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La Paléontologie est loin
d'être une science morte. Elle a fait ses preuves, elle est appelée à prendre
une place de plus en plus importante parmi les connaissances humaines. Elle
ouvre au philosophe des horizons infinis, et peut-être nous permettra-t-elle de
percer, un jour, le mystère des origines. Elle s'appuie sur les autres
sciences, qui, elles-mêmes, s'appuient sur elle. Son but est de démontrer que
l'homme n'est pas né d'hier, mais d’avant-hier, et qu'au lieu de sortir comme
une créature parfaite des mains du créateur, il a été lentement engendré par
toute la série des êtres qui l'ont précédé. C'est dire qu'il y a deux
paléontologies : la paléontologie animale et la paléontologie humaine. Mais
esquissons brièvement l'histoire de cette science. Nous apercevrons mieux,
ensuite, son but et ses moyens.
La paléontologie se
préoccupe, avant toute chose, de l'étude des fossiles, animaux et végétaux,
conservés entièrement ou en partie dans les couches géologiques. C'est dire
qu'elle ne peut se passer de la géologie, qu'elle s'appuie sur elle pour la
dépasser. On pourrait ergoter sur le mot « fossiles », et ne l'employer que
pour désigner les débris des espèces éteintes. C'est dans ce dernier sens que
nous l'emploierons ici, sens qui a fait souvent donner à la paléontologie le
nom de paléozoologie lorsqu'elle s'est préoccupée des animaux enfouis dans les
entrailles du sol, et celui de paléobotanique, quand elle s'est appliquée à
l'étude des anciens végétaux. Ces débris se sont conservés sous certaines
influences, qu'il serait trop long d’énumérer ici ; d’autre part, les espèces
disparues offrent plus d'un rapport avec les espèces actuelles. Elles
permettent d'en mieux saisir l'évolution. L'évolution, mot qui n'a rien à voir
avec les débuts de la science paléontologique, dont Cuvier peut être considéré
comme le père. En remontant plus haut, on lui découvrirait des précurseurs chez
les Grecs et chez deux ou trois savants des XVIe et XVIIe siècle. Ce n'est que
lorsque la géologie a vraiment existé que la paléontologie a pu exister à son
tour. Cuvier, dans les Ossements fossiles et son Discours sur les révolutions
du globe, publiés dans la première moitié du XIXe siècle, a énoncé les grandes
lois de la paléontologie. Mais Cuvier, savant officiel, respectueux de toutes les
traditions, et ses disciples immédiats, prenant à la lettre son enseignement,
n'avaient pas voulu entendre parler d févolution. Et si, comme le savantasse
Elie de Beaumont, ils affirmaient l'ancienneté de certains animaux fossiles,
ils ne voulaient rien savoir en ce qui concernait l'ancienneté de l'homme
fossile, qu'ils faisaient naître, avec la Bible, 4.000 ans avant notre ère, et
ils proclamaient sur un ton qui ne souffrait point de réplique : « L'espèce
humaine n'a jamais été contemporaine de l'Elephas primigenius ». Le règne
animal a évolué paléontologiquement, et l'homme, bien qu'apparu le dernier sur
la terre, remonte sans doute à des millions d'années ! Certains savants ont
essayé d'accorder la paléontologie fondée sur la doctrine de l'évolution avec
l'enseignement de l'Eglise, tel Albert Gaudry qui se fit l'ardent défenseur de
l'hypothèse évolutionniste. Cette hypothèse ne s'opposerait pas, comme le
croyaient Cuvier et ses disciples, aux dogmes chrétiens.
L'étude de l'anatomie
comparée avait été pour Cuvier une révélation. Elle l'avait mis sur la voie
d'admirables découvertes. Il compara les formes disparues aux formes vivantes.
Alcide d'Orbigny, Charles Lyell, Lamarck et Darwin ont contribué, autant que
lui, à jeter les fondements de la paléontologie. Albert Gaudry, dans ses
Enchaînement du Règne animal, achève de donner à cette science droit de cité
parmi les autres.
La paléontologie a
ressuscité tout le passé de l'homme et de l'animal, dont les ossements ont été
conservés dans les couches terrestres, formant comme les feuillets d'un grand
livre qu'on pourrait appeler, avec Haeckel, la création naturelle. La phylogenèse
nous fait assister à l'évolution de l'espèce dans le sein de la terre, elle est
confirmée par l'ontogenèse ou constitution de l'être dans le sein de la mère.
L'embryologie vient ainsi en aide à la paléontologie. Cette dernière a aussi
d'étroits rapports avec la Préhistoire : elle est une de ses sources.
Nous ne ferons pas ici
l'histoire des espèces qui se sont succédées dans les couches géologiques, ni
l'étude du fœtus humain ; bornons-nous à dire que l'embryon passe, dans le sein
maternel, par tous les états par où sont passés les espèces animales. C'est une
récapitulation synthétique, les étapes du règne animal l'ont franchie
rapidement. Ne subsiste que l'essentiel.
On sait que les terrains ont
été divisés en primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires, et que
chacun d'eux comporte lui-même des divisions. La paléontologie a recueilli dans
ces différents terrains des traces des animaux et de l'homme. Elle projette sur
le mystère des origines humaines d'éclatantes lueurs. Alliée aux sciences
connexes, elle nous met sur la voie de la vérité, de la vérité sans majuscule,
qui nous dispense de recourir à l'hypothèse d'un Dieu ayant tiré le monde du
néant, et fabriqué de toutes pièces, dans le Paradis terrestre, une créature
parfaite. Désormais, on ne peut plus croire à ces balivernes. Elles cessent
d'avoir cours. Seuls les cerveaux anémiés peuvent encore l'invoquer pour
expliquer l'existence du ciel et de la terre.
- GÉRARD DE LACAZE-DUTHIERS
BIBLIOGRAPHIE sommaire (et
récente) : Albert Gaudry : Les Enchaînements du Monde animal, les ancêtres de
nos animaux dans les temps géologiques, Contemporanéité de l'espèce humaine et
de diverses espèces animales aujourd'hui éteintes. - Boucher de Perthes : Des
Arts à leur origine. - A. Nittel :
Traité de Paléontologie. -
Hornes : Manuel de Paléontologie. - Marcellin Boulé : Les Hommes fossiles. -
Gérard de Lacaze-Duthier : Philosophie de la Préhistoire. L. Joleaud : Eléments
de paléontologie. - F. Roman : Paléontologie et Zoologie. Binet-Sanglé : Nos
ancêtres. - Goury : Origine et évolution de l'homme. - S. Blanc : Initiation à
la Préhistoire. - Verneau : Les origines de l’Humanité, etc.
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