dimanche 14 avril 2024

La séance curieuse N°35 : Hubert Selby Jr 2 ou 3 choses de Ludovic Cantais

 


 

La séance curieuse est une rencontre autour de la projection d’un film documentaire ou cinématographique sur un sujet. La projection est suivie d’un débat soit avec un invité en lien avec la projection soit avec Raphael Allain autour du sujet de celle-ci.

Cette fois-ci, il s’agissait de parler de deux sujets d’abord le contenant c’est-à-dire le documentaire en lui-même et ensuite sur le contenu c’est-à-dire Hubert Selby Jr. Cette projection clôturait un cycle sur la culture underground américaine par la littérature subversive de cet écrivain.

Le contenant, c’est-à-dire, le documentaire. Celui-ci date de 2000 et l’auteur est déjà âgé de 71 ans. C’est-à-dire que c’est un vieillard qui n’est plus ce personnage sulfureux qui fit trembler l’Amérique par ses écrits. Etant prévu pour un passage à la télévision, le format est de 53 minutes et laisse très peu de temps pour entrer dans les détails. Il faut faire un choix sur les questions abordés et sur l’angle d’attaque de ce documentaire. N’étant pas un spécialiste du cinéma, je ne peux faire que des critiques de néophyte.

Pour ma part, nous n’avons pas assez fouillé son écriture qui ne fut pas si sulfureuse que cela. A part quelques lignes que l’auteur nous lit lui-même, ou par une voix off ; nous n’avons que peu d’exemple pour se faire une idée. Donc pour une présentation de l’auteur en tant qu’auteur subversif, cela laisse un peu à désirer. Tout au plus nous a –t-on montré un vieil homme, au corps partiellement endommagé par des maladies enfantines mais qui avait une élégance particulière. Comme pour nous prouver que les pires auteurs peuvent être élégants alors que les gens les pensent dans des grottes, mangeant des chauves-souris, tuant des enfants ou on ne sait quoi. Nous avons eu aussi nos élégants sulfureux : Georges Bataille, Pierre Guyotat ou Bernard Noël au travers de son récit « Le château de Cène ». L’idée du réalisateur, adorateur de cet écrivain, nous dit vouloir le montrer tel qu’il est or je m’étonne que quand celui-ci veut être torse nu parce qu’il a chaud, le réalisateur lui demande de mettre un tee-shirt, je m’étonne.

Bref, je n’ai que peu de chose à raconter sur le contenant.

 

Par contre, vers la fin du documentaire, on nous montre cet homme qui ne croyait en rien, qui vivait comme un mécréant, se tourner vers la spiritualité. Et alors, m’est venue cette réflexion : Je n’ai encore connu personne qui avait eu le courage de supporter se peur de la mort jusqu’à l’arrivée de celle-ci. Toujours à un moment, le mourant tente de croire en quelque chose, et je pense que sa croyance soudaine est exactement à la hauteur de la puissance de sa peur. Mais alors, lorsqu’il revendique toute sa vie la valeur de la liberté, c’est-à-dire de ne croire en rien de spirituel, que la vie se termine et qu’après il n’y a plus rien, à cause de la peur, il meurt en homme asservie, suppliant.

Mais cela ne veut pas dire ou laisser croire que je serais capable de mourir comme j’ai vécu, c’est-à-dire en incroyant. Cela pose aussi la question du Dieu, de la valeur de la croyance en un Dieu que l’on a renié toute sa vie et que l’on tente de persuader à la dernière minute de sa foi. Et ce Dieu miséricordieux, ne peut croire en la valeur de cette foi soudaine et intéressée mais pour faire du chiffre, il accepte.

Et pour le croyant, que pense-t-il lorsqu’il constate que toute sa vie il n’a pas vécu tout ce qu’il voulait vivre parce que son Dieu lui a dit que ce n’était pas bien et il se rend compte que celui qui soudain croit parce qu’il va mourir aura le même traitement que lui, les mêmes places, et les mêmes délices. Comment pourra-t-il continuer à aimer ce Dieu ?

 

Cela m’a amené à la question que je me pose plus globalement sur le fait d’assumer ces actions jusqu’au bout, sans les renier, en les assumant et en assumant le fait que toutes actions a des conséquences à un moment ou un autre. C’est ce que reproche Maurice Blanchot à Heidegger, de ne pas avoir assumé jusqu’au bout son adhésion à l’idéologie nazie. Ce qui peut paraitre comique, c’est que lui-même est resté dans la presse d’extrême droite jusqu’en 1942-43 sans que lui-même ne l’ai jamais reconnu officiellement, jusqu’à s’isoler jusqu’à la fin de sa vie.

Cette question est dans un autre genre mais elle relève de la même mécanique.

Au tribunal de Nuremberg, il y a eu ce procès immense sur les crimes nouvellement inventés pour l’occasion (génocide, crime contre l’humanité) avec un panel de dignitaires nazis. Ces gens ont passé des années (1933 – 1944) a revendiqué leur haine des juifs et de toutes « les sous-races » qu’ils détestaient. Et alors qu’ils se trouvent devant un auditoire mondial ils se sont tous rétractés derrière la bureaucratisation de l’extermination. Ils n’étaient que des fonctionnaires zélés qui obéissaient à des ordres.

Les seuls qui ont assumés jusqu’au bout c’est Goebbels et Hitler qui ne voulaient en aucun cas être jugés par des juifs ou leurs amis, n’attendant et ne voulant demander aucun pardon, ils se sont donnés la mort.

Donc la question finale que je me pose : vivre comme on l’entend, mourir comme on est, c’est-à-dire, croyant ou incroyant, est-ce une question de courage.

 

Pour en revenir à Selby, ou autres, il n’est pas question de juger, il est question de s’interroger, et d’arriver à ce qui m’intéresse : vais-je réussir à avoir ce courage ?

 

J’espère avoir la réponse le plus tard possible.

Aucun commentaire: