En 1888, L’idée ouvrière », publiée au Havre, applaudit aux placards révolutionnaires affichés dans la ville, quelques jours plus tôt :
« La justice ou la Mort,
Aux Travailleurs,
Vous qu’on exploite et qu’on vole
journellement ; vous qui produisez toutes les richesses sociales ;
vous qui êtes las de cette vie de misère et d’abrutissement, REVOLTEZ
VOUS !
Forçats du travail, flambe le
bagne industriel ! Etrangle le garde-chiourme ! Assomme le sergot qui
t’arrête ! Crache à la gueule du magistrat qui te condamne ! Pends le
propriétaire qui te jette à la rue aux heures de purée !
Forçat de la caserne, passe ta
baïonnette à travers le corps de ton supérieur !
Boucher du peuple ! Futur
maitre assassin ! Forçats de tous ordres, égorgez vos patrons !
Sortez de vos poches le couteau
libérateur ! Pillez ! Incendiez ! Détruisez !
Anéantissez ! Purifiez !
Vive la révolte ! Vive
l’incendie, mort aux exploiteurs !
Le comité exécutif. »
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Octave Mirbeau à propos de
l’attentat commis par Emile Henry :
« Un ennemi mortel de l’anarchie n’eut
pas mieux agi que cet Emile Henry, lorsqu’il lança son inexplicable bombe, au
milieu de tranquilles et anonymes personnes venus dans un café, pour y boire un
bock, avant de s’en aller coucher…( on soupçonne une provocation policière).
J’aime mieux croire que cet Emile Henry ne prit, en cette occasion, conseil que
de lui-même, sans obéir à d’autres suggestions que celle de sa propre folie.
Emile Henry dit, affirme, clame, qu’il est anarchiste. C’est possible. Mais
l’anarchie a bon dos. Comme le papier elle souffre tout. C’est une mode,
aujourd’hui, chez les criminels, de se réclamer d’elle, quand ils ont perpétré
un beau coup…Chaque parti a ses criminels et ses fous, puisque chaque parti a
ses hommes. »
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Les anarchistes et les syndicats :
« Dans l’esprit de ceux qui
préconisent l’entrée dans les syndicats, il s’agit d’ailleurs d’un changement
tactique et non doctrinal : aux yeux des anarchistes, les syndicats
restent impuissants si leur but consiste à faire obtenir à l’ouvrier une
augmentation de salaire ou une diminution du tremps de travail. Dans un cas
comme dans l’autre, l’amélioration obtenue ne peut être que temporaire ou
illusoire. L’augmentation du coût de la vie compensera, et souvent au-delà,
l’augmentation des salaires , la réduction du temps de travail s’accompagnera
d’une plus grande rapidité du rythme de production , source d’une fatigue
accrue pour l’ouvrier. Cependant il est possible d’utiliser les syndicats.
Jusqu’à ce jour, ils n’ont été aux mains des marxistes que de « petites
chapelles autoritaires », ils deviendront , grâce aux anarchistes, des
centres de libre discussion d’où seront bannies les controverses politiques ;
ils n’ont servi qu’à endormir le prolétariat par la promesse d’impossibles
réformes, ils deviendront, grâce aux compagnons, des foyers d’éducation où les
ouvriers apprendront que l’émancipation économique ne se peut obtenir que par
la révolution et la fin du salariat… »
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Note donnée par Nikitine à la
police :
« Il faut tout faire pour
détacher les masses ouvrières des soi-disant socialistes qui se servent
aujourd’hui du peuple pour se faire une situation, et qui, maitres demain, se
soumettraient à un joug plus lourd que celui de la bourgeoisie. Bien faire
comprendre aux groupes que le salut de la révolution est là.
Pour y réussir, il faut bien
pénétrer les camarades de cette grande et très urgente nécessité, afin que tous
continuent à travailler comme ils ont déjà commencé de le faire, afin
d’atteindre le but que nous nous proposons dans l’avenir le plus rapproché
possible.
Il est donc indispensable
d’entrer de plus en plus dans les syndicats et de montrer par les faits, aux
prolétaires, nos frères, que les anarchistes n’entendent’ pas se mêler au
mouvement pour obéir à un sentiment de vanité ou d’intérêt personnel, mais bien
pour lutter avec eux et pour eux, dans l’intérêt de l’émancipation commune.
Là où il n’existe pas de
syndicats, les anarchistes doivent en créer, et là où il en existe déjà, il
faut se mêler aux adhérents.
Si l’entrée dans certains
syndicats n’était pas rendue possible, il faut en instituer à côté de ceux
existant déjà.
Il est très utile de prendre une
part active aux grèves comme à toutes les agitations ouvrières de se refuser
constamment à accepter toute situation en vedette. Il faut notamment être
toujours les premiers à la peine et au danger. Il faut profiter de tout pour
faire de la propagande anarchiste et mettre constamment en garde les ouvriers
contre les socialistes autoritaires qui seront leurs oppresseurs de demain.
Quand des compagnons voudront
faire des actes individuels, il est utile que ces actes soient tels que les
masses puissent facilement y reconnaitre l’œuvre de gens qui luttent et se
sacrifient pour le bien de tous.
On doit, parmi nous, rester
toujours pénétré de cette vérité, qu’il ne faut pas attendre que les ouvriers
soient devenus anarchistes pour aller parmi eux, mais qu’on doit y aller
précisément pour tâcher, par tous les moyens de les amener à nous.
Ne pas se rebuter surtout à
raison de ce qui, dans les mœurs ouvrières, est contraire à nos idées et à nos
habitudes, mais faire, parmi les travailleurs, de la propagande adroitement,
pénétrés de ce principe que, pour convaincre, il faut d’abord savoir se faire
écouter, sans idées préconçues et sans prétentions. »
&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&&
Pelloutier dans les « temps
nouveaux « :
« Personne ne croit ou
n’espère que la prochaine révolution, si formidable qu’elle doive être, réalise
le communisme anarchique pur. Mais l’état transitoire à subir doit-il être
nécessairement, fatalement la geôle collectiviste ? Ne peut-il consister
en une organisation libertaire limitée exclusivement aux besoins de la
production et de la consommation, toutes intuitions politiques ayant
disparu ?...
Or, qu’est-ce qu’un
syndicat ? Une association, d’accès ou d’abandon libre, sans président,
ayant pour tous fonctionnaires un secrétaire et un trésorier révocables dans
l’instant, d’hommes qui étudient et débattent des intérêts professionnels
semblables. Que sont-ils ces hommes ? Des producteurs, ceux-là même qui
créent toute la richesse publique. Attendent-ils pour se réunir, se concerter,
agir, l’agrément des lois ? Non ; leur constitution légale n’est pour
eux qu’un amusant moyen de faire de la propagande révolutionnaire avec la
garantie du gouvernement, et d’ailleurs combien d’entre eux ne figurent pas et
ne figureront jamais sur l’annuaire officiel des syndicats. Usent-ils du
mécanisme parlementaire pour prendre leurs résolutions ? Pas
davantage ; ils discutent et l’opinion la plus répandue fait loi, mais une
loi sans sanction, exécutée précisément parce qu’elle est subordonnée à l’acceptation
individuelle - sauf le cas bien entendu,
où il s’agit de résister au patronat. Enfin, s’ils nomment à chaque séance un président,
un délégué à l’ordre, ce n’est plus que par l’effet de l’habitude, car une fois
nommé, ce président est parfaitement oublié et oublie fréquemment lui-même la
fonction dont ses camarades l’ont investi. Laboratoire des luttes économiques,
détaché des compétitions électorales, favorable à la grève générale avec toutes
ses conséquences, s’administrant anarchiquement, le syndicat est donc bien
l’organisation à la fois révolutionnaire et libertaire qui pourra seule
contrebalancer et arriver à détruire la néfaste influence des politiciens
collectivistes.
Supposons maintenant que, le jour
où éclatera la révolution, la presque totalité des producteurs soit groupée
dans les syndicats ; n’y aurait-il pas là, prête à succéder à
l’organisation actuelle, une organisation quasi libertaire, supprimant de fait
tout pouvoir politique, et dont chaque partie, maitresse des instruments de
production, règlerait toutes ses affaires elle-même, souverainement par le
libre consentement de ses membres ?
Et ne serait-ce pas l’association libre des producteurs
libres ? »
Pouget dans « Le père Peinard »
« La syndicale a pour but de
faire la guerre aux patrons, et non de s’occuper de politique…S’il est assez
finaud pour pas prêter le flanc aux mensonges des aspirants bouffe-galette, qui
ne manqueront pas d’en baver pis que pendre sur son compte , il se verra
vivement écouté. »
« Le problème est
celui-ci : je suis anarcho, je veux semer mes idées, quel est le terrain
où elles germeront le mieux ? J’ai déjà l’usine, le bistrot…, je voudrais
quéque chose de mieux : un coin où je trouve des prolos se rendant un peu
compte de l’exploitation que nous subissons et se creusant la tête pour y
porter remède. Ce coin existe-t-il ? Oui, nom de Dieu ! Et il est
unique : c’est le groupe corporatif ! »
« Quel doit être le turbin
de la Syndicale ? Primo, elle doit constamment guigner le patron, empêcher
les réductions de salaire et autres crapuleries qu’il rumine. Si les prolos
n’étaient pas toujours sur le qui-vive, les singes les auraient vite réduits à
boulotter des briques à la sauce des cailloux.
Deuxièmo, outre ce turbin
journalier, qui est la popote courante, y’a une autre besogne, bougrement
chouette : préparer le terrain à la Sociale.
Nous subissons le patron, parce
qu’il n’y a pas de mèche de faire autrement. Nous savons que c’est de notre
travail qu’il s’engraisse. Si, pour le moment, nous nous contentons de le tenir
en respect, nous espérons bien, un de ces quatre matins, être assez à la
hauteur pour le foutre carrément à la porte.
C’est cela qu’à la Syndicale nous devons expliquer
aux nouveaux venus qui y rappliquent pour se garantir contre l’exploitation.
L’usine est à nous tous :
chaque brique des murs est cimentée de notre sueur ; chaque rouage des
machines est graissé de notre sang.
Quel beau jour, celui où nous
pourrons reprendre notre bien, -faire la grande expropriation.
Ça fait, nous nous alignerons
pour turbiner en frangins. Et, si l’ex-patron ne fait pas le rouspéteur, on lui
fera une place à l’usine : il travaillera à égalité ; kif-kif les
camaros. »
Grandidier :
« Cessons d’être les
gardiens farouches d’un dogme intangible, soyons, pour une fois, quelque peu
pratiques ; sortons enfin de cette tour d’ivoire dans laquelle nous
étouffons ; allons dans les syndicats ; insufflons leur un peu de
notre foi en un meilleur devenir social : travaillons à donner à ces
groupements d’hommes sincères et de bonne volonté une plus grande conscience d’eux-mêmes.
Nous aurons ainsi beaucoup œuvré pour la prochaine révolution d’où sortira la
société future qui ne sera que ce que seront les individus qui la
composent. »
En 1869 Bakounine écrivait dans l’égalité :
« Il n’en est qu’une seule
[méthode d’émancipation] . C’est celle de la lutte solidaire des ouvriers
contre les patrons. C’est l’organisation et la fédération des caisses de
résistance. »
James Guillaume :
« Considérant que les grèves
partielles, recommande aux ouvriers de consacrer leurs efforts à achever
l’organisation internationale des corps de métier, qui leur permettra
d’entreprendre un jour une grève générale, seule grève réellement efficace pour
réaliser l’émancipation complète du travail. »
« Nous ne nous faisons pas d’illusion
sur la valeur réelle des grèves. Nous savons que c’est un mode de combat qui
est imposé aux ouvriers par les conditions actuelles, la seule arme qu’ils
aient entre les mains jusqu’à présent pour faire valoir leurs intérêts contre
leurs patrons ; nous savons que ses résultats, même les plus positifs,
n’aboutissent qu’à améliorer quelque peu la condition des ouvriers, sans
changer en rien les bases des conditions sociales actuelles…L’idée d’une grève
générale des travailleurs, qui mettrait fin aux misères qu’ils subissent,
commence à être sérieusement discutée par les associations ouvrières mieux
organisées que les nôtres. Ce serait certainement là un acte révolutionnaire
capable de produire une liquidation de l’ordre social actuel et une
réorganisation conforme aux aspirations socialistes des ouvriers. »
Pelloutier :
« Les bourgeois sont ce que
les évènements les obligent d’être, tour à tour monarchistes, républicains
modérés, voire même socialistes : ils s’entendent à merveille pour savoir,
sous tous les régimes, conserver leurs privilèges et monopoles.
Pouvons-nous réagir ; oui et
non ! Non si nous nous laissons berner par le parlementarisme.
Travailleurs, séparez-vous,
nettement des politiciens qui vous trompent…Il faut nous instruire, serrer les
rangs, et ne compter que sur nous-mêmes. »
Pelloutier :
« Service d’enseignement. La
bourse du travail veut être l’université de l’ouvrier, et les anarchistes, qui
ont toujours préconisé l’instruction et l’éducation comme facteurs d’émancipation,
s’attacheront à la création et au développement des services culturels les plus
variés comme ces musées du travail, dont les muettes leçons sont plus
éloquentes que les vaines clameurs révolutionnaires à quoi s’essoufflent les
orateurs d’estaminet. »
« Nous ne devrions jamais
discuter une loi ; car la discuter, c’est la reconnaitre. »
« Accepter de discuter avec
ses exploiteurs, c’est leur reconnaitre le droit d’exploitation. »
Fernand Pelloutier :
« En autorisant les
syndicats à faire des actes de commerce et d’industrie, elle [la loi] a pour
but (avoué ou non) de donner le pas sur les minorités militantes des syndicats
à ces majorités d’hommes syndiqués, uniquement par esprit de lucre […]. Dans
chaque syndicat, il y a un militant pour neuf égoïstes […], les syndicats les
plus riches sont ceux qui pratiquent le moins le devoir de solidarité. Combien
de syndicats consentiront à faire grève ou à soutenir des grèves, quand, ayant
acquis des biens et engagé leurs capitaux dans des opérations commerciales, ils
auront pris le goût de la propriété. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire