Le fait d'être libre, de ne dépendre de personne au point de
vue physique, intellectuel et moral : la liberté est un idéal qui est loin
d'être atteint. Ce serait une erreur de chercher la liberté en arrière de nous
dans la vie primitive. L'homme sauvage vit en troupes et de ce fait il est
asservi. Des croyances superstitieuses en outre (totems, tabous, etc.)
assujettissent son esprit ; il ne peut pas faire tel geste, manger telle chose,
etc. Dans la société actuelle les pauvres, qui forment la grande majorité des
humains, ont très peu de liberté. Ils doivent sacrifier à la conquête du pain
de chaque jour la plus grande part de leur temps. En outre les pauvres qui sont
en général ignorants sont remplis de préjugés qui achèvent de les rendre
esclaves. Chacun vit comme on lui a appris à vivre et comme vit son entourage.
L'idée ne lui vient même pas de vivre autrement ce qui fait que, en quelque
sorte, on pourrait le déclarer libre puisqu'il n'a pas de désirs. En un sens,
le riche est plus libre ; c'est pour cela qu'on appelle situations
indépendantes celles que confère la fortune. Avec beaucoup d'argent on fait ce
qu'on veut, on va où on veut. Néanmoins il ne faudrait pas croire que le riche
soit en possession de la liberté absolue. Par son éducation et ses mœurs il est
prisonnier de son milieu. Même quand il les réprouve, il se soumet à ses
pratiques et à ses habitudes pour conserver une bonne réputation. Car tous les
milieux sont tyranniques. L'individu est dépendant jusque dans son vêtement
pour lequel il doit suivre la mode, sous peine de passer pour un personnage
ridicule, voire pour un fou. La liberté de penser est aussi très relative, on
est contraint de penser - ou de feindre de penser - comme son entourage
autrement on n'est pas compris. L'individu - s'il entend demeurer dans la «
normale » admise et comprise - ne peut innover que sur des points très
restreints, pour lesquels il devra encore s'expliquer pour tâcher de
convaincre. Celui qui est par trop différent des autres est qualifié original,
ce qui se prend en mauvaise part ; on ne l'aime pas et on fuit sa compagnie. On
peut donc dire qu'il n'y a de liberté nulle part. Cette tyrannie du milieu
est-elle un bien ou un mal? Elle est à la fois l'un et l'autre. Elle est un
bien pour les intelligences inférieures qui trouvent la vie toute préparée et
qui seraient tout à fait désemparés si elles devaient l'ordonner ellesmêmes.
Mais pour les intelligences supérieures, la tyrannie grégaire est un mal, car
elle les force à se mettre à un niveau commun qui leur est inférieur. L'homme
de génie, et même plus simplement l'homme supérieur, sont incompris et détestés
; à moins que le succès et la fortune ne fassent pardonner leur originalité.
Les sociétés de l'avenir, plus raisonnables que les nôtres, donneront plus de
liberté à l'individu. On comprendra qu'il faut permettre et même admettre tout
ce qui n'est pas nuisible à autrui. Ainsi la liberté du costume. Il n'y a
aucune raison pour uniformiser la façon de s'habiller ; chacun devrait se vêtir
selon sa fantaisie et ses goûts. De même pour la liberté des idées, l'individu
a le droit de penser ce qui lui plaît et d'exprimer sa pensée. Il est faux
d'admettre la culpabilité morale, du moment qu'il n'y a pas ordre formel donné
à un être faible, enfant ou déséquilibré mental. L'adulte est mal fondé à
rejeter sur une tierce personne la responsabilité d'un acte, il pouvait ne pas
se laisser influencer, Les lois seront, elles aussi, de moins en moins
oppressives. L'arsenal de la légalité actuelle sert avant tout à maintenir les
déshérités dans la résignation à leur sort. Le communisme qui supprimera les
classes sociales et rendra le travail léger à porter permettra d'accroître dans
une large mesure la liberté de l'individu.
- Doctoresse PELLETIER
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