dimanche 19 janvier 2020

La guerre et le militarisme encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure



Le militarisme est le système de la violence étatiste monopolisée pour la défense et l’élargissement du domaine d’exploitation nationale (guerre de défense ou d’agression), pour la soumission de nouveaux domaines d’exploitation (guerre coloniale) et pour la répression des masses populaires révoltées (grèves, agitation, émeutes).
Dans tous les cas, il s’agit de la protection et de l’augmentation des profits des classes dominantes, c’est-à-dire de la classe ennemie du prolétariat
Le militarisme est le dernier et le plus puissant moyen de la bourgeoisie pour tenir la classe ouvrière sous sa dépendance et réprimer ses luttes pour la liberté.
Partout où, dans des luttes nationales ou de libération, un nouveau militarisme se forme (Russie, Chine), celui-ci se tourne toujours de nouveau contre les travailleurs eux-mêmes, parce que, d’après sa nature même, il n’est qu’un instrument de répression des masses dans l’intérêt d’une classe de privilégiés et doit être l’ennemi de toute liberté.
C’est donc la tâche primordiale de la classe ouvrière de combattre non seulement le militarisme capitaliste actuel, mais de supprimer le militarisme comme tel. Les meilleurs moyens de combattre le militarisme seront ceux qui sont le plus conformes à l’esprit antimilitariste.
Il s’agit tout d’abord de désagréger l’esprit du militarisme, de la discipline et de la soumission, par une propagande active, d’éduquer les soldats et de saper les bases des armées afin qu’elles perdent leur efficacité contre les travailleurs. Les armées de volontaires, les armées blanches, les armées fascistes, etc., doivent être boycottées déjà en temps de paix.
Les militaires se composant en majorité d’ouvriers, et, dans l’état actuel de la technique moderne de guerre, les armées étant absolument dépendantes de l’industrie de guerre, il est au pouvoir des travailleurs de paralyser toute action militariste par le refus de servir, grèves, sabotage et boycott, même si ces actions militaires sont entreprises par des troupes blanches.

La meilleure préparation d’une telle action de masses consiste déjà actuellement dans le refus individuel de servir et dans le refus du prolétariat organisé de fabriquer des armements.
Il s’agit avant tout d’empêcher l’éclatement d’une nouvelle guerre et, pour cela, de supprimer les principales causes de la guerre et du militarisme par une transformation économique de notre ordre social actuel (révolution sociale).
Le Congrès appelle donc toutes les organisations adhérentes de l’A.I.T.
1) A propager le refus de fabriquer des matériaux de guerre d’une façon pratique, et ce dès maintenant ;
2) A convaincre les ouvriers des usines de guerre et d’entreprises pouvant être transformées en telles, qu’il est du devoir de la classe ouvrière de déclarer la grève à une menace de guerre, de s’emparer du matériel de guerre et de toutes les matières pouvant servir à en fabriquer ; de mettre les usines hors d’état de servir au capitalisme.
3) Les organisations adhérentes devront former, partout où cela sera possible, des Comités de grève générale qui auront pour tâche d’étudier les moyens de s’emparer des usines de les défendre et de les détruire au cas où elles seraient susceptibles de retomber aux mains du capitalisme. Ils devront également étudier les moyens de s’emparer des points vitaux de l’organisation nationale : nœuds et voies de chemins de fer, mines, centrales électriques, postes et télégraphes, points de distribution d’eau, corps de santé et produits pharmaceutiques ; ils devront s’emparer d’otages pris dans le monde de la bourgeoisie, de la politique, du clergé et de la banque.
En un mot, ils devront tout mettre en œuvre pour transformer la grève générale insurrectionnelle en révolution triomphante.
Création d’un fonds international de solidarité
La solidarité est, nationalement aussi bien qu’internationalement, un des moyens les plus efficaces et les plus reconnus par le prolétariat révolutionnaire. Dans tous les pays règne aujourd’hui une pression matérielle et économique terrible sur les grandes masses de travailleurs, pression qui devient plus féroce encore sur la vie politique également dans les pays de dictature. Si le prolétariat international veut traverser sans trop de pertes la crise qui sévit actuellement et qui empêche le renforcement du mouvement progressif ; s’il veut garder intacte, tout au moins dans leurs formes lès plus primitives, ses organisations de combat, il est indispensable que le lien qui unit le prolétariat de tous les pays soit internationalement noué et que l’appui mutuel soit largement réalisé.
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La nécessité d’un tel lien international est d’autant plus frappante qu’il existe, dans la plupart des pays, des fonds de secours ou des organisations de solidarité ou d’entraide et que, de tous côtés, le désir est exprimé de voir toutes ces organisations unis internationalement.
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L’idée d’une Union Internationale de Solidarité doit servir à vivifier et à renforcer la solidarité internationale. L’initiative solidaire sur les lieux sera renforcée par le lien international. Aucune atteinte à l’indépendance totale ne doit être tentée ; la collaboration internationale donnera, au contraire, la possibilité d’une activité plus énergique dans tous les pays, de façon à pouvoir, dans les cas d’extrême urgence, apporter l’aide immédiate à ceux qui ont en besoin.
Règlement de l’Union Internationale de Solidarité
1) Le IIIe Congrès de l’A. I. T. considère désirable et nécessaire la collaboration, au sein de l’A. I. T. des fonds de solidarité déjà existants, ainsi que des Comités ou organisations similaires d’entraide révolutionnaire. Dans les pays où il n’existe pas encore de Comités d’entraide ou de secours aux emprisonnés au sein du prolétariat révolutionnaire organisé, il est du devoir de la Centrale syndicale révolutionnaire d’en créer une. A cet effet, le Congrès propose le mode suivant :
2) Partout où il n’existe pas encore de tel organisme, mais où existent des possibilités dans cette direction, des Comités ou Groupes se créent avec le but d’aidée matériellement et moralement les victimes de la lutte de classes. Cette aide peut, suivant les cas, prendre la forme d’aide juridique, pécuniaire autre que la situation peut exiger ;
  1. Les groupes ainsi formés ou déjà existants seront complètement autonomes, c’est-à-dire qu’ils auront le droit de s’administrer eux-mêmes et de déterminer de quelle façon ils doivent recueillir les sommes destinées à la solidarité. IIs s’engagent seulement à verser une cotisation régulière à l’Union Internationale de Solidarité ;
  2. 4) Cette cotisation sera fixée au prorata des membres et après entente entre le Bureau de l’Union Internationale de Solidarité et l’organisation intéressée ;
5) Dans des cas spéciaux les Unions nationales, aussi bien que l’Union Internationale, peuvent lancer des appels pour des- fonds spécifiques. Les secours seront répartis par le Bureau de l’U.I.S. qui rendra compte de son activité aux Unions nationales de solidarité. Ces Unions deviennent par le fait même, section de l’A.I.T. ;
6) L’Union Internationale de Solidarité doit immédiatement transmettre les sommes reçues par elle à titre de solidarité internationale
7) Les Unions présentent leur rapport trimestriel à l’A. I. T. Ces rapports sont publiés par les soins de cette dernière ;
8) Des rapports immédiats doivent être présentés quand il s’agit d’événements de grande importance, de procès et tentatives réactionnaires. Des rapports fréquents doivent être envoyés dans les cas où les événements sont de longue haleine ;
9) La solidarité internationale est effectuée : a) Dans tous les cas où cette solidarité n’est pas effectuée par l’organisation du pays ; b) Dans les cas d’arrestations et de persécutions en masse ; c) Aux emprisonnés déportés, et à leurs familles, dans les pays où règne la dictature (Italie, Russie, Chili, Cuba, etc.) ; d) Aux émigrés politiques à l’étranger e) Aux familles et enfants de ceux qui sont devenus les victimes de la lutte de classes ;
10) L’Union Internationale de Solidarité publie tous les six mois- un rapport sur son activité.
Résolution sur l’attitude de l’A. I. T. dans les luttes syndicales actuelles
Considérant que les puissances dominantes et le capitalisme accaparent toutes les conquêtes faites dans le domaine économique, technique et scientifique pour asseoir et développer plus fortement leur domination sur la classe opprimée ;
Que le capitalisme, par sa facilité d’adaptation, a réussi à travers les grands troubles politiques qui suivirent la guerre mondiale ou les crises économiques qui furent les suites de l’inflation dans beaucoup de pays, ou encore par la rationalisation dans presque tous les pays, non seulement à s’affirmer, mais aussi à se consolider ;
Que le patronat défend ses positions, non seulement dans les limites de soi-disant patries, mais tente aussi par des trusts et cartels internationaux, d’instituer l’exploitation du prolétariat et de lui donner un caractère fort et permanent ;

Que, par contre, le mouvement ouvrier, sous la conduite des partis politiques et des organisations réformistes fidèles à l’État et pactisant avec lui, n’a aucunement su utiliser la situation favorable qui s’est offerte dans les différents pays durant ces dernières années pour la conquête du pouvoir économique, ou même seulement pour l’amélioration de la situation économique et politique de la classe ouvrière ;
Le Congrès tient pour absolument nécessaire que le mouvement ouvrier ne soit pas non plus si dogmatique, mais s’avance parallèlement au développement du progrès et mette ses méthodes de lutte en accord avec les exigences du moment, c’est-à-dire qu’il doit être souple et avoir des facultés, des capacités de transformation et d’adaptation où il ne faut pas oublier les aspirations de liberté et de dignité humaines pour le prolétariat, ni de prendre égard au fédéralisme et à l’autonomie de ses organisations, contribuant à la réaliser.
Le Congrès attire l’attention de tous les pays sur la poIitique des réformistes et de l’aile étatiste du mouvement ouvrier, par lesquelles le prolétariat est détourné vers la soi-disant État socialiste par la voie des lois sociales, politique aboutissant à cacher complètement les buts de l’émancipation totale de la classe ouvrière, à enchaîner d’une façon durable le prolétariat aux formes d’économie de profits de l’État capitaliste et les éloignant de plus en plus de la révolution sociale.
Cette législation de lois sociales ne se borne pas à un pays, mais s’étend de plus en plus à tous les pays et trouve sa confirmation et son renforcement dans l’activité du Bureau International du Travail de Genève. Les quelques améliorations préconisées par les décisions du B.I.T. et leur confirmation par des mesures gouvernementales pour certaines catégories d’ouvriers ne sont pas comparables aux dommages à réparer qui furent causés moralement au sein du prolétariat et l’étouffement de l’esprit révolutionnaire, qui était l’héritage le plus précieux des révolutions passées et appartient aux richesses les plus sacrées de la classe opprimée. Si louables que soient les aspirations d’obtenir un relèvement égal de la situation de la classe ouvrière dans tous les pays, comme par exemple l’instauration de l’unification de la durée de la journée de travail ou l’unification des salaires pour le prolétariat mondial, aspirations approuvées et soutenues par l’A.I.T., on ne doit pas, d’autre part, manquer de faire remarquer que l’atteinte de ces buts par la voie de lois sociales nationales et internationales est la dernière à employer pour y parvenir, car cette législation ne peut être que le refuge d’un mouvement ouvrier affaibli ou spirituellement dévoyé, les puissances dominantes ne se soumettant qu’à l’expression de puissance obtenue par les actions de la classe ouvrière elle-même et non par des pétitions de chefs, comme cela fut clairement démontré par l’attitude du gouvernement anglais contre la ratification du traité de Washington sur la journée de huit heures au B.I.T. C’est pourquoi on doit appuyer sur le fait que les plus petites améliorations sanctionnées par le traité de Washington ou la formation du B.I.T., ne sont dues qu’à une époque révolutionnaire, au cours de laquelle les puissances dominantes, par crainte d’actions révolutionnaires, accordèrent aux masses quelques concessions insignifiantes afin de les calmer et de diminuer leur force d’attaque. - Le troisième Congrès de l’A. I. T. recommande donc à la classe ouvrière de se détourner de la voie d’entente avec les puissances capitalistes et étatistes, et, en accord :avec cette méthode, d’œuvrer au rappel de leurs représentants de toutes les institutions étatistes ou législatives, comme les Comités de fixation des tarifs, les Commissions étatistes d’arbitrage, les Bureaux nationaux et internationaux du Travail.
Dans sa condamnation de la collaboration du mouvement ouvrier avec les classes dominantes, le Congrès ne veut pas manquer d’attirer l’attention sur les aspirations du mouvement syndical réformiste aboutissant à pénétrer aussi dans les trusts et cartels internationaux créés ces derniers temps par l’envoi de délégués. En dehors de ce que le capitalisme international rejette à l’heure actuelle une telle prétention, celle-ci est à rejeter en tout cas du point de vue du mouvement ouvrier révolutionnaire, car elle il n’est propre qu’à activer le fusionnement du mouvement ouvrier avec le capitalisme. Loin d’exercer de cette façon un contrôle efficace sur le fonctionnement de l’économie capitaliste, comme on l’a pu constater avec les Conseils d’usines, une telle représentation serait le dernier coup pour l’idéal du mouvement ouvrier socialiste libertaire, en ce que cela lui enlèverait tous ses propres buts. La lutte contre les trusts et cartels internationaux ne peut être menée que par des voies révolutionnaires, par exemple des grèves et boycotts internationaux sur la plus grande échelle possible, des actions qui, comme le prouve par exemple la défaite des mineurs anglais, doivent être à l’avenir internationales, que ce soit par des déclarations de grèves internationales d’une industrie par tous les travailleurs de cette industrie dans tous les pays ou par des actions de boycotts internationaux
Le mouvement ouvrier révolutionnaire ne doit en aucun cas manquer, dans le domaine d’organisation, en rassemblant des chiffres et des dates s’étendant sur tous les domaines de la vie économique et la situation des travailleurs dans le processus de la production et de la consommation - tâche qui devrait être organisée dans chaque industrie par les Fédérations respectives d’industries - de se préparer pour sa grande œuvre : la prise en mains de la production et de la consommation qui, après la prise de la terre et des fabriques et moyens de production, doivent être réalisés effectivement et considérés comme les buts du mouvement ouvrier révolutionnaire.
Résolution de clôture
Ayant terminé ses travaux, le troisième Congrès de l’Association Internationale des Travailleurs adresse son salut aux Travailleurs du Monde.
Malgré les difficultés rencontrées, l’A.I.T. a maintenu haut et ferme le drapeau du syndicalisme révolutionnaire. Au cours des débats, le Congrès a pu constater que la répression frappait de plus en plus les militants des organisations de l’A.I.T. Il adresse son salut fraternel à toutes les victimes et déclare que, si cette répression l’émeut à la pensée de ceux qui tombent dans la lutte, elle le remplit cependant de fierté, car elle prouve que nous sommes restés dans la voie révolutionnaire.
Avec le souci constant d’apporter toujours plus de bien-être et de liberté aux travailleurs, le Congrès a examiné les grands problèmes économiques et sociaux et s’est efforcé de trouver une solution favorable au prolétariat.
Le Congrès attire, à nouveau et avec force l’attention des travailleurs sur la revendication de la journée de six heures, seul remède au chômage mondial et moyen de défense contre la rationalisation capitaliste.
Préoccupé avant tout de donner une impulsion et un but révolutionnaire au mouvement des masses exploitées, le Congrès a examiné largement la question antimilitariste et l’a placée sur un terrain concret et pratique.
Désireux que toutes les victimes du fascisme blanc ou rouge et de la réaction soient secourues, rapidement, le Congrès a créé l’organisme international de Solidarité, qui assurera une aide sérieuse aux camarades frappés dans l’action.
Il appartient donc maintenant aux travailleurs d’entrer résolument dans le chemin tracé par le Congrès et de mettre tout en œuvre pour que les résolutions prises entrent dans le domaine des faits.
Mais le Congrès tient à rappeler aux travailleurs que ces tâches, dont l’accomplissement est nécessaire, ne sont qu’une faible partie de celles que le prolétariat doit mener à bien.
Le prolétariat doit, en effet, se souvenir constamment que sa libération ne sera possible qu’avec la disparition de l’ordre social existant et que lorsqu’il aura conquis les moyens de production, de répartition et d’échange, il pourra alors instaurer le véritable socialisme, permettant à I’individu de s’épanouir librement.
Inspiré par les principes fondamentaux de l’A.I.T. et instruit par les événements sociaux de ces dernières années, le Congrès déclare que ce stade de liberté ne pourra être atteint que si les travailleurs poursuivent librement leur action, s’ils rejettent toute tutelle politique et repoussent la collaboration des classes, chère aux réformistes ; il leur faudra, en outre, entrer de plus en plus dans les voies pratiques tracées par l’A.I.T.
Leur action sera d’autant plus puissante qu’ils seront unis idéalement et effectivement sur la base des principes ci-dessus, c’est-à-dire dans l’Association Internationale des Travailleurs.
Le Congrès lance donc un appel vibrant aux exploités du monde et leur demande de venir se grouper dans le sein de l’’A.I.T., afin de hâter l’heure des réalisations pratiques et d’achever l’œuvre révolutionnaire libératrice.
Certain que cet appel sera entendu et que les Centrales adhérentes mettront tout en œuvre pour réaliser le programme établi, le Congrès se sépare aux cris de :
"Vive l’Association Internationale des Travailleurs ! Vive la Révolution mondiale !

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