Tout
ce qui peut donner quelque savoir de ce qu'on ignore, des
éclaircissements sur quelque objet que ce soit. Particulièrement -
et c'est la tâche des établissements de ce nom - quelque chose,
d'enseigner diverses connaissances à la jeunesse »... Un des vices
essentiels de la culture de notre époque est d'être basé sur «
l'instruction », sur la possession superficielle, de se satisfaire
dans l'emmagasinement des connaissances. Et c'est, orientée vers des
fins trompeuses, de se désintéresser de la valeur au profit de la
quantité. Pire encore : c'est de refouler les moyens qui
garantissent la persistance du goût de s'instruire et la possibilité
ultérieure du choix des matériaux à recueillir. L'enseignement,
puisqu'à cette partie de l'éducation générale se rattache plus
spécialement l'instruction (voir éducation, enfant, enseignement,
individualisme, connaissances en abondance, non de retenir celles-là
seules que désigne leur qualité. Outre les dangers que présente,
pour un cerveau en voie de formation et aux cases encore exiguës,
l'accumulation de données inutiles, mensongères et intéressées,
voire même pernicieuses, cette méthode prive du logement utile les
meilleurs aliments du savoir. L'instruction ainsi entendue a d'autres
conséquences redoutables aussi : elle fonde le savoir sur
l'acquisition passive, et l'acceptation, non sur la recherche active
et la pénétration. Apprendre lui suffit, comprendre est superflu
et, en général, dangereux. La mémoire est donc appelée à
contribution au détriment de l'intelligence. Et l'on exige d'elle un
effort absurde, excessif… L'instruction aboutit ainsi au savoir
apparent ou déformé, pire que l'ignorance, le « savoir » par la
foi et non par la science et la raison. L'école laisse après elle
un cerveau lassé, précocement surmené, moins curieux que l'inculte
sain, moins ouvert à l'enrichissement véritable. Elle fausse
d'ailleurs et paralyse les facultés intellectuelles et jusqu'à
l'évolution morale... L'aptitude permanente, pour l'individu, à
reculer les bornes de son inconnu, se trouve comme anéantie sous le
faix d'une instruction générale qui jamais ne sollicite, pour ses
réalisations, un effort personnel d'investigation et l'exercice de
l'initiative et du jugement. Erronée, abusive et purement
quantitative, l'instruction devient pour l'enfance (pour la
progéniture populaire surtout) une permanente altération et elle
fait peser sur son avenir toutes les tares de l'oppression. Croire et
retenir sont les axiomes de l'instruction générale et dans la vie
de l'homme fait, comme à l'âge scolaire, la chose lue, les propos
du maître conserveront, pour le travailleur en particulier (plus
négligé d'ailleurs, dans l'adolescence, que le bourgeois au
bien-être duquel coopèrent, par surcroît, les « vérités » de
l'instruction) un prestige d'évidence. Il restera, au long de ses
jours, incapable de redresser, par la critique, les assertions de
l'imprimé, les pantalonnades du bateleur politique. Et le livre, le
journal surtout (son unique pâture le plus souvent) deviendront le
catéchisme où se falsifie l'opinion... Les générations, façonnées
dès le jeune âge par l'instruction publique et nourries plus tard
par une presse habile et toute-puissante, continuent, presque à
l'égal des masses ignorantes d'hier, à n'être que lentement
accessibles à la conscience de leurs intérêts véritables et
capables de discerner la voie de leur libération. Dans le domaine
pratique et immédiat, l'instruction, telle qu'elle est départie aux
enfants du peuple, a eu pour résultat, entre autres, d'arracher au
milieu premier les natures plus favorisées. Abusées par un acquis
façadier, ces fausses « élites » ont vu l'instruction
incompatible non tant avec la condition qu'avec le labeur paternel.
Le vernis de « 1a primaire » ou de ses prolongements a exacerbé la
vanité des « parchemins » ouvriers et paysans. Et ils se sont
jetés, rougissant du travail des mains et de la salissante
production, dans les carrières où triomphe le larbinisme
intellectuel : la bureaucratie et le fonctionnarisme. Ces transfuges
sont d'ailleurs les serviteurs zélés d'une classe dont ils copient
les mœurs et envient les prérogatives. Et la bourgeoisie possédante
s'est ainsi assurée, par l'instruction, des recrues pour ses cadres
administratifs comme pour ses organismes de répression. Le
prétentieux chapeauté, galonné ou seulement mis en vedette par un
uniforme de laquais, détenteur considéré d'une parcelle
d'autorité, saura, contre les siens, assurer, avec toute la rigueur
attendue, la conservation d'un régime auquel il s'est passionnément
intégré... L'instruction dont nous dénonçons ici les tares et les
fins particularistes, apporte donc des éléments multiples et
précieux au dressage méthodique des collectivités. Cependant, les
déracinés ne renient pas tous leurs origines. Certains sont
réfractaires au modelé bourgeois et ne cèdent rien d'eux aux
ambitions mesquines. Triant, parmi le fatras des prêches et des
manuels, le bon grain de l’ivraie multiple, dégageant leur cerveau
d'une instruction massive et frelatée, des unités s'essorent vers
une intelligence valeureuse. Glanant, dans le savoir que les forces
régnantes ont tenté de jeter sur eux en étouffant manteau, tout ce
qui peut agrandir le domaine d'une pensée courageuse, ils mettent -
et c'est le châtiment des « instructions» obscurantistes
patiemment conquise et leur vouloir fortifié de science. A travers
l'instruction montent ainsi - malgré les perfidies et les
arrière-pensées de nos maîtres - des forces attentives à la peine
des hommes et dévouées au bien commun.
-
LANARQUE.
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