« Elle était souvent prête à accepter le mythe officiel, simplement parce que la différence entre la vérité et le mensonge ne lui semblait pas importante. »
« – Te rends-tu compte que le passé a été aboli jusqu’à
hier ? S’il survit quelque part, c’est dans quelques objets auxquels n’est
attaché aucun mot, comme ce bloc de verre sur la table. Déjà, nous ne savons
littéralement presque rien de la Révolution et des années qui la précédèrent.
Tous les documents ont été détruits ou falsifiés, tous les livres récrits, tous
les tableaux repeints. Toutes les statues, les rues, les édifices, ont changé
de nom, toutes les dates ont été modifiées. Et le processus continue tous les
jours, à chaque minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe qu’un présent
éternel dans lequel le Parti a toujours raison. Je sais naturellement que le
passé est falsifié, mais il me serait impossible de le prouver, alors même que
j’ai personnellement procédé à la falsification. La chose faite, aucune preuve
ne subsiste. La seule preuve est à l’intérieur de mon cerveau et je n’ai aucune
certitude qu’un autre être humain quelconque partage mes souvenirs. De toute ma
vie, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de tenir la preuve réelle et
concrète. Des années après. »
« En causant avec elle, Winston se rendit compte à quel
point il était facile de présenter l’apparence de l’orthodoxie sans avoir la
moindre notion de ce que signifiait l’orthodoxie. Dans un sens, c’est sur les
gens incapables de la comprendre que la vision du monde qu’avait le Parti
s’imposait avec le plus de succès. On pouvait leur faire accepter les
violations les plus flagrantes de la réalité parce qu’ils ne saisissaient
jamais entièrement l’énormité de ce qui leur était demandé et n’étaient pas
suffisamment intéressés par les événements publics pour remarquer ce qui se
passait. »
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