Article : « Le rejet des personnes contraintes à l’exil qui viennent à nous » Par Claude Calame
« A cet égard, il faut
également compter avec une large externalisation des frontières de l’UE
notamment à partir de l’accord entre l’UE et la Turquie de mars 2016 ; aux
termes de contrat ce pays retient sur son territoire les désormais quatre
millions de réfugiés essentiellement syriens tentant de passer en Grèce. Ces
mesures d’externalisation se sont multipliées jusqu’au récent accord de la
Commission européenne avec le président de la Tunisie. Dans ce « partenariat
stratégique sur l’immigration » est prévue une aide de 105 millions d’euros
pour lutter contre « l’immigration irrégulière » ; en fait,
selon les mots du président Sayed, il s’agit de repousser « les hordes de
migrants subsahariens » destinés à altérer la « composition
démographique » du pays…S’y ajoute de longue date et sous différentes
formes une collaboration étroite de l’UE avec les garde-côtes de Libye, qui interceptent
les migrantes et les migrants tentant de traverser la Méditerranée centrale,
pour les enfermer dans de véritables camps de concentration ; elles et ils
y sont les victimes racisées de violences, de viols, de rackets, de travail
forcé quand elles et ils n’affrontent pas la mort. Et, en passant par le Maroc
avec la répression dont les exilés subsahariens sont les victimes avec le
soutien tacite de l’UE, l’externalisation des frontières de l’UE pour barrer la
route aux personnes contraintes à l’exil s’étend jusqu’au Niger, avec la
signature en juillet 2022 d’ »un partenariat opérationnel de lutte contre
le trafic de migrants ».
« 1. Une politique
discriminatoire et mortifère.
Depuis le tournant du
millénaire, les conséquences pratiques de cette politique de fermeture des
frontières de l’UE aux personnes contraintes d’une manière ou d’une autre à l’exil
sont toujours plus mortelles. Pour nous limiter à ce même début d’été 2023, on
vient d’évoquer en Tunisie le pogrom de migrants subsahariens brutalement
repoussés en Libye. On se souvient aussi de la vedette en difficulté au large
des côtes de Kalamata en Grèce, dûment identifiée par Frontex et que les
garde-côtes grecs ont consciemment laissé couler, provoquant la disparition de
plus de cinq cents personnes
exilées, hommes, femmes et enfants. Et que dire de cette pirogue qui a chaviré
au large du Sénégal entrainant dans son naufrage quinze jeunes migrants engagés sur la nouvelle « route des
canaries » ? Ils ont rejoint ainsi les 1126 migrants-es disparus et morts en 2021 et 559 en 2022 (selon
les tristes statistiques émises par l’OIM). Ces cadavres s’ajoutent aux 1553, puis 1417 personnes qui ont trouvé la
mort en Méditerranée centrale pendant ces deux dernières années, avec une
forte augmentation prévue en 2023. Rappelons à ce propos que, de manière
globale, si l’on tient compte en particulier des 87 exilés morts en 2022 sur les routes du Sahara et les 27 morts par naufrage dans la Manche
fin 2021 (six nouveaux morts en aout
2023), on parvient à un total de près de 20000 personnes exilées qui ont perdu la vie sur les routes à
destination et au sein de l’Europe entre 2014 et 2022. Un crime contre l’humanité qui a été dénoncé à plusieurs occasions,
notamment devant la Cour pénale internationale. »
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