder une nouvelle civilisation. L'histoire ne
pardonne pas l'échec : elle immortalisera les bolchéviks en
raison de leur succès face à des difficultés quasi insurmontables.
Ils peuvent être fiers à juste titre de ce qu'ils ont accompli. »
« Laissez les délégués et le monde regarder la
situation en face. Nous devons apprendre ce que la révolution est
vraiment. La révolution russe n'est pas une affaire de simple
reconnaissance politique, c'est un événeùent qui transforme le
monde. Il va de soi qu'on y trouvera des erreurs et des abus. Une
période de tempêtes et de conflits comme celle ci est impensable
sans que ce soit le cas. Les erreurs repérées doivent juste être
corrigées , or les critiques bienveillantes sont infiniment
précieuses. C e n'est pas un secret que la Russie souffre de la
famine, et il serait criminel de prétendre au bien-être avec des
banquets et des dîners. Au contraire, laissez les délégués
constater les effets épouvantables qu'à le blocus, laissez les voir
le taux de maladie et de mortalité effrayant qui en résulte. Aucun
observateur étranger ne peut se faire une idée ne serait-ce
qu'approximative de l'ampleur du crime que commetent les alliés
contre la Russie. Plus les délégués seront en contact avec la
réalité, plus convaincant sera l'appel qu'ils lanceront au
prolétariat britannique, et plus efficace sera leur capacité à se
battre contre le blocus et l'intervention de l'Entente. »
« Non, mes amis, il ne sert à rien de nous
illusionner , enchaine un grand barbu, l Russie n'est pas mûre pour
le communisme. La révolution sociale n'est possible que dans un pays
où le développement industriel est au plus haut. Le grand crime des
bolchéviks à été de suspenedre l'assemblée constituante par la
force. Ils ont usurpé le pouvoir gouvernemental mais la totalité du
pays est contre eux. Que pourrait-on espérer dans ces conditions ?
Ils doivent recourrir à la terreur pour obliger les gens à se
soumettre à leurs volontés, si bien que tout part à vau-l'eau !
-Voilà un beau discours marxiste ! Renchérit un
socialiste-révolutionnaire de gauche avec bonne humeur. Tu oublies
cependant que la Russie est un pays agricole, pas industriel, et
qu'il en sera toujours ainsi. Vous, les sociaux-démocrates, vous ne
comprenez pas les paysans. Les bolchéviks ne leur font pas confiance
et pratiquent la discrimination à leur encontre. Leur dictatute
prolétarienne est une insulte et une injure à la paysannerie. La
dictature doit être celle du labeur , exercée en même temps sur
les paysans et les ouvriers. Sans la coopération de la paysannerie,
le pays est condamné.
-Tant que vous aurez la dictature, vous aurez les
conditions actuelles, rétorque notre hôte anarchiste. L'état
centralisé, c'est ça le plus grand mal. Il ne permet pas de laisser
au peuple l'impulsion créative de s'exprimer. Donner aux gens une
chance, laissez les execer leur initiative et leur énergie
constructive...C'est la seule chose qui sauvera la révolution.
-Vous autres ne comprenez pas le rôle important qu'ont
joué les bolchéviks, dit un homme mince et nerveux. Ils ont commis
des erreurs, certe, mais pas celles de se montrer timorés ou lâches.
Ils ont dissous l'assemblée constituante ? Ils n'en ont eu que
plus de pouvoir ! Ils n'ont rien fait de plus que ce qu'avait
fait Cromwell au long parlement : ils ont renvoyé ceux qui
parlaient dans le vide. Et, entre parenthèses, c'est un anarchiste
,Anton Zheleznyakov, qui était de garde au palais ce soir là avec
ses marins, qui a donné l'ordre à l'assemblée de rentrer chez
elle. Vous parlez de violence et de terreur, mais vous imaginez
qu'une révolution se fait dans un salon ? La révolution doit
être soutenue à tout prix, plus les mesures sont radicales, plus
elles sont humanitaires sur le long terme. Les bolcheviks sont des
étatistes , des gouvernementalistes extrêmes ; et leur
centralisation impitoyable n'est pas sans danger. Mais une période
révolutionnaire comme celle que nous traversons n'est pas possible
sans une dictature. C'est un mal nécessaire qui n'aura plus de
raison d'être une fois que la révolution connaître la victoire
pleine et entière. Si les opposants politiques de la gauche
donnaient la main aux bolchéviks et les aidaient dans cette tâche
magnigfique , les maux du régime actuel seraient moindres , et
l'effort constructif s'en trouverait accéléré. »
« J'ai repensé à une autre manifestation du 1°
mai – ma première expérience de ce genre , à New York vers la
fin des années 1880. Des radicaux de tous bords avaient coopéré
pour faire de l'évènemet un succès , et une immense manifestation
était prévue sur la place historique d'Union square. Mais la
majorité des ouvriers américains de la ville étaient restés
sourds à notre appel , si bien que quelques milliers seulement y
avaient participé , pour la plupart d'origine étrangère.
Le rassemblement venait de commencer lorsque les géants
en manterau bleu étaient apparus , attaquant les manifestants à
coups de matraques et les dispersant dans les rues adjacentes.
Certains d'entre nous ayant envisagé cette éventualité, un petit
groupe parmi les plus jeunes s'était préparé à résister à la
police. Mais la veille de la manifestation , au cours de notre
dernière réunion de comité , H., le chef des membres des plus
anciens, nous avait mis en garde contre « la provocation à la
violence » , et je me souvenait que j'avais réagi avec passion
aux arguments de ce social-démocrate qui manquait d'audace. « Nous
sommes les professeurs du peuple et nous devons le guider vers plus
de conscience de classe, avait-il dit. Mais puisque nous sommes peu
nombreux, ce serait de la folie de nous sacrifier inutilement. Nous
devons nous réserver pour un travail plus important. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire