La séance curieuse est une
rencontre autour de la projection d’un film documentaire ou cinématographique sur
un sujet. La projection est suivie d’un débat soit avec un invité en lien avec
la projection soit avec Raphael Allain autour du sujet de celle-ci.
Cette fois-ci, il s’agissait
de parler de deux sujets d’abord le contenant c’est-à-dire le documentaire en lui-même et
ensuite sur le contenu c’est-à-dire Hubert Selby Jr. Cette projection clôturait
un cycle sur la culture underground américaine par la littérature subversive de
cet écrivain.
Le contenant, c’est-à-dire,
le documentaire. Celui-ci date de 2000 et l’auteur est déjà âgé de 71 ans. C’est-à-dire
que c’est un vieillard qui n’est plus ce personnage sulfureux qui fit trembler
l’Amérique par ses écrits. Etant prévu pour un passage à la
télévision, le format est de 53 minutes et laisse très peu de temps pour entrer
dans les détails. Il faut faire un choix sur les questions abordés et sur l’angle
d’attaque de ce documentaire. N’étant pas un spécialiste du cinéma, je ne peux
faire que des critiques de néophyte.
Pour ma part, nous n’avons
pas assez fouillé son écriture qui ne fut pas si sulfureuse que cela. A part quelques lignes que l’auteur
nous lit lui-même, ou par une voix off ; nous n’avons que peu d’exemple
pour se faire une idée. Donc pour une présentation de l’auteur en tant qu’auteur
subversif, cela laisse un peu à désirer. Tout au plus nous a –t-on montré un vieil
homme, au corps partiellement endommagé par des maladies enfantines mais qui
avait une élégance particulière. Comme pour nous prouver que les pires auteurs
peuvent être élégants alors que les gens les pensent dans des grottes, mangeant
des chauves-souris, tuant des enfants ou on ne sait quoi. Nous avons eu aussi
nos élégants sulfureux : Georges Bataille, Pierre Guyotat ou Bernard Noël
au travers de son récit « Le château de Cène ». L’idée du
réalisateur, adorateur de cet écrivain, nous dit vouloir le montrer tel qu’il
est or je m’étonne que quand celui-ci veut être torse nu parce qu’il a chaud,
le réalisateur lui demande de mettre un tee-shirt, je m’étonne.
Bref, je n’ai que peu de
chose à raconter sur le contenant.
Par contre, vers la fin du
documentaire, on nous montre cet homme qui ne croyait en rien, qui vivait comme
un mécréant, se tourner vers la spiritualité. Et alors, m’est venue cette
réflexion : Je n’ai encore connu personne qui avait eu le courage de
supporter se peur de la mort jusqu’à l’arrivée de celle-ci. Toujours à un
moment, le mourant tente de croire en quelque chose, et je pense que sa
croyance soudaine est exactement à la hauteur de la puissance de sa peur. Mais
alors, lorsqu’il revendique toute sa vie la valeur de la liberté, c’est-à-dire de
ne croire en rien de spirituel, que la vie se termine et qu’après il n’y a plus
rien, à cause de la peur, il meurt en homme asservie, suppliant.
Mais cela ne veut pas dire
ou laisser croire que je serais capable de mourir comme j’ai vécu, c’est-à-dire
en incroyant. Cela pose aussi la question du Dieu, de la valeur de la croyance
en un Dieu que l’on a renié toute sa vie et que l’on tente de persuader à la
dernière minute de sa foi. Et ce Dieu miséricordieux, ne peut croire en la
valeur de cette foi soudaine et intéressée mais pour faire du chiffre, il
accepte.
Et pour le croyant, que
pense-t-il lorsqu’il constate que toute sa vie il n’a pas vécu tout ce qu’il
voulait vivre parce que son Dieu lui a dit que ce n’était pas bien et il se
rend compte que celui qui soudain croit parce qu’il va mourir aura le même
traitement que lui, les mêmes places, et les mêmes délices. Comment pourra-t-il
continuer à aimer ce Dieu ?
Cela m’a amené à la question
que je me pose plus globalement sur le fait d’assumer ces actions jusqu’au
bout, sans les renier, en les assumant et en assumant le fait que toutes
actions a des conséquences à un moment ou un autre. C’est ce que reproche
Maurice Blanchot à Heidegger, de ne pas avoir assumé jusqu’au bout son adhésion
à l’idéologie nazie. Ce qui peut paraitre comique, c’est que lui-même est resté
dans la presse d’extrême droite jusqu’en 1942-43 sans que lui-même ne l’ai
jamais reconnu officiellement, jusqu’à s’isoler jusqu’à la fin de sa vie.
Cette question est dans un
autre genre mais elle relève de la même mécanique.
Au tribunal de Nuremberg, il
y a eu ce procès immense sur les crimes nouvellement inventés pour l’occasion
(génocide, crime contre l’humanité) avec un panel de dignitaires nazis. Ces gens
ont passé des années (1933 – 1944) a revendiqué leur haine des juifs et de
toutes « les sous-races » qu’ils détestaient. Et alors qu’ils se
trouvent devant un auditoire mondial ils se sont tous rétractés derrière la
bureaucratisation de l’extermination. Ils n’étaient que des fonctionnaires
zélés qui obéissaient à des ordres.
Les seuls qui ont assumés
jusqu’au bout c’est Goebbels et Hitler qui ne voulaient en aucun cas être jugés
par des juifs ou leurs amis, n’attendant et ne voulant demander aucun pardon,
ils se sont donnés la mort.
Donc la question finale que
je me pose : vivre comme on l’entend, mourir comme on est, c’est-à-dire,
croyant ou incroyant, est-ce une question de courage.
Pour en revenir à Selby, ou
autres, il n’est pas question de juger, il est question de s’interroger, et d’arriver
à ce qui m’intéresse : vais-je réussir à avoir ce courage ?
J’espère avoir la réponse le
plus tard possible.
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