dimanche 19 janvier 2020

INTERNATIONALE SYNDICALE encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure




Ce mot a déjà été traité dans les études consacrées à Confédération générale du Travail et Association internationale des Travailleurs. Toute la vie de la 1ère Internationale, toute son action toute l’activité de l’Internationale, tous les Congrès, jusqu’au Congrès de Londres (1920), sont relatés dans ces deux études, auxquelles le lecteur doit absolument se reporter pour être exactement et complètement renseigné.
II ne reste donc à examiner que l’action depuis 1920 et les Congrès suivants : Londres (1920), Gênes et Rome (1922), Vienne (1924), Paris (1927) pour la Fédération Syndicale internationale ; les Congrès de 1923, 1925 et 1928, à Moscou, pour l’Internationale Syndicale rouge ; le Congrès de Liège (1928) pour l’Association internationale des Travailleurs.
Fédération internationale syndicale d’Amsterdam
Cette Internationale est, relativement, de constitution récente. De même que de 1874, année de la disparition définitive de la I’Association Internationale, après le Congrès de Bruxelles, jusqu’en 1895, au Congrès de Zurich, il n’y eut aucune action internationale coordonnée et organisée, il n’y eut, non plus, d’Internationale de 1896 à 1900, date de la constitution du Secrétariat International. Les Congrès de Stuttgart (1902), de Dublin (1903), Amsterdam (1905), Christiania (1907), Paris (1909), Budapest (1911) et Zurich (1913) furent organisés par ce Secrétariat international.
La guerre vint mettre fin à l’existence de cet organisme. Les Centrales Nationales alliées (France, Angleterre, Belgique, Italie, auxquelles se joignirent l’Espagne et la Suisse, un peu plus tard) tinrent cependant, pendant la guerre, les Conférences de Londres (1915), Leeds (1916), Berne (1917), Berne encore en 1919.
C’est à cette dernière Conférence, à laquelle participèrent : l’Angleterre, la France, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Hollande, la Norvège, la Suède, l’Espagne, que, fut décidée la liquidation du Secrétariat International et la reconstitution de l’Internationale Syndicale.
L’Italie, absente, donna son acquiescement par lettre.

La Conférence se mit d’accord sur une Charte internationale du Travail que les représentants anglais, français et belges reçurent mission de défendre auprès de la Conférence de la Paix de Versailles (1919) et de faire insérer dans le Traité de Paix, dans la partie qu’on a appelée le Titre XIII.
La constitution de la Fédération Syndicale Internationale eut lieu au Congrès de juillet 1919, à Amsterdam. Toutes les Centrales européennes, plus celle des ÉtatsUnis, y participèrent.
La F.S.I. décida, dès sa constitution, de participer à la Conférence Internationale du Travail de Washington pour l’application universelle de la journée de 8 heures. La F.S.I., à son origine, groupa 24 Centrales et plus de 20 millions d’adhérents.
Elle eût pu être une force absolument irrésistible, si elle avait été une Internationale véritable, au lieu d’être une Association de nationalismes divisée en deux camps : ex-Alliés et ex-Centraux. 29 Secrétariats internationaux professionnels, groupant près de 17 millions d’ouvriers de toutes professions, sont immédiatement constitués.
La Fédération Internationale Syndicale représente donc, dès le début, la plus grande force mondiale qui ait jamais existé : si elle avait compris la situation générale et osé agir, elle eut imposé au monde une transformation sociale radicale. Elle ne sut comprendre ni agir.
Elle se contenta de s’occuper de haute stratégie diplomatique et, si son action en Autriche, en Espagne, voire même en Russie, en faveur des affamés, a eu des conséquences heureuses, il est, néanmoins hors de doute, qu’elle eût pu faire bien davantage, si elle avait été animée de réels sentiments de classe et non imbue d’intérêt soi-disant général.
La F.S.I. tint à Londres, en 1920, son deuxième Congrès. Il y fut question des réparations, des nationalisations ; de la nécessité de tenir une Conférence internationale des transports et du lancement d’un emprunt international pour la liquidation des réparations.
Elle participa à la Conférence de Gênes (1922) à laquelle assista la Russie soviétique qui, pour la première fois, entrait dans le concert des puissances.
La F.S.I. tint une Conférence préalable au cours de laquelle elle adopta une résolution sur la reconstitution économique de l’Europe. Elle présenta cette résolution - qui fut rejetée - à la Conférence des États réunis à Gênes, laquelle devint très rapidement, exclusivement politique et n’atteignit d’ailleurs aucun de ses buts.
Le Congrès de Rome qui se tint presque aussitôt la fin de la Conférence de Gênes, homologua la résolution prise par la F.S.I. à Gènes.

Il s’occupa aussi de l’action contre la guerre, de l’organisation de cette action, il reprit l’organisation des relations entre les Secrétariats, internationaux professionnels et de la Fédération Syndicale internationale ouvrière par la Conférence de Zurich en 1913.
Le 3e Congrès eut lieu à Vienne (Autriche), du 2 au 7 juin 1924. C’est à ce Congrès que fut dressé le programme minimum dé la F.S.I. qui comprend : la défense de faire travailler les enfants au-dessous de 15 ans ; l’enseignement universel avec, dans tous les États, des bureaux d’orientation professionnelle ; les conditions générales de travail des adolescents, des femmes, des hommes ; l’hygiène et la sécurité ; le droit syndical et l’émigration ; les assurances, le placement, le contrôle ouvrier, le logement.
La F.S.I. organisa en outre, en 1922, un Congrès mondial de la Paix qui se tint, en décembre, à La Haye. Tous les pays, y compris la Russie, y participèrent. La lutte contre la guerre y fut envisagée sur le plan démocratique et légalitaire. A aucun moment, il ne fut question d’organiser sérieusement la lutte efficace contre la guerre.
Le 4e Congrès de la F.S.I. se tint à Paris, en août 1927, au Grand Palais, cependant que celui de l’A.I.T. se tenait, lui, dans la forêt de Berlin, deux années auparavant.
Il s’occupa de la cuisine intérieure du Bureau. Purcell, président, dans son discours inaugural, attaqua brutalement Jouhaux et surtout Oudegeest. Pendant tout le congrès ce ne fut qu’une lutte constante entre les Trade-Unions britanniqueset le reste de la F.S.I.
Ce fut, en réalité, la lutte entre l’esprit d’unité international, plus fictif et tactique que réel et sincère, d’ailleurs créé par le Comité anglo-russe - et l’esprit de maintien du statu quo, nettement exprimé par Jouhaux, Sassenbach, Oudegeest et Mertens. Fimeney, l’âme du mouvement “unitaire”, ne dit mot pendant tout le Congrès.
En conclusion, Oudegeest, mis en fort mauvaise posture par la délégation anglaise, dut se retirer. Le Congrès ne fit aucune besogne utile et toutes les questions furent renvoyées à l’étude du Conseil général...
Purcell fut écarté de la présidence, mais un autre Anglais, Hieks, le remplace.
Telle est, brièvement relaté, l’activité de la Fédération Internationale Syndicale.
Internationale Syndicale Rouge
L’Internationale Syndicale Rouge, née de la scission qui se produisit dans les années 1919 et 1920 dans presque toutes les Centrales de la F.S.I., tint son premier Congrès à Moscou, du 3 au 19 juillet 1921.
J’ai déjà exposé quel fut, à ce Congrès, le rôle de la délégation française.
Il importe qu’on sache que ce Congrès constitutif délibéra “librement“ sous la surveillance des soldats rouges, baïonnette au canon.
Tout le travail des organisateurs syndicaux russes, auxquels s’étaient joints tous les leaders politiques Lénine, Trotski, Zinoviev, Kamenev, etc., tendit à imposer aux délégués étrangers et plus spécialement allemands, français, italiens et espagnols, une charte qui consacrait la domestication des Centrales nationales aux Partis politiques communistes et de l’Internationale Syndicale Rouge à l’Internationale Communiste.
Sur la proposition de A. Rosmer (France) et de Tom Mann (Angleterre), rapporteurs, le Congrès vota la résolution suivante :
« Considérant que la lutte entre le capital et le travail dans tous les pays capitalistes a acquis, par suite de la guerre et de la crise mondiale, un caractère particulièrement tranchant, implacable et décisif ;
Que dans le processus de cette lutte se dessine, devant les masses ouvrières, de jour en jour plus distinctement, la nécessité d’écarter la bourgeoisie de la production et, partant, du pouvoir politique ;
Que ce résultat ne peut être atteint exclusivement que par l’établissement de la dictature du prolétariat et du régime communiste ;
Que dans leur lutte pour la conservation de la dictature bourgeoise, toutes les couches capitalistes dominantes ont atteint déjà un degré considérable de concertation et d’unification de leurs organisations nationales et internationales, aussi bien politiques qu’économiques, que l’action offensive du prolétariat rencontre une force unie de la bourgeoisie ;
Que la logique de la lutte de classes actuelle exige l’unification la plus complète des forces du prolétariat et de sa lutte révolutionnaire et détermine ainsi la nécessité d’un contact étroit et d’une liaison organique entre les diverses formes du mouvement. ouvrier révolutionnaire, avant tout entre l’Internationale communiste et l’Internationale syndicale Rouge des syndicats ;
Qu’il est aussi hautement désirable que tous les efforts soient dans le domaine national vers l’établissement de relations similaires entre les partis communistes et les syndicats rouges ;

Le Congrès décide :
1) Toutes les mesures doivent être prises pour le groupement le plus ferme des syndicats révolutionnaires dans une organisation de combat unifiée avec un centre dirigeant international unique ; l’Internationale Rouge des syndicats ouvriers ;
2) Des liens aussi étroits que possible doivent être établis avec la IIIè Internationale communiste, avant-garde du mouvement ouvrier révolutionnaire dans le monde entier, basés sur la représentation réciproque au sein des organismes exécutifs, de délibérations communistes, etc. ;
3) Cette liaison doit avoir un caractère organique et technique ; elle devrait se manifester dans la préparation conjointe et la réalisation des actes révolutionnaires sur une échelle nationale aussi bien, qu’internationale ;
4) Le Congrès affirme la nécessité de tendre à l’unité des organisations syndicales révolutionnaires et à l’établissement d’une liaison réelle et étroite entre les syndicats ouvriers rouges et le parti communiste dans l’application des directives des deux Congrès. »
Le vote de cette résolution fut le point de départ de la scission des forces syndicales centralistes et fédéralistes. Marx et Bakounine étaient à nouveau face à face. Ils le sont encore et n’ont pas fini de l’être.
Le Congrès fixa, selon son esprit bien entendu, les tâches tactiques des syndicats. Il se prononça sur la neutralité, l’indépendance des syndicats du socialisme, sur la politique de la Fédération syndicale d’Amsterdam, sur les méthodes de lutte, le programme d’action de l’I.S.R. Il examina également le contrôle ouvrier, les Comités d’usines et de fabriques et détermina l’organisation dans les différents pays.
Enfin, il vota les statuts de l’I.S.R. dont le fameux article 11, ci-dessous indiqué, souleva tant de controverses :
« Pour établir des liens solides entre l’I.S.R et la IIIe Internationale communiste, le Conseil Central :
1) Envoie au Comité Exécutif de la III Internationale trois représentants avec voix délibérative ;
2) Organise des séances communes avec le Comité Exécutif de la IIIe Internationale, pour la discussion des questions les plus importantes du mouvement ouvrier international et pour l’organisation d’actions communes ;
3) Quand la situation l’exige, il lance des proclamations d’accord avec l’Internationale communiste. »
Cet article n’est, en somme, que la “codification” de l’esprit qui se dégage de la résolution Rosmer-Tom Mann qu’il exprime très clairement.
Les fédéralistes, à l’encontre de tant d’autres discutailleurs, se dressèrent contre l’ensemble des statuts. C’était logique. Leur opposition était donc totale. Elle le resta.
Le IIe Congrès, qui se tint également à Moscou, ne fit que renforcer la juste opposition à l’esprit de subordination de l’Internationale communiste sur les syndicats réduits au rôle passif d’agents d’exécution des ordres reçus par le canal des partis communistes dans chaque pays.
En effet, en dépit de la résolution votée à Saint-Étienne et présentée par le Bureau de la C.G.T.U., qui sauvegardait l’autonomie du syndicalisme, le 2e Congrès de l’I.S.R. vota, avant l’adhésion de la C.G.T.U., une résolution présentée par le camarade Dogadov, secrétaire de la C.G.T. russe, et ainsi conçue
Considérant :
1°) Que l’I.S.R. a pour tâche de grouper tous les ouvriers révolutionnaires dans le but d’une lutte commune contre le capital et pour l’instauration de la dictature prolétarienne
2°) Que ce but ne peut être atteint que si tous les lutteurs de la révolution sociale sont, profondément pénétrés de l’esprit communiste,
3°) Que la victoire même du communisme n’est possible que sur le plan international, ce qui suppose une liaison intime et une coordination d’action entre l’I.C. et l’I.R.S.
4°) Qu’il y a, parmi les ouvriers, des groupes à tendance syndicaliste révolutionnaire qui veulent sincèrement établir un front unique avec les communistes, tout en croyant que la représentation réciproque entre l’I.C. et l’I.S.R. établie par le Congrès de l’I.S.R. ne correspond pas aux traditions du mouvement de leur pays ;
5°) Que la C.G.T.U. française, qui représente ce point de vue, se prononce énergiquement pour la collaboration de l’I.C. et de l’I.S.R. et pour les mouvements communs dans toutes les actions offensives et défensives contre le capital ;
Les délégations des syndicats de Russie, d’Allemagne, d’Italie, de Bulgarie, de Pologne et d’Espagne, tout en se plaçant au point de vue de la nécessité absolue de donner le rôle directeur au Parti communiste dans chaque pays et à l’I.C. sur le plan international, proposent néanmoins, de tendre la main aux ouvriers révolutionnaires français et d’adopter les propositions de la C.G.T.U.
Cette résolution, qui est bien, en fait, la consécration de la subordination du mouvement économique à l’Internationale communiste, confirme purement et simplement la motion Rosmer-Tom Mann, votée par le premier Congrès. Les soidisant concessions qu’elle fait, dans le texte, à l’esprit syndicaliste révolutionnaire sont, en réalité, inexistantes.
Le vote de cette résolution aboutit, en France, à une deuxième scission et à la constitution d’une IIIe C.G.T., la C.G.T.S.R., qui a repris toute la doctrine du syndicalisme révolutionnaire, qui était celle de la C.G.T. d’avant-guerre.
Le IIIe Congrès, qui se tint à Moscou, s’occupa surtout de la question du front unique et de celle de l’Unité.
Les thèses - toutes tactiques - édifiées au cours de ce Congrès ne reçurent jamais aucun commencement d’application. Il s’agissait, pour l’I.S.R., de bluffer et de faire croire aux ouvriers que Moscou désirait l’unité et que cette unité ne se réalisait pas parce que les autres Internationales ne le voulaient pas.
Peu après ce Congrès, qui mit au monde le fameux Comité anglo-russe qui devait amener les Trade-Unions dans le giron de l’I.S.R., la liquidation de l’I.S.R. et la rentrée des syndicats rouges à la F.S.I. d’Amsterdam fut envisagée.
Cette façon de voir était d’ailleurs partagée par une partie du Bureau politique de l’I.C. et, en particulier, par Tomsky, président de la C.G.T. russe et membre du Bureau politique de l’I.C.
Des efforts furent tentés, en France, par la C.G.T.U., et en Bulgarie par les syndicats autonomes sympathisants de l’I.S.R.
Toutes ces tentatives de conquêtes du dedans furent déjouées par les dirigeants d’Amsterdam.
Le IVe Congrès, qui eut lieu encore à Moscou, en 1928, se convainquit rapidement de la stérilité des efforts dans cette direction. L’intérêt diplomatique du gouvernement russe n’exigeant pas, pour le moment, le sacrifice de l’I.S.R., le 4e Congrès changea brusquement de direction.
Alors que le IIIe Congrès déclarait qu’il fallait 90 % de l’activité à la réalisation de l’unité, le IVe Congrès recommande, lui, de renforcer les Centrales existantes et d’en créer au besoin de nouvelles.
En réalité, alors que le IIIe Congrès avait pour plate-forme essentielle l’unité, le IVe Congrès a choisi, pour principale plateforme, l’aggravation de la scission.
A l’heure où j’écris ces lignes, nous en sommes là. Il est, toutefois, vraisemblable que la rentrée définitive dans le concert des nations de la Russie soviétique et son admission à la Société des Nations auront pour conséquence la fusion de la F.S.I. d’Amsterdam et de l’I.S.R. de Moscou. Quand et comment s’opérera cette jonction ? Nul ne le sait.
Tel est, à ce jour, le processus de la vie de l’Internationale russe qui ne compte, à l’exception des Centrales russe et française, que des fractions de mouvements.
Filiale et chose de l’I.C., elle est dirigée par un homme de paille qui n’agit que par ordre de l’Exécutif communiste.
Alors qu’elle eût pu grouper toutes les forces syndicalistes révolutionnaires du monde et faire figure, en face de la F.S.I. d’Amsterdam, elle ne fut qu’un organisme de division dont il faut souhaiter au plus tôt la disparition.
L’Association Internationale des Travailleurs
Cette Internationale, qui est la continuation, sur le plan syndical, de la Ie Internationale, appelée elle aussi A.I.T., a été fondée en décembre 1922, à Berlin.
Je ne reviendrai, ni sur les deux Conférences préparatoires de 1921 et 1922, ni sur le Congrès constitutif, ni sur la Conférence d’Insbruck (1923) et lé Congrès d’Amsterdam (1925).
Toutes ces manifestations de la IIe A.I.T. ont été exposées par le Secrétaire général, A. Souchy, lorsqu’il a fait son étude sur l’A.I.T. (Voir Association Internationale des Travailleurs ).
Il ne me reste donc qu’à relater le Congrès qui s’est tenu à Liège en juillet 1918, et qui est le troisième de l’actuelle A.I.T.
Il consacra ses travaux aux questions suivantes : Rationalisation, chômage et 6 heures, la guerre et le militarisme, la création d’un fonds de secours international, l’attitude de l’A.I.T. dans les luttes syndicales actuelles.
Il condensa son point de vue sur toutes ces questions dans les résolutions ci-après, dont l’intérêt n’échappera à personne.
Résolution sur la Rationalisation
Le Congrès considère la rationalisation actuelle de l’économie capitaliste comme un résultat direct d’une nouvelle phase de développement du système capitaliste trouvant son expression dans la disparition du vieux capitalisme privé et son remplacement par le capitalisme collectif moderne. Cette nouvelle phase signifie pratiquement la disparition de la libre concurrence et l’instauration de la dictature économique, laquelle, par l’exclusion de toute concurrence économique, travaille consciemment à l’exploitation du monde d’après un système unique.
La rationalisation n’est qu’une conséquence de cette transformation nouvelle du monde capitaliste et ne personnifie dans ses méthodes que la concurrence brutale de la machine de chair et sang et de celle de fer et d’acier, dont les résultats profitent uniquement au patronat. Pour les producteurs, par contre, cette nouvelle méthode signifie l’ensevelissement de leur santé physique et intellectuelle et la soumission sans d’esclavage industriel les contraignant à un état de chômage continuel et à un abaissement continu des conditions de vie.
Le congrès, loin de voir dans cette nouvelle transformation de l’économie capitaliste une condition pour la réalisation du socialisme, voit dans les nouvelles méthodes une forme plus parfaite de l’exploitation des vastes masses de producteurs et des consommateurs, formes qui, dans le meilleur des cas, peuvent être considérées, comme les prémices d’un capitalisme d’État Futur, mais jamais comme les préparatifs nécessaires à l’avènement du socialisme. Le Congrès est d’avis que, le chemin vers le socialisme n’est pas déterminé par une ascension continuelle de la capacité de production, mais, en première ligne, mais d’abord, par une claire connaissance de l’état social et Ia ferme volonté d’activité socialiste constructive, trouvant leur expression dans les aspirations à la liberté et à Ia justice sociale. Le socialisme n’est pas seulement un problème économique, mais aussi un problème psychologique et culturel et en ce sens, aspire à lier spirituellement les individus à son œuvre, en ce qu’il s’efforce de présenter le travail d’une façon complexe et attractive, une aspiration qui ne sera jamais conciliable avec la rationalisation moderne. Non pas la centralisation des industries d’après les principes soi disant spéciaux de l’économie des différents peuples, mais décentralisation de l’ensemble de notre système de production, comme il l’est de plus en plus exigé par le développement de la technique moderne ; non pas par une spécialisation de toutes les branches de la production poussées au paroxysme, mais unité du travail, union de l’agriculture et de l’industrie et une éducation complexe des individus pour le développement de leurs facultés intellectuelles et manuelles. Le Congrès est d’avis que le nouveau développement du capitalisme, qui trouve son expression dans la formation des trusts et cartels nationaux et internationaux gigantesques, rend de plus en plus inoffensives les vieilles méthodes de la classe ouvrière, et que ce nouveau développement ne peut être envisagé qu’avec la formation d’organisations économiques révolutionnaires internationales qui viennent tout d’abord en question pour la défense des revendications des travailleurs au sein du système actuel et aussi pour la réalisation et la réorganisation pratique de la société dans l’esprit du socialisme. Ce n’est qu’inspiré par l’esprit du socialisme international que le mouvement ouvrier, que les travailleurs seront à même de préparer leur libération économique, poIitique et sociale, et de la réaliser pratiquement. Le Congrès est d’avis que le socialisme libertaire est l’unique moyen de protéger l’humanité contre la chute d’un nouveau servage industriel et que ce grand but final doit être la base de toutes les Iuttes quotidiennes pratiques qui nous incombent par Ia misère de l’heure. Le Congrès voit dans la diminution de Ia journée de travail un des moyens les plus importants pour enrayer le chômage en masse, rendu chronique par le nouveau système, et ce de façon que toute augmentation de la production corresponde à une diminution de la journée de travail. Le Congrès est d’avis que ce but ne peut être atteint que si les organisations économiques des ouvriers se décident à reconnaître à chaque travailleur le droit à la vie ; conséquemment l’exercice, d’une activité productive, et ce, de façon que, dans chaque arrêt de I’économie au sein du système actuel, il ne reste pas une partie des travailleurs dans les usines, alors que l’autre est jetée à la rue, comme ce fut le cas jusqu’à présent, mais que, par une diminution du temps de travail appropriée, tous les ouvriers continuent d’être employés. Avec une telle méthode, l’organisation recevrait pour les travailleurs une toute autre importance en tant que classe, et leurs sentiments de solidarité seraient renforcés d’une façon tout à fait insoupçonnée Le Congrès appelle tous les membres de l’A.I.T. à mener la propagande de ces idées parmi les masses et de contribuer ainsi à la réalisation prochaine du socialisme libertaire, et de mettre la lutte pour la journée de six heures en tête de ses actions immédiates.
Résolution sur les six heures
Le Congrès constatant que les crises du chômage revêtent de plus en plus un caractère aigu et chronique, que le prolétariat est victime de ces crises dans tous les pays du Monde ; Déclare que les causes de chômage réside 1) Dans le développement du machinisme 2) Dans l’accroissement continuel du nombre des travailleurs, accroissement constitué par l’emploi de plus en plus grand de la main d’œuvre féminine et par la venue au travail industriel d’éléments qui, jusqu’alors, étaient employés aux travaux de la terre ; 3) Dans l’introduction de nouvelles méthodes de production dans l’industrie , méthodes qui ont pour effet d’augmenter considérablement la vitesse de production ; 4) Dans les bas salaires qui ne permettent pas aux salariés d’avoir un pouvoir d’achat suffisant à absorber la production. Le Congrès constate que le perfectionnement et le développement du machinisme, qui auraient dû apporter un soulagement à la peine des travailleurs, n’ont, jusqu’à présent, servi que les intérêts des capitalistes ; tout en s’affirmant partisans convaincus du progrès sous toutes ses formes, le Congrès déclare qu’en aucun cas, il ne peut avoir pour rançon un renforcement de l’exploitation humaine. En ce qui concerne les nouvelles méthodes de production, connues sous le nom de rationalisation, le Congrès , après avoir sérieusement étudié la question, dénonce cette forme de travail comme portant atteinte à la dignité humaine et comme étant un facteur considérable de chômage. Le Congrès dénonce par-dessus tout la volonté du capitalisme de créer, dans tous les pays, une armée de chômeurs, constituant un réservoir de main d’œuvre qu’il opposera aux travailleurs lorsque ceux-ci voudront entreprendre une lutte revendicative quelconque. Le chômage aurait ainsi pour effet de diviser la classe ouvrière, de diminuer d’autant sa combativité, de l’amener à délaisser les organisations révolutionnaires et de l’orienter de plus en plus vers les politiciens. L’association internationale des Travailleurs, poursuivant un but diamétralement opposé, désire avant tout que chaque bras soit employé et que les travailleurs aient constamment plus de bien-être et de liberté et qu’ils prennent de en plus conscience de la nécessité de la lutte pour leur émancipation totale. Le congrès préconise de façon pressante, et pour porter remède à la douloureuse situation du prolétariat mondial, la diminution des heures de travail, concrétisée par l’application de la journée de six heures. En conséquence, Les organisations centrales nationales, réunies en Congrès international s’engagent à mener dans leurs pays respectifs une lutte intense en faveur de la journée de six heures et pour la suppression du travail aux pièces, à la tâche ou à la prime. Cette lutte devra être entreprise sans délai, la revendication des six heures devant passer au premier plan des revendications immédiates de toutes les Centrales adhérentes. Elle devra absorber une grosse partie de l’activité des organisations syndicales à tous les échelons.
Chaque organisation devra étudier sérieusement le problème, de façon à ce que les méthodes de propagande et d’action soient déterminées localement, nationalement et internationalement. Le Congrès préconise l’entreprise d’une quinzaine de propagande mondiale en faveur de la journée de six heures, quinzaine pendant laquelle les organisations devront consacrer la totalité de leur activité à faire connaître cette revendication et à la faire adopter par le prolétariat mondial.
Pour que tous les efforts soient bien coordonnés et portent le maximum de fruits, les organisations nationales devront adresser un rapport sur la situation de leurs pays et leurs possibilités de propagande au Secrétariat de l’A.I.T. et, lorsque celui-ci sera en possession de toute la documentation nécessaire, il indiquera la date où la quinzaine de propagande pourra être entreprise.
En préconisant la journée de six heures et en affirmant que le triomphe de cette revendication apportera plus de mieux-être aux travailleurs et placera le prolétariat mondial dans une situation plus favorable vis-à-vis du capitalisme international, le Congrès reste dans la tradition syndicaliste révolutionnaire. Il dénonce par avance à l’opinion des travailleurs du monde, les individualités ou groupements qui, sous quelque prétexte que ce soit, consciemment ou inconsciemment, s’opposeraient en principe au triomphe de la revendication des six heures, car leur opposition ne pourrait que servir le capitalisme et être néfaste au prolétariat.
Le Congrès fait un appel pressant à tous les travailleurs du monde pour qu’ils apportent leurs efforts et leur collaboration active a la lutte qu’entreprend l’Association Internationale des Travailleurs, seule Internationale syndicale poursuivant librement son action d’émancipation totale ; l’instauration de la journée de six heures estunequestiondevieoudemortpourleprolétariat.Groupé dans les organisations adhérentes à l’A.I.T., il prouvera au capitalisme sa volonté de vivre dignement et son désir ardent de liberté.
Vivent les six heures ! Vive l’A.I.T. !

Aucun commentaire: