lundi 2 septembre 2019

Introduction à l'ouvrage de Alexandre Berkman: " Le mythe Bolchévik"

"Ici encore, le tableau du bolchévisme brossé par Berkman nous ramène à la grande interrogation: comment un tel régime a-t-il pu prendre racine et prospérer au nom du communisme , et avec l'appui des anarchistes, au moins dans la période cruciale de sa consolidation , alors que rien encore ne paraissait définitif?"

"Une femme ralliée à Makhno le lui dira crûment:" Le bolchévisme, c'est la domination du parti communiste , qu'on appelle à tort la dictature du prolétariat. Il est très éloigné de la conception que nous avons de la révolution. C'est le règne d'une caste , de l'intelligentsia socialiste qui a imposé ses théories aux travailleurs. Leur but est le communisme d'Etat, dans lequel les ouvriers et les fermiers de l'ensemble du pays servent d'employés au seul maitre puissant qu'est le gouvernement . Il en résulte l'esclavage le plus abject, laz répression et la révolte, comme on le voit partout."

"Je savais, dit Berkman, que les bolchéviks étaient marxistes et croyaient en un état centralisé que moi, anarchiste , je rejette par principe. Mais je plaçais la révolution au dessus des théories , ce qui était le cas également , me semblait-il des blochéviks. Bien que marxistes , ils avaient contribué à faire advenir une révolution qui était totalement non marxiste , qui même défiait le dogme et la prophétie marxiste."
Cette apparente contradiction ne pose-t-elle pas, au delà du marxisme et de l'anarchisme, le problème de la révolution qu'avaient advenir les blochéviks , et dont ils contrôlaient le développement, étant donné que tous les éléments dans lesquels Berkman voit "la négation de son origine"  étaient en fait présents dès le départ , par "essence" et par "nature" ainsi que le prouve chaque page de son témoignage?"

"La fonctionnalité historique des bolchéviks qui explique leur victoire et leur chute finale, on en trouve la raison dans cette méthode d'accumulation primitive , qui fait de la force concentrée et et organisée de l'état un agent économique: déracinement des structures anciennes , développement accéléré des forces productives , avec, pour corollaire , une contrainte au surtravail sans limites. Alors que Marx voit dans cette étape une des phases de transition du capitalisme, les bolchéviks la baptiseront "transition vers le socialisme" , manipulation langagière dont Berkman fait ressortir avec éclat la fonction idéologique.
Marx ne souligne-t-il pas dans le capital que "la bourgeoisie naissante ne saurait se passer de l'intervention constante de l'état" ? Puisque Lénine lui-même n'a jamais nié le fait que la condition première d'une révolution socialiste n'existait pas en Russie , les bolchéviks ont assumé le rôle de la bourgeoisie défaillante , érigé la violence d'état en critère révolutionnaire et soumis les masses opprimées à leur plan de production, synonime d'exploitation, tout en légitimant leur politique par la référence aux idéaux de la révolution et du marxisme. "

"Ce n"est ni l'état ni le gouvernement mais la reconstruction sociale systématique et coordonnée par les travailleurs qui est nécessaire pour construire une nouvelle société. Ce n'est pas l'état et ses méthodes policières mais la coopération solidaire de tous les éléments qui travaillent - le prolétariat, la paysannerie, l'intelligensia révolutionnaire - qui , en s'aidant mutuellement de par leur association volontaire , nous émanciperont de la superstition étatique et permettront la passage de l'ancienne civilisation abolie à un communisme libre."  Vu le caractère de cette profession de foi anarchiste , qui pouvait ne pas y souscrire! Et, certes, les bolchéviks ne diront pas autre chose , invoquant la contre-révolution et la nécessité de défendre coûte que coûte les acquis d'Octobre pour justifier leurs mesures coercitives. Mais ce que fait apparaître ce voyage dans les profondeurs de la société, c'est que l'état et ses méthodes policières ne faisaient qu'un avec le parti unique, et que la "négation de son origine" étaient en fait présente dès l'origine de cette révolution, dès lors qu'on la ramène à la prise du pouvoir par les bolchéviks et non par les soviets dont ils détournent le nom."

"Pour Berkman, les bolchéviks se sont servis des idéaux de la révolution pour mettre en place les instruments de la contre-révolution destinés à étouffer dans l’œuf toutes les initiatives prises par les défenseurs de ces idéaux."

"A sa suggestion de tenter une conciliation entre les positions des anarchistes et celle des bolcheviks , un ami répond à Berkman que la chose est impossible: les bolchéviks ont chaque fois rompu leurs promesses et ils ont exploité nos accords dans le seul but de démoraliser nos rangs: "Tu dois comprendre que le parti communiste est devenu un gouvernement à part entière, qui cherche à imposer sa loi au peuple et qui le fait avec les méthodes les plus drastiques. Il n'y a plus d'espoir de ramener les bolchéviks dans les voies révolutionnaires . Aujourd'hui , ils sont les pires ennemis de la révolution, beaucoup plus dangereux que les Denikine et les Wrangel , que les paysans connaissent comme tels. Le seul espoir de la Russie réside dans le renversement des communistes par la force grâce à un nouveau soulèvement du peuple ." 

"Un historien du bolchévisme , après avoir déclaré que "les bolchéviks avaient vaincu les thermidoriens" , à savoir les insurgés de Kronstadt , en rend un bilan qui rend thermidor à ses véritables instigateurs et bénéficiaires: "Avec l'insurrection et la répression de Cronstadt se terminait aussi le rêve de Mühsam et d'autres, l'unification des révolutionnaires marxistes et libertaires . Après l'échec de la médiation des anarchistes américains Emma Goldman et Alexandre Berkman , Cronstadt sera le symbole de de l'hostilité désormais irréconciliable entre ces deux courants du mouvement ouvrier.""

Massacre de Cronstadt:
"Ce jour-là, j'ai finalement , et irrévocablement, rompu avec les communistes . Il était devenu clair pour moi que jamais, en aucune circonstance, je ne pourrais accepter cette dégradation de la personne humaine et de la liberté, ce chauvinisme de parti et cet absolutisme d'état qui étaient devenus l'essence de la dictature communiste. J'ai enfin compris que l'idéalisme bolchévik n'était qu'un mythe, une illusion dangereuse, fatale à la liberté et au progrès."

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