samedi 20 avril 2024

"De l'argent : la ruine de la politique" Par Michel Surya

 "L'étrange arrangement sur lequel on a vu à peu près tout le monde s'accorder a consisté à dire: convenons que la domination est sans parade, pourvu qu'on convienne que la politique existe encore. Si possible, que c'est à la politique qu'elle le doit.

Or c'est l'évidence: il n'y a plus rien qui soit qui doive à la politique. Parce qu'il n'y a plus rien qui soit qui ne dépende de l'Organisation mondiale du Commerce. Le jour où le mur de Berlin est tombé, quelque pitoyable que fût devenu le monde qu'il ensevelissait, c'est le commerce qui a su alors qu'il disposait d'un espace que rien ne limitait plus. Qu'au contraire rien ne l'empêcherait plus de régenter tout entier. L'organisation mondiale du commerce s'est mise à décider des conditions des échanges comme on avait jusqu'alors décidé des conditions des souverainetés. Les souverainetés dont on décidait jusqu'alors au moyen de la politique étaient absurdes, sans doute, ou révolues; celles dans lesquelles on déciderait désormais de ce qui tiendrait lieu de politique ( c'est-à-dire le commerce) seraient cyniques. Et violentes."


"Le capital s'est sorti à son avantage de ce jeu.

Au point qu'on oublie qu'il n'est pas moins une idéologie que le communisme ne l'était. Qu'il est une idéologie comme le communisme l'était. Au point qu'on ne compte pas les morts qu'il a faits. On en est là. C'est étrange sans doute. L'histoire en est à ce moment, étrange entre tous, où l'on ne compte les morts que d'un côté.

Et c'est ce qu'il a fallu qu'on comptât. Il fallait que tous ceux qui ont intérêt à discréditer les révolutions puissent compter les morts que celles-ci ont faits. Pour dire à la fin que seules les révolutions ont fait des morts. Que c'est même à cela qu'il est possible de reconnaitre les révolutions : aux morts qu'elles ont faits."



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