Anarchosyndicalisme
et anarchisme Tactique et intervention syndicale
[Note
finale sur le contexte]
Préface
Quand
il y a un demi-siècle environ, les anarchistes russes avaient, les
premiers, levé l’étendard de l’anarchosyndicalisme, ce mot fut
reçu assez fraîchement par le mouvement anarchiste. Et en 1917, au
lendemain de la chute du tsarisme, qui fut aussi la veille de la
Révolution d’Octobre, les anarchistes communistes furent
excessivement réservés, voire hostiles, à cette nouvelle formation
anarchiste.
L’anarchosyndicalisme
n’est pas une doctrine. C’est la conjonction d’une doctrine
déterminée et d’une tactique syndicale également déterminée.
Le
syndicalisme révolutionnaire tel que nous le connaissions en France,
avant la guerre, fut créé, pour ainsi dire, et développé par des
militants anarchistes, par Pelloutier, par Griffuelhes, par Pouget.
Mais dès son avènement, ses créateurs et propagandistes, ses
militants voulurent entourer ce mouvement d’une muraille de
neutralisme absolu à l’égard de toute idéologie politique ou
philosophique. Rappelons-nous les termes de la charte d’Amiens.
Mais
la lutte de classes ne peut avoir de valeur positive que si elle est
constructive dans ses aspirations. Il fallait donc donner à cette
lutte un programme minimum de revendications partielles du présent.
L’anarchosyndicalisme
est précisément né de cette nécessité, que les anarchistes ont
finie par comprendre, d’ajouter au programme du jour un programme
social qui engloberait toute la vie économique et sociale d’un
peuple.
La
Grande Guerre balaya la Charte du neutralisme syndical. Et la
scission au sein de la Première Internationale entre Marx et
Bakounine eut son écho -à la distance de presque un demi-siècle-
dans la scission historique inévitable au sein du mouvement ouvrier
international d’après guerre. Contre la politique de
l’asservissement du mouvement ouvrier aux exigences de partis
politiques dénommés " ouvriers «, un nouveau mouvement, basé
sur l’action directe des masses, en dehors et contre tous les
partis politiques, surgissait des cendres encore fumantes de la
guerre de 1914-1918.
L’anarchosyndicalisme
réalisant la seule conjonction de forces et d’éléments capable
de garantir à la classe ouvrière et paysanne sa complète
indépendance et son droit inéluctable à l’initiative
révolutionnaire dans toutes les manifestations d’une lutte sans
merci contre le Capitalisme et l’Etat, et sans réédification, sur
les ruines des régimes déchus, d’une vie sociale libertaire.
L’anarchosyndicalisme complète donc l’anarchisme communisme. Ce
dernier souffrait d’une lacune considérable qui paralysait toute
sa propagande: son détachement des masses ouvrières. Pour y
infiltrer les principes libertaires et pour donner à ceux-ci des
possibilités de réalisation concrète, il avait fallu organiser des
syndicats et y étayer le syndicalisme sur des bases libertaires et
antiétatiques.
C’est
ce qu’a fait, c’est ce que continue à faire
l’anarchosyndicalisme; Maintenant que l’anarchosyndicalisme
existe comme force organisatrice de la révolution sociale
sur
des bases communistes libertaires, les anarchistes communistes se
doivent d’être pour l’organisation de la révolution, des
anarchosyndicalistes, et chaque anarchiste syndicable doit être
membre de la Confédération du travail anarchosyndicaliste.
Organisés,
en dehors des syndicats, dans leurs fédérations idéologiques ou
"spécifiques", (si l’on s’en tient à la terminologie
de nos camarades espagnols). Les anarchistes restent le ferment
toujours en éveil permettant à l’anarchosyndicalisme de bâtir,
mais ne lui permettant pas des compromissions dangereuses.
Mais
il ne faut pas que la direction idéologique, qui implique que les
"réalisateurs" sont imprégnés de l’idéal des
"propagandistes", se mue en direction effective. Jusqu’ici
et surtout après la guerre, les mouvements syndicaux, nationalement
ou internationalement s’étaient toujours trouvés à la remorque
d’un quelconque parti "ouvrier" ou d’une Internationale
"ouvrière". Il ne faut pas que l’anarchosyndicalisme,
qui représente aujourd’hui le mouvement syndicaliste
révolutionnaire d’action directe et de reconstruction libertaire
vienne, en imitant le reste du mouvement ouvrier, à se trouver, lui
aussi, à la remorque d’une organisation "spécifique"
quelconque, nationalement ou internationalement. L’erreur serait
aussi irrévocablement fatale qu’elle l’a été pour le mouvement
syndical à tendance réformiste ou dictatoriale. La Fédération
Anarchiste appuie la Confédération Anarchosyndicaliste dans son
oeuvre de lutte et de reconstruction révolutionnaire. Elle ne doit
en prendre ni l’initiative ni la direction. Une Internationale
Anarchiste ne peut, sur le terrain international, qu’être le
miroir des Fédérations Anarchistes nationales. Elle sera le rempart
de l’AIT, mais ne devra pas devenir son commandant en chef.
Tels
sont les problèmes que l’anarchosyndicalisme place devant le
mouvement anarchiste et que Pierre Besnard traite dans son Rapport.
Leur solution logique ne dépendra que de la juste compréhension du
passé, du présent et de l’avenir du mouvement anarchiste de ses
erreurs d’hier et des risques que le lendemain comporte.
Alexandre
Shapiro
Anarchosyndicalisme
et anarchisme Tactique et intervention syndicale
Avant
d’aborder le problème soumis à l’examen du Congrès, il me
paraît indispensable de donner quelques explications préalables.
Constatons
sans tarder davantage qu’il s’agit en réalité, de définir
aussi exactement que possible les rapports du mouvement Anarchiste
Révolutionnaire et des Forces Anarchosyndicalistes ou plus
clairement encore, de l’Internationale Anarchiste, à laquelle le
Congrès donnera naissance, et l’Association Internationale des
Travailleurs (AIT) Et pour résoudre convenablement cette question,
il n’est pas inutile, à mon avis:
1°
de définir succinctement et aussi précisément que possible
l’Anarchisme et l’Anarchosyndicalisme;
2°
de faire ressortir leurs caractères essentiels et de déterminer
leurs rôles respectifs;
3°
de démontrer l’identité de leur finalité;
4°
de déterminer leurs rapports.
I
- Qu’est-ce que l’Anarchisme révolutionnaire ?
L’Anarchisme
Révolutionnaire est un mouvement dont la doctrine tend à instituer
une vie individuelle et collective de laquelle l’État, le
Gouvernement et l’autorité seront exclus. La base d’une telle
société est indiscutablement l’homme. L’Anarchisme est donc
l’affirmation d’une revendication sociale permanente, dans
le présent, et infinie pour l’avenir, dans le progrès indéfini.
Il
suppose l’édification d’une construction économique
administrative et sociale et se doit de la définir dès maintenant.
Je suis convaincu que le Congrès ne manquera pas de le faire.
Historiquement,
l’Anarchisme Révolutionnaire est la troisième branche du
socialisme
traditionnel.
Il est, par opposition aux deux autres branches, le Socialisme et le
Communisme -toutes deux politiques, autoritaire et étatiques
apolitique, antiparlementaire et antiétatique. Sa caractéristique
essentielle est la liberté, dans le cadre de la responsabilité,
tant individuelle que collective.
Ses
tâches principales actuellement sont : la propagande, la
vulgarisation et l’éducation sociale des masses travailleuses,
aujourd’hui ; l’administration sociale, demain.
II-
Qu’est-ce que l’Anarchosyndicalisme
L’anarchosyndicalisme
est un mouvement organique et organisé. Il tient sa doctrine de
l’Anarchisme et sa forme d’organisation du Syndicalisme
Révolutionnaire.
Il
est l’expression actuelle, sur le plan économique et social, de la
doctrine anarchiste.
Il
en est aussi, sur le terrain révolutionnaire, comme le prouve
l’expérience espagnole elle-même, l’agent essentiel de
réalisation. Il est représenté dans le monde pat l’AIT et ses
Centrales Nationales. Sa doctrine a été définie par le Congrès
constitutif de la 2ème AIT (25 au 31 décembre 1922), par les
Congrès successifs, les ouvrages et écrits de ses militants. La CNT
représente en Espagne, l’Anarchosyndicalisme de l’AIT.
Pratiquement et non moins historiquement, l’Anarchosyndicalisme est
la forme organique que prend l’Anarchie, pour lutter contre le
capitalisme. Il est en opposition fondamentale avec le Syndicalisme
politique et réformiste.
La
substitution de la notion de classe à la notion de parti fait de
l’Anarchosyndicalisme une nécessité pour les travailleurs,
obligés de défendre leurs conditions de vie, de préparer leur
affranchissement économique et social.
Le
mouvement Anarchosyndicaliste permet de conjuguer l’action pour la
lutte revendicative quotidienne et les aspirations les plus hautes
des travailleurs.
Il
réalise l’union de ceux-ci sur le double plan des intérêts
matériels et moraux, immédiats et futurs.
Il
fait surgir de la communauté des intérêts l’identité des buts
et, par voie de conséquence logique et naturelle, la concordance des
doctrines.
L’Anarchosyndicalisme,
comme toute doctrine vraiment sociale, est essentiellement
expérimental.
La preuve est faite aujourd’hui, en Espagne, que sa doctrine,
consacrée et confirmée par les faits, est immédiatement
réalisable.
Expérimental
? Il l’est comme tous les mouvements sociaux et toutes les
sciences; En sociologie, comme en physique, en chimie, en mécanique,
l’idée part de fait pour revenir au fait. Toujours le fait précède
l’idée et crée la doctrine, la philosophie, d’où sortira la
réalisation. La doctrine, l’idée, le désir de recherches
nouvelles pour arriver au but sont les conséquences de phénomènes
constatés qui donnent naissance à des lois admises par tous et que
l’expérience consacre. Constatations historiques
Qu’enseigne,
depuis des siècles, l’expérience sociale dans tous les pays et,
particulièrement, dans le monde moderne ?
1°
Que les individus, au sein de leur propre classe, s’unissent de
plus en plus sur le plan solide de leurs intérêts ;
2°
Que les classes antagonistes cherchent par l’élimination de leurs
propres contradictions à réaliser leur intérêt général ; les
capitalistes par l’instauration du capitalisme d’État, dont le
fascisme est l’expression la mieux caractérisée ; les
travailleurs par l’expropriation capitaliste, la suppression du
salariat, l’abolition de l’Etat et l’institution du Communisme
Libertaire;
3°
Que les travailleurs tentent, comme leurs adversaires - après eux,
malheureusement – de réaliser l’union et la synthèse de toutes
leurs forces, parce qu’ils ont compris, enfin, que les luttes
décisives qui se déroulent exigent, à la fois: l’organisation
méthodique, la coordination, l’action massive et ordonnée de ces
forces ; parce qu’ils ont retenu la leçon des faits et des
expériences, qui leur indique clairement que faction doit être
préparée, directe, générale et simultanée ;
4°
Que l’ère des révolutions politiques est close ; que l’heure de
la révolution sociale est, partout, arrivée ; qu’aucun parti ou
gouvernement non spécifiquement de classe, prolétarien, ne peut par
l’opposition des intérêts discordants de ses composants
hétérogènes être une formation de combat révolutionnaire, une
organisation de classe ; qu’un patron, se déclarerait-il
révolutionnaire, communiste ou anarchiste - cela existe - s’il
peut être d’accord avec son ouvrier idéologiquement, au siège du
groupement n’a en fait, aucun intérêt de classe commun avec lui
dès que tous les deux se retrouvent à l’usine, au chantier, à
l’atelier., au bureau, etc. Dans la vie réelle ils sont et restent
: l’un un patron, l’autre un ouvrier avec tous les antagonismes
que ces situations comportent.
5°
Que le seul groupement réellement de classe, capable à la fois, par
son nombre, sa puissance, les moyens qu’il détient - et peut,
seul, faire mouvoir - de détruire le capitalisme et de réaliser le
communisme libertaire est le Syndicat. C’est lui qui groupe déjà
organiquement les forces manuelles, techniques et scientifiques -
qu’il recèlera davantage encore demain - qui assurent en tout
temps la continuité de la vie sociale. Le Syndicat est également le
groupement type, la forme d’association libre et concrète qui peut
fournir à la société communiste libertaire les bases économiques
solides, indispensables à l’ordre nouveau qui surgira de la
révolution. L’Anarchisme révolutionnaire et l’Anarchosyndicalisme
ont une même finalité La Charte de l’AIT a dégagé de toutes ces
considérations historiques une conception qui est commune à tous
les anarchosyndicalistes du monde. La CNT, en accord avec la FAI, en
tente en ce moment même la réalisation.
Cette
conception n’implique nullement que l’anarchosyndicalisme -
antiétatiste et fédéraliste, ne l’oublions pas - entend et
prétend être tout et que rien d’autre ne doit exister à côté
de lui. L’anarchosyndicalisme estime, au contraire, que les hommes,
s’ils ne peuvent se passer de produire pour vivre, ne doivent pas
avoir pour unique but de produire. Il admet très sincèrement et il
n’hésite pas à le proclamer que l’homme a et doit avoir
d’autres aspirations - et les plus hautes – vers le bien, le
beau, le mieux, et cela, dans tous les domaines où il a accès avec
ses facultés ; que des organismes administratifs et sociaux adéquats
à toutes nécessités d’une vie pleine, entière et totale,
fonctionnant avec le concours éclairé et sous le contrôle
vigilant, constant et permanent de tous.
Il
admet indubitablement que les individus ont le droit - mieux, le
devoir - de s’administrer eux-mêmes. Il les y invite formellement
d’ores et déjà. De même, ils souhaitent ardemment que les
communes se fédèrent régionalement, se confédèrent
nationalement
et que les confédérations s’associent internationalement comme
les syndicats et leurs C.G.T.
Il
est même convaincu que c’est indispensable et il est prêt à unir
ses efforts et ceux de ses syndicats aux efforts des individus en
tant que tels, des communes fédérées, confédérées et associées
pour réaliser le véritable communisme libertaire qui ne peut être
que l’oeuvre de l’anarchisme. Je l’ai d’ailleurs expressément
déclaré dans ses livres Les Syndicats ouvriers et la révolution
sociale et le Monde nouveau.
L’accord
sur la finalité du communisme libertaire, entre les
anarchosyndicalistes et les anarchocommunistes est forcement complet,
permanent et absolu.
Il
est donc clair et évident que la place des travailleurs, des
exploités de toutes sortes, dont l’anarcho-communisme est l’idéal,
ne peut être que dans les syndicats anarchosyndicalistes et non
ailleurs. Leur doctrine leur en fait un devoir impérieux, précis et
inéluctable.
C’est
d’ailleurs le meilleur moyen pratique de réaliser concrètement
l’unité d’action si nécessaire au mouvement anarchiste
révolutionnaire moderne.
Ce
n’est que dans l’action et par l’action que les anarchistes
retrouveront leur véritable unité de pensée ; que le mouvement
anarchosyndicaliste désaxé depuis trente ans retrouvera aussi son
équilibre et sa force ; que tous les anarchistes, enfin, pourront
considérer la révolution sociale comme une éventualité prochaine
et une réalisation possible; Le rôle des Groupes Anarchistes et des
Syndicats Ce qui précède nous conduit normalement et logiquement à
envisager le rôle des groupes anarchistes et des syndicats.
Les
anarchosyndicalistes admettent que parfaitement les groupes
anarcho-communistes, plus mobiles que les organisations syndicales,
prospectent les masses travailleuses ; qu’ils recherchent ses
adhérents et forment des militants ; qu’ils fassent une propagande
active et oeuvre intense de défrichement, dans le but d’amener à
eux, et conséquemment, aux syndicats anarchosyndicalistes, à la
cause de la révolution sociale, le plus grand nombre possible de
travailleurs trompés et dupés, jusque là, par tous les partis
politiques, sans exception.
Cette
tâche purement idéologique. cette besogne de propagande d’ordre
moral sont,
incontestablement,
du ressort des groupes anarcho-communistes, à la condition expresse
qu’elles s’identifient avec le travail des syndicats
anarchosyndicalistes, qu’elles le complètent et le renforcent,
pour le plus grand bien du communisme libertaire. Mais je déclare
carrément que la responsabilité de la décision, de l’action et
le contrôle de celles ci doivent appartenir actuellement aux
syndicats, agents d’exécution et de réalisation des tâches
révolutionnaires.
J’estime
également que c’est à ces syndicats qu’il incombe de présenter
toutes ces tâches, sur le plan économique, défensif et offensif.
Enfin,
je considère que le système économique, administratif et social
doit être homogène, harmonique, et que la base de ce système, pour
être réelle, solide et durable, ne peut être qu’économique.
Je
revendique comme un droit pour les syndicats l’accomplissement des
tâches économiques révolutionnaires et postrévolutionnaires parce
que l’organisation de la production est la véritable fonction des
travailleurs.
Par
contre, il est logique que les communes, organes administratifs,
leurs services techniques et sociaux aient le soin de distribuer la
production ; d’interpréter les désirs des hommes sur le plan
social, d’organiser la vie dans toutes ses manifestations. Dès
maintenant, les groupes anarchistes ont pour devoir de préparer ces
réalisations révolutionnaires. La besogne de chacun des organismes
est donc extrêmement nette, parfaitement délimitée. Elle suffira
largement à accepter sur chaque plan l`activité et les efforts de
tous, selon les attributions réelles de chacun.
À
aucun moment, j’en donne l’assurance la plus formelle, les
syndicats anarchosyndicalistes ne pourront constituer un obstacle à
la marche en avant du communisme révolutionnaire. À aucun moment,
non plus, ils ne pourront devenir réformistes, parce qu’ils sont
et resteront révolutionnaires, fédéralistes et antiétatiste,
parce qu’ils visent, en un mot, comme les groupes
anarcho-communistes, à instaurer le communisme libertaire.
En
conclusion de cette partie de mon exposé, j’affirme:
1
° Que le mouvement anarchosyndicaliste ne peut dévier, en raison du
contrôle permanent et sévère qui s’exerce sué les organisations
et les militants;
2°
Que le mouvement anarchosyndicaliste, épuise, sur le plan actuel,
dans le domaine
révolutionnaire,
les moyens de réalisation du communisme libertaire. Qu’il
appartient aux groupes anarcho-communistes, sur le plan exclusivement
idéologique, de porter la propagande aussi loin que possible;
3°
Que le mouvement anarcho-communiste doit s’intéresser surtout aux
tâches de propagande et d’éducation ; d’étude et de
vulgarisation social; 4° Que le meilleur contact permanent qui
puisse être réalisée sera, comme en Espagne. Par l’adhésion
sans restriction de tous les anarcho-communistes, dans tous les pays,
aux syndicats anarchosyndicalistes, chargés de la préparation et de
l’exécution de l’action, seuls capables de mener celle-ci à
bonne fin, avec des effectifs et des moyens suffisants ; que la
doctrine expérimentale de l’anarchosyndicalisme, qui est celle de
l’anarchisme lui-même, est assez solide et ferme pour ne pas
risquer aucune atteinte, atténuation ou déviation.
5°
Que l’anarcho-communisme, véritable figure du socialisme, est né
de la carence totale de tous les partis politiques ; que
l’anarchosyndicalisme, forme moderne et active de ce mouvement,
issu lui même de l’anarchisme, remplit présentement toutes les
tâches positives de l’anarcho-communisme et prépare les voies du
communisme libertaire dont il sera le principal agent de réalisation
; que les tâches de l’anarcho-communisme - comme celles de
l’anarchosyndicalisme - s’épuiseront dans la période
postrévolutionnaire quand les hommes, par leur évolution et le
développement de leurs facultés de compréhension, seront capables
d’accéder au communisme libre, finalité de l’anarchie.
En
résumé, l’anarchosyndicalisme est la force nécessaire de lutte,
dans le régime actuel, de l’agent de réalisation économique du
communisme libertaire, dans la période postrévolutionnaire.
L’anarchisme aide le mouvement anarchosyndicaliste, sans se
substituer à lui. L’activité de ses militants se confond, dans
les syndicats, avec celle des militants anarchosyndicalistes.
Les
deux mouvements se doivent donc une aide mutuelle et permanente.
Et,
plus tard, dans la paix, la concorde et l’harmonie, l’anarchisme
et l’anarchosyndicalisme, confondus dans un même mouvement,
poursuivront la réalisation du communisme libre, but suprême de
l’anarchie.
La
tâche la plus urgente de l’anarchosyndicalisme est aujourd’hui
d’organiser dans son sein les travailleurs en vue de la lutte
décisive contre le capitalisme ; de préparer techniquement cette
lutte, d’opérer la synthèse des forces de la production pour la
construction révolutionnaire de l’ordre communiste libertaire ;
et, demain, de l’organisation économique, et cela, jusqu’à
l’instauration du communisme libre ; de défendre, enfin la
révolution. Celle de l’anarchisme révolutionnaire consiste à
aider de toutes ses forces à leur accomplissement par tous les
moyens dont il dispose.
Rapports
de l’anarchisme et de l’anarchosyndicalisme De toute évidence,
des rapports doivent exister entre l’anarchisme et
l’anarchosyndicalisme, tant sur le plan national qu’international.
L’A.I.T. a, d’ailleurs, prévu cette éventualité dès son
Congrès constitutif.
Ces
rapports doivent être basés sur l’indépendance et l’autonomie
réciproque des deux mouvements et demeurer sur le plan de la plus
parfaite égalité. En dehors de la copénétration des deux
mouvements, par l’action de leurs militants, il est souhaitable que
dans chaque localité, chaque région, chaque pays, des contacts
s’établissent entre les organisations anarchistes et
anarchosyndicalistes. Pour être féconds et durables, ces rapports
devront reposer sur les bases d’une tolérance mutuelle, facilité
par une identité de doctrine sur tous les plans, et une
compréhension exacte des tâches qui incombent aux deux mouvements.
Ces tâches sont suffisamment définies par le présent rapport pour
ne pas prêter à confusion et à chevauchement.
1°
L’unité de doctrine des anarchistes dans chaque pays;
2°
L’unification, également dans chaque pays, des groupements
anarchistes, sur le plan de la doctrine unique de l’anarchisme
révolutionnaire.
Conclusions
générales
Quels
que soient les désirs du Congrès et ceux de l’A.I.T. de réaliser
pratiquement ces rapports, ils ne pourront y parvenir, comme
l’exigent les événements, si ces ceux conditions n’étaient pas
remplies préalablement par les mouvements anarchistes dans chaque
pays. Il eût été infiniment préférable et aussi conforme à nos
principes connus qui sont ceux du fédéralisme, que cette unité de
doctrine et cette unification de forces anarchistes fussent réalisées
avant la tenue du Congrès qui doit donner naissance à
l’Internationale Anarchiste. Au nom des anarchosyndicalistes qui
ont atteint ce double but par la constitution de l’actuelle AIT
depuis 1922, je demande instamment à tous nos camarades anarchistes
révolutionnaires de nous suivre dans cette voie.
S’ils
acceptent tous, l’Internationale qui sortira de ce Congrès
méritera le titre qu’ils lui donneront certainement et qui ne peut
être que: L’Internationale anarchiste révolutionnaire -et j’y
insiste- ils atteindront ce but sans difficulté. Il suffit, mais il
faut, qu’ils acceptent tous de rompre définitivement avec les
forces prétendues démocratiques tant politiques que syndicales;
qu’ils affirment que l’anarchisme révolutionnaire. Par ses buts,
ses moyens d’action, sa doctrine, n’a rien et ne peut rien avoir
de commun avec ces forces dites " démocratiques " qui
sont, dans tous les pays, les meilleurs serviteurs du capitalisme.
Si, poussant ce geste jusqu’à sa limite, le mouvement anarchiste
révolutionnaire rompt également avec toutes les dissidences des
partis politiques autoritaires qui, comme leurs partis originels,
n’ont qu’un désir: prendre ou reprendre le pouvoir, le mouvement
anarchiste révolutionnaire et le mouvement anarchosyndicaliste
pourront marcher sans crainte et de pair vers leur but commun : la
transformation sociale révolutionnaire par l’établissement du
communisme libertaire, étape nécessaire du communisme libre.
Secrétaire
général de l’AIT Pierre Besnard
[Note
finale sur le contexte]
Les
textes d’Alexandre Shapiro et de Pierre Besnard ont la qualité
d’une lecture valable aujourd’hui, tout en étant directement
adressés aux dirigeants de la CNT et de la FAI espagnoles en pleine
collaboration gouvernementale avec des partis politiques de la
démocratie cloacale capitaliste dite de gauche.
Besnard,
au nom de l’AIT, était en Espagne dès septembre 1936 pour inciter
à une action envers les indépendantiste marocains (pour affaiblir
une partie des troupes franquistes venant de la zone marocaine
espagnole) et pour impulser des achats d’armes. Shapiro avait
rédigé un rapport sur le mouvement espagnol en 1933
(http://www.fondation-besnard.org/article.php3?id_article=87).
L’enlisement politicard obstiné des dirigeants cénétistes et
faïstes fut critiqué dans des réunions de l’AIT tant en novembre
1936 qu’en juin 1937. La direction CNT-FAI fit le forcing en
décembre 1937 pour écarter les voix critiques de Besnard et Shapiro
et réussit sa manoeuvre. (Voir le livre – malheureusement épuisé-
de Jérémie Berthuin La CGT SR (de l’espoir à la désillusion.
Juillet 1936- décembre 1937), Paris, éd. CNT-RP).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire