samedi 16 janvier 2021

LIBERTE POLITIQUE (et AUTORITE) encyclopedie anarchiste de Sébastien Faure

 

 « Deux faits antagonistes, dit Larousse, dominent la politique humaine et la résument tout entière : les nécessités sociales et les droits individuels ou, en termes plus précis, l'autorité et la liberté ». Inexacte est ainsi une définition qui enferme les nécessités sociales dans une autorité nécessaire et paraît les identifier. Des deux écoles qui, aux pôles opposés, se disputent l'influence en matière politique, l'une, l’anarchie, négatrice de l’autorité - voir ce mot - ne répudie pas la discipline sociale consentie et n'a jamais fait résider l'harmonie de la société dans l'entrechoquement de fantaisies individuelles qui sont, elle le sait, le chemin familier de la tyrannie. Elle reconnaît au contraire les bienfaits de l'entente entre les hommes et l'utilité du renoncement à des « libertés » excessives pour garantir une liberté individuelle équitable et qui dure ; elle fait appel à l'entraide pour réduire l'empire des nécessités inéluctables qui, chaotiquement ou autoritairement assurées, briment, pour le seul profit de quelques-uns, la majorité des individus et empêchent leur liberté de s'épanouir. C'est en cherchant, hors de la contrainte autoritaire et de son cortège d'abus, la satisfaction des nécessités sociales qu'elle espère délivrer pour chacun la plus grande somme d'effective liberté. L'autre, le despotisme, doctrine paradoxale de la force, entend opérer la délivrance par la compression et confond le silence des peuples jugulés avec la paix heureuse des multitudes satisfaites. Il entend réduire l'homme à la passivité des choses et regarde comme un péril social disons un trouble-règne - toute aspiration vers la liberté. Il n'a besoin que d'acceptation et prétend faire, contre elles-mêmes, le bonheur des masses... Aussi est-ce aujourd'hui dans les forces du peuple, demain dans les énergies conjuguées de l'humanité tout entière et dans leur jeu à la fois libre et sagace que nous cherchons les ressources propres à l'accomplissement des « nécessités sociales ». Comme nous y cherchons le rempart contre une autorité séculaire, toujours à l'affût de formes rajeunies d'oppression, plus que jamais parées des dehors de la générosité. Et que notre vigilance s'exerce à mettre sur pied des institutions de nature à en écarter l'emprise et à en prévenir le retour... Larousse, esprit perspicace et passionné d'exactitude, reconnaît d'ailleurs que dans la lutte qui met aux prises les deux principes, l'autorité, jusque-là victorieuse, a toujours fait peser sur les hommes son fardeau malfaisant et il oriente ses espérances vers la liberté. Si son attention avait été davantage portée vers les maux qui découlent du despotisme social, il aurait constaté que les nécessités inhérentes à la vie en société et qui, plus encore dans les temps modernes, avec les besoins accrus, exigent la tâche concertée de tous, n'ont jamais été, sous le signe d'un privilège qui n'a pas désarmé, intelligemment satisfaites. Il apercevrait qu'une coordination logique des efforts en réduirait pour l'humanité l'assujettissement, en même temps qu'une juste distribution de ses avantages procurerait à tous les hommes, admis enfin, avec des droits égaux, au « banquet de la vie », une jouissance à la fois libre et méritée. Et ce scrupuleux publiciste eût cessé, nous le pensons, de demander la vérité à un compromis et de partager à titre égal entre la liberté et l'autorité, sa sollicitude. Il eût laissé ce soin aux Etats, qui ne font semblant de s'intéresser sympathiquement à la liberté - danger pour qui commande que pour mieux masquer leurs entreprises de domination et, l'étouffant sous leurs embrassades hypocrites, s'emploient à anéantir dans l'œuf toute velléité d'indépendance... « La liberté, dit Larousse, qui n'a pour elle que le droit, est presque toujours victime sur la terre de l'autorité, qui dispose ordinairement de la force et qui possède la ruse. La liberté, reconnue par tous les politiques modernes dignes de ce nom comme un droit primordial de l'espèce humaine, n'a presque jamais existé ici-bas. Limite naturelle de l'autorité, elle s'est toujours offerte aux gouvernements comme un obstacle à leur ambition, une gêne intolérable à leur action... Il est donc naturel à tout gouvernement d'écarter de son chemin la liberté ». Mais, après ce clair aveu et cette dénonciation, il ne voit encore dans la liberté qu' « une digue contre les abus du pouvoir » (cette autorité pour lui «  représentative de l'intérêt public »), non le milieu propre à en rendre l'appareil inutile, à débarrasser les individus de ses interventions paralysantes, habilement baptisées protectrices. Il n'aperçoit de l'anarchie que ses revendications utopiques, non les principes d'une organisation rationnelle de la liberté, partie enfin de la cellule jusque-là méprisée, apte à élever enfin les hommes vers la vie. D'une société avant tout économique, il n'a pas entrevu (la doctrine est trop jeune à l'époque) les groupements humains associés sur la base de leurs besoins et fédérant leurs efforts, affranchissant l'édifice social de ce dôme superfétatoire, l'Etat (voir ce mot), regardé jusque-là comme la clef de voûte de la société (voir les autres articles sur liberté et les mots anarchie, communisme, organisation, société, etc. où cet aspect de la question est plus particulièrement traité). Mais il sent confusément que c'est du côté de la liberté que viendra la solution attendue et que c'est elle qu'il convient de « défendre courageusement ». L'autorité, toujours portée à l'exagération, « saura bien, dit-il, se défendre ellemême, car elle n'est nullement habituée à jouer le rôle de victime ». Et déjà il s'oppose aux libéraux, indifférents à la forme d'un gouvernement qu'ils espèrent un jour dominer, attaque le pouvoir monarchique, lequel « préoccupé de sa durée éternelle, a pour tendance forcée d'assurer l'avenir et de faciliter le présent en étouffant toute opposition, c'est-à-dire la liberté ». Puis il s'aperçoit - et il n'est pas fort de notre expérience de cinquante ans de ploutocratisme « républicain », il n'a qu'entrevu, à peine échappée des mains de l'Empire et toute enluminée d'espérances, la belle fille que devaient pétrir les aventuriers de la politique alliés aux magnats de l'industrie et aux flibustiers de la banque - il pressent qu'un gouvernement, même démocratique, pourra être tyrannique, mais à un moindre degré et croit-il, sur un plus petit nombre de gens. La démocratie, malgré ses fautes passagères, ses lenteurs, ses traîtrises possibles, lui paraît renfermer le germe impérissable de la liberté naissante. Il n'a pas vu à l'œuvre le despotisme aux appétits multiples, ramassant, en quelques têtes souveraines, une autorité capable , en tenant les foules sous le charme d'habiles promesses, en les abusant par le mirage d'un « contrôle » et d'une « participation » appelée « suffrage universel » - voir ce mot - il n'a pas vu l'hydre vivace renaissant de ses cendres. Et il n'a pu, dégageant de constatations séculaires la leçon décisive, faire remonter jusqu'à l'Etat - incarnation politique de l'autorité - la cause d'un mal toujours renouvelé. Cette « liberté nécessaire » dont il admet enfin qu'elle est « la vraie base de l'ordre social » il ne sait pas que, dans le même cadre hiérarchisé, elle demeure, aujourd'hui comme hier, à la merci des ambitieux qui la faussent et des grands qui la déchirent... Mais tournons-nous avec lui vers le passé, interrogeant les formules « absolues ou insuffisantes » qui, donnant à la liberté des caractères contradictoires, n'ont pu ni pénétrer ses vertus profondes, ni la faire sagement aimer, ni assurer son accès dans les mœurs, ni la défendre contre ses ravisseurs aux aguets... « Il y a un millier d'années, dit-il, Alcuin croyait avoir défini la liberté par ces deux mots : innocentia vitæ. Mais Alcuin enseignait plutôt la morale que la politique et son illustre élève, tout entier, comme tant d'autres monarques, au soin de satisfaire son

ambition et d'asseoir sa dynastie, n'avait guère le temps de se préoccuper de liberté. Cependant l'innocente devise métaphysique du précepteur de Charlemagne a traversé les siècles ; on la retrouve en substance, chez les puritains de la NouvelleAngleterre, qui, dans la loi de l'Etat de Massachusetts - le même qui vient de rencontrer une « justice » pour martyriser d'abord, pour assassiner ensuite deux innocents magnifiques de grandeur morale, et une constitution pour couvrir ce crime de peur, de caste et d'Etat - donnent cette autre définition de la liberté : « Le droit de faire sans crainte tout ce qui est juste et bon ». Pour mieux faire ressortir l'esprit de cette maxime, nous y ajouterons un court passage de Vinthrop, l'un des législateurs gouverneurs de cet Etat. « Ne nous trompons pas, dit-il, sur ce que nous devons entendre par notre indépendance. Il y a, en effet, une sorte de liberté corrompue, dont l'usage est commun aux animaux comme à l'homme et qui consiste à faire tout ce qui plaît. Cette liberté est ennemie de toute autorité. Elle souffre impatiemment toutes les règles, et, par elle, nous devenons inférieurs à nous- mêmes. Elle est l'ennemie de la vérité et de la paix et Dieu a cru devoir s'élever contre elle. Mais il est une liberté civile et morale qui trouve sa force dans l'union et que la mission du pouvoir lui-même est de protéger : c'est la liberté de faire sans crainte tout ce qui est juste et bon. Cette sainte liberté, nous devons la défendre dans tous les hasards et exposer pour elle notre vie, s'il le faut ». Evidemment, les lois qui vont découler d'un pareil préambule pencheront plutôt vers l'intolérance que vers la liberté. Cette distinction de la liberté corrompue et de la liberté sainte ne serait pas désavouée par les docteurs de l'Eglise catholique qui, de leur côté, proclament la liberté de la vérité et proscrivent la liberté de l'erreur. Il va sans dire que, selon eux, la vérité est exclusivement dans leurs prédications et qu'eux seuls doivent être libres. Ils réclament, eux aussi, la liberté du bien, et comme ils se réservent le droit de définir le bien, ils ne demandent et n'approuvent que leur propre liberté. C'est ainsi que Rome a toujours compris la liberté. Personne n'a oublié, en France, l'ardeur que mirent autrefois les catholiques à réclamer la liberté de l'enseignement, ce qui voulait dire, dans leur bouche, le droit exclusif d'enseigner réservé aux évêques et aux frères ignorantins. Veuillot n'écrivait-il pas : « Je vous réclame la liberté au nom de vos principes et je vous la refuse au nom des miens », révélant dans cette apostrophe cynique l'insatiable autorité de l'Eglise. « Non, nous ne saurions nous accommoder d'une prétendue liberté, sainte ou non, qui punirait de peines sévères le blasphème et défendrait même, au besoin, de voyager le dimanche... Si le mal n'est que la violation des droits légitimes, nous ne reconnaissons à personne la liberté de le commettre ; si c'est une atteinte aux lois de l'Eglise ou d'un décalogue, nous refusons à tout le monde le droit de l'empêcher. C'est ce droit de définir et de prescrire le bien moral et religieux qui, usurpé par l'Etat, a conduit Socrate à la ciguë et Jésus sur la croix ». Et c'est le même « droit » à définir le bien politique, à incorporer le bien humain dans le bien national qui, tourné vers le maintien de superstitions favorables au régime, conduit aujourd'hui les bénéficiaires de l'Etat à hisser devant les peuples des déités tabou, à créer des crimes de lèse-patrie, de lèsearmée, demain de lèse-autorité, contre ceux qui contestent leur prestige usurpé à un appareil monstrueux, à des entités néfastes à point magnifiés pour anéantir en leur nom, les libertés et les vies... « La liberté, dit encore Larousse, a nécessairement deux termes, en supprimer un, c'est tomber dans la niaiserie ». Et c'est nier en fait la liberté elle-même. « Affirmer la liberté du bien et refuser la liberté du mal, c'est dire qu'on a la liberté de faire et non pas celle de s'abstenir ; par exemple, la liberté d'aller à la messe, mais non pas celle de rester chez soi pendant l'office ». C'est en réalité l'injonction déguisée, c'est l'apparence du « libre choix» derrière lequel les Eglises et les rois, les tenants de la démocratie ou les dictateurs du prolétariat l'Etat en un mot - abritent une suprématie inamovible, c'est la « liberté » du citoyen abusé par l'éducation, prisonnier de l'économie, qui « choisit » les candidats que la presse et les maîtres lui désignent. « Presque partout l'antiquité était régie par le principe de l'autorité à outrance, incarné soit dans un homme, soit dans une caste privilégiée. L'Asie tout entière était livrée aux caprices du despotisme et la volonté du prince y tenait lieu de législation ». Les institutions monarchiques de l'Egypte, quoique plus savantes, étaient non moins absolutistes. Dans les sociétés du temps, même les plus glorieuses, « l'esclavage civil et domestique faisait partie nécessaire de la constitution même ». Un des beaux génies de la Grèce, Platon, méconnaît le caractère sacré de la femme et son égalité naturelle avec l'homme ; Aristote admet la légitimité de l'esclavage. « Nous ne parlerons pas de Sparte où personne n'était libre, où la raison d'Etat écrasait tellement les volontés individuelles que les citoyens les plus fiers n'auraient pas plus réussi à s'y soustraire que les ilotes esclaves. Qu'est-ce que les lois de Minos, sinon la volonté divine ou plutôt la fatalité en action? Sur une population de deux cent mille âmes, Athènes comptait de quinze à vingt mille citoyens qui se disaient libres et qui l'étaient en effet », mais à qui il manquait une notion claire et logique de la liberté. A Rome, enfin, la liberté n'a jamais existé, ni dans les lois, ni dans les mœurs », les institutions qui consacrent « l'existence d'une classe privilégiée étant incompatibles avec la liberté »... « Pouvaient seuls se dire libres, au moyen âge, et l'étaient » si l'on veut de cette « liberté » assise sur la misère et l'accablement - « les possesseurs de fiefs qui ne relevaient d'autrui ni de personne et écrasaient toutes les volontés au-dessous d'eux. Mais, à part ce petit nombre de privilégiés, la masse des populations ne possédait aucun droit sérieux et subissait le joug d'un demi esclavage ». L'affranchissement des serfs, dont aucune législation ne garantissait la condition nouvelle demeurait quasi-nominal parmi des droits précaires dont rien ne garantissait l'exercice ni la durée. « Une sorte de liberté relative apparaît au XIIème siècle, lors de l’émancipation des communes. C'est à cette époque que commence à se dégager la double notion de la liberté individuelle et de la souveraineté collective. Mais l’affranchissement partiel du peuple et de la bourgeoisie, qui fut, pour une monarchie en voie d'affermissement, un simple moyen de gouvernement, fut pour la nation une semence de liberté qui devait germer plus tard et donner des fruits inattendus. Les empires s'écroulent et les principes demeurent. A l'état latent ou virtuel, ils sont encore assez puissants pour effrayer les despotes sur leur trône et charger la mine des révolutions... ». Principes ou besoins, mais soif impérieuse et croissante, nous les voyons, en effet, menacer encore de nos jours l'encerclementdes défenses... Alors que les pères de la démocratie - philosophes, hommes d'action - qui jetèrent dans l'enthousiasme les premiers jalons d'une « république de progrès et d'évolution » croyaient avoir confié à une solide et définitive armature le dépôt précieux de « la liberté du monde née en 1789 » ; tandis qu'un à un, ces esprits généreux mouraient dans la foi d'une montée pacifique des idées de libération et des institutions de liberté, le dur étau des contraintes sociales, à peine adouci d'illusions politiques, se resserrait autour des masses déshéritées de la nation. Et « ces classes privilégiées dont l'existence est incompatible avec la liberté » réassujettissaient, dans les matérialités de la vie, un royaume que n'avaient point extirpé les proclamations. La souveraineté de la richesse, dont le char de l'Etat véhiculait la « légitimité », affermissait sa griffe dans la chair séculairement meurtrie du prolétaire et présidait à une nouvelle étape de la souffrance invétérée du peuple et de sa faim inapaisée. Le désaccord entre la jouissance et l'effort s'accusait dans les facilités d'une production industrialisée qui tire, au maximum, des bienfaits pour une couche unilatérale... D'un côté, la reconstitution patente, grosse de menaces, sur les ruines de la féodalité, d'une caste dont la propriété individuelle, inconsidérément départie, avait servi le développement. Et l'accaparement, foncier d'abord, puis industriel et financier (conséquence d'une capacité d'achat qu'amplifient encore l'héritage et les gains démesurés, le jeu parasitaire d'actions favorisées, de dividendes princiers, d'intérêts frôlant l'usure), qui porte toujours plus les biens entre des mains puissantes. De l'autre, un prolétariat réduit à la portion vitale et canalisé dans l'impasse du salariat, malgré quelques échappées abusantes, qui voit arracher de ses mains besogneuses des avantages normaux et se l'amener à des affirmations ces droits que la Révolution de 1789 avait posé devant son activité courageuse. Une classe qui sent confusément, lorsqu'elle ne le comprend encore, qu'elle est frustrée des bénéfices du travail au profit d'une autre omnipotente. Et de nouveau, pour une croisade moins superficielle et qui vise à déraciner le mal, des penseurs, des sociologues, s'apercevant de la mainmise, sur l'Etat, des forces détentrices de la fortune, soulignent la dépendance constante de cet organisme et montrent l'inanité des efforts de redressement social qui laissent se reformer, sous les auspices d'une autorité invaincue, des groupes de favorisés dirigeants... L'école libérale, qui proclamait, dans les vertus d'un laisser-faire où les faibles ne pouvaient qu'avoir le dessous, la toute-puissance de l'individu et ne voulait confier à l'Etat qu'une fonction arbitrale, a battu, de ce bélier, la monarchie de droit divin. Mais, installée au pouvoir, maîtresse de l'Etat, elle a, sinon effacé de la Constitution, au moins altéré le sens de cette liberté dont elle prétendait, la veille, faire un instrument de libération. Elle a pratiqué, comme avant et après elle toutes les écoles autoritaires, le monopole de la liberté. Elle a consolidé les prérogatives des détenteurs de la force, inscrivant dans sa Charte une « égalité devant la loi », dont les législateurs du siècle ont prodigué l'affirmation mensongère. Les lois issues des Assemblées de consultation restreinte, comme de celles qui déclarent tenir leurs mandats d'un suffrage « libre et général » ne cessent jamais d'être à l'égard de l'individu, « un contrat léonin dans ses clauses et vicié dans sa source » entaché de «condition potestative », Elles sont restrictives de la liberté nécessaire. Avec elles, au lieu d'être dans le bon plaisir d'un homme, l'arbitraire est dans la loi même, et le sort de l'individu peut devenir pire qu'auparavant, en ce sens qu'on aura légalisé la servitude et qu'on l'aura rendue plus durable en lui donnant les apparences du droit... N'oublions pas que « toutes les libertés sont solidaires et qu'elles ont, toutes ensemble, pour support l'égalité ; car toute liberté qui n'est pas dévolue également à l'universalité des hommes doit s'appeler, de son véritable nom, le privilège ». N'est pas la liberté, celle qui demeure l'apanage d'un petit nombre, la liberté que les institutions et les mœurs ne rendent pas, pour tous effective. N'est pas la liberté celle de la République patricienne, malgré le dévouement des Brutus et des Caton, le plaidoyer des Tacite et des Cicéron, ni celle de l'Eglise malgré ses protestations, ni de la France consulaire malgré ses prétentions au libéralisme, ni celle des démocraties prometteuses, en dépit de la sincérité de ses protagonistes, ni celle des fausses républiques modernes que régentent les ploutocraties, ni celle des « républiques sociales » que façonnent les dictatures. Il n'y aura pas de liberté politique ou sociale : libertés connexes - tant que la bourgeoisie « légataire universelle de la Révolution » n'aura pas restitué au peuple - dépossédé des instruments de travail (sol, outils, capitaux), éloigné en fait des affaires publiques et de l'organisation de la société - le lot et la place qui lui appartiennent. Mais il n'y aura pas non plus de liberté tant que le peuple, par son abdication et son ignorance, laissera se reformer, sur lui, sous l'égide de l'Etat, la coalition du césarisme politique ou économique, tant qu'il ne trouvera pas en lui-même, au lieu de les demander aux gouvernements, inévitablement agents des forts, les garanties de la liberté, tant qu'il ne s'opposera pas à ce qu'on l'emprisonne dans les lois positives. Il n'y aura pas de liberté réelle, tant que les individus prodigueront l'encens à un droit abstrait, « à une idole mutilée », il n'y aura pas de liberté vivante sans la conscience et la vigilance des intéressés... « La liberté n'est en somme que l'essor des facultés humaines, et l'amour qu’on lui porte est en raison directe de l'élévation de l'esprit et du cœur ». Avec leurs lumières s'élève le degré de liberté des hommes ; elle monte avec leur savoir et leur raison en pénètre le sens, l'équilibre et la marche. Leur volonté l'empêche de redescendre...

- Stephen MAC SAY Outre ceux cités plus haut, voir aussi les mots fédéralisme, production, gouvernement, individualisme, socialisme, etc.

Aucun commentaire: