jeudi 11 avril 2024

Poème de Paul Eluard 1950 : Légion

 Légion

Si j'ai le droit de dire en français aujourd'hui

Ma peine et mon espoir ma colère et ma joie

Si rien ne s'est voilé définitivement

De notre rêve immense et de notre sagesse


C'est que ses étrangers comme on les nomme encore

Croyaient à la justice et concrète

Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables

Ces étrangers savaient quelle était leur patrie


La liberté d'un peuple oriente tous les peuples

Un innocent aux fers enchaine tous les hommes

Et qui se refuse à son coeur sait sa loi

Il faut vaincre le gouffre et vaincre la vermine


Ces étrangers d'ici choisirent le feu

Leurs portraits sur les murs sont vivants pour toujours

Un soleil de mémoire éclaire leur beauté

Ils ont tué pour vire ils ont crié vengeance


Leur vie tuait la mort au coeur d'un miroir fixe

Le seul vœu de justice a pour écho la vie

Et, lorsqu'on n'entendra que cette voix sur terre

Lorsqu'on ne tuera plus ils seront bien vengés


Et ce sera justice.

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