Dans son
sens propre et étymologique, intermédiaire signifie : qui est entre
deux, qui tient le milieu. Exemple : espace intermédiaire ; corps
intermédiaire. « Il y a des idées dont la liaison ne peut être
connue que par le secours d'un certain nombre d'idées intermédiaires
» (D'Alembert). Les terrains intermédiaires sont les terrains qui
sont situés entre les roches des époques primitives et les couches
de formation récente. Le mot « intermédiaire » s'applique aussi
aux personnes et aux collectivités humaines et dans ce cas il
signifie : entremise, voie, canal, personne interposée. Exemple : «
j'ai reçu votre lettre par l'intermédiaire de notre ami X ». La
caste ecclésiastique se flatte d'établir des rapports, d'assurer
les relations entre Dieu et ses créatures. « Il faut être bien
infaillible ou bien hardi pour se prétendre intermédiaire entre
Dieu et l'homme » (Timoléon de Brissac). « La noblesse est un
intermédiaire entre le roi et le peuple comme le chien de chasse est
un intermédiaire entre le chasseur et les lièvres » (Chamfort). Le
commerce sert d'intermédiaire entre la production et la
consommation, et tous ceux qui basent leurs moyens d'existence sur
l'achat et la vente d'un produit, d'une marchandise, d'une valeur
quelconque sont des personnes interposées et par conséquent des
intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs. Sous
régime capitaliste, ainsi que sous tout régime basé sur le profit
ou bénéfice, le nombre des intermédiaires est considérable. De
l'acheteur en gros qui rafle sur le marché la totalité des
produits, la race pullulante des intermédiaires, passant par
l'acheteur de demi-gros, s'étend à l’acheteur au détail, et il
n'est pas rare que, lorsqu'il est vendu, par le détaillant, au
consommateur, le prix du produit ait doublé et même triplé. Tout
un monde vit sur ce scandaleux trafic (Voir Commerce). L'écart est
toujours sensible, souvent fort élevé, parfois inavouable tant il
est révoltant, entre le coût du produit à la source même : la
production, et le prix qu'il atteint à l'embouchure : la
consommation. Plus grand est le nombre de mains par lesquelles passe
la marchandise et plus considérable est cet écart, chaque main
s'efforçant à prélever sur le produit en circulation un bénéfice
aussi élevé que possible. Longtemps, les économistes de l'Ecole de
Manchester - dite Ecole libérale - ont déclaré que la libre
concurrence a pour objet et doit avoir nécessairement pour résultat
de freiner cette sorte de curée au gain, en opposant une barrière
aux désirs de gain immodéré des intermédiaires : vendeurs en
gros, demi-gros et détail. A l'origine, il en fut ainsi dans une
assez large mesure, bien que, de tout temps, les négociants
disposant de gros capitaux, pouvant passer des marchés avantageux et
ayant un caractère périodique portant sur un laps de temps
considérable, bénéficiant d'un long crédit, aient été en mesure
(et ils ne se faisaient pas scrupule d'en profiter), de faire la loi,
d'influencer le cours des marchandises et de vicier à leur gré la
loi de l'offre et de la demande. Mais, de nos jours, la libre
concurrence a perdu sa force régulatrice ; elle a cessé d'assigner
aux bénéfices exagérés une limite considérée comme « honnête
» et raisonnable. Les grandes maisons de commerce en gros ont créé
des firmes importantes ; ces firmes ont renoncé à se faire
concurrence entre elles ; elles ont trouvé plus avantageux de
s'entendre. Celles-ci, s'associant, se sont groupées avec d'autres ;
celles-là, se concertant, se sont liguées avec les entreprises
rivales, tout en gardant la gestion respective de leurs intérêts.
Toutes ont, ainsi, constitué de vastes consortiums. Par la force de
leurs capitaux, ces consortiums ont monopolisé en fait les produits
: blé, sucre, café, fer, houille, papier, caoutchouc, pétrole,
acier, etc. Par la puissance de leur organisation bancaire, par
l'étendue de leurs relations internationales, par la multiplicité
de leurs filiales, succursales et comptoirs, ils sont parvenus à
dominer le marché mondial et, devenu forcément tributaire de ces
colossales entreprises, le trafic ne se ressent plus des effets tant
prônés de la concurrence. Il serait puéril d’escompter
l'intervention de la loi, pour supprimer, voire enrayer un tel état
de choses. D'une part, il est inhérent au développement du régime
capitaliste marchant vers son apogée ; il est en rapport direct de
ce développement et, pour l'empêcher, il faudrait briser les
rouages mêmes du Capitalisme. D'autre part, la loi n'est et ne peut
être que l'expression juridique de la puissance capitaliste ; les
gouvernants et les parlementaires ne sont et ne peuvent être que des
fondés de pouvoir ayant pour mission de veiller à la sauvegarde des
intérêts de la finance cosmopolite et au maintien de ses
privilèges. Enfin, la loi elle-même n'a pour but que d'exprimer la
volonté des maîtres et de justifier, par des textes ad hoc, les
déprédations, confiscations et vols dont les forces d'argent se
rendent coupables, au détriment de la multitude de toutes langues et
de toutes couleurs. Seule, une révolution expropriant brutalement et
sans indemnité la classe capitaliste et procédant à un état de
choses entièrement nouveau, supprimera l'innombrable horde des
intermédiaires. Toutefois, il existe, d'ores et déjà, un moyen de
contrecarrer peu ou prou les agissements des intermédiaires. Ce
moyen, c'est le coopératisme de production et de consommation.
Diminuer le nombre des intermédiaires qui, sans participer à la
production des marchandises, sans ajouter à la valeur de celle-ci
une plus-value quelconque, vivent et s'enrichissent de la série
d'opérations : achats et ventes dont ils sont les bénéficiaires,
établir entre producteurs et consommateurs une sorte de ligne droite
assurant la circulation directe des marchandises de producteurs à
consommateurs, telle est 1a pensée qui a présidé à la formation
des sociétés coopératives. Dans les pays, comme l'Angleterre, la
Belgique et la Russie, la coopération est parvenue à une grande
extension, le nombre des intermédiaires a proportionnellement
diminué.
L'instauration
d'une société libertaire supprimera automatiquement ces
intermédiaires qui, bien que travaillant parfois autant et même
plus que les producteurs, forment actuellement un organisme
parasitaire. Reportant, alors, leur activité sur le travail créateur
de richesses, cette foule d'intermédiaires allègera la tâche
quotidienne des ouvriers et paysans avec lesquels ils se confondront.
- Sébastien
FAURE.
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