Dans l'étude scientifique des mouvements, il est aujourd'hui indispensable de distinguer, au moins pour la commodité des recherches, ceux qui répondent aux faits visibles et s'avèrent d'une lenteur relative et ceux dont les vitesses très grandes concernent des phénomènes placés en-deçà de l'expérience sensible ordinaire. Notre mécanique classique étudie les premiers, ceux qui rentrent ou à peu près dans l'échelle de nos observations quotidiennes, qui répondent à nos perceptions coutumières ou ne s'en éloignent pas trop. Mais elle n'est vraie que dans une certaine limite et, de l'univers, ne saisit que la surface, l'enveloppe, directement accessible à des sens d'une portée restreinte.
Du mouvement absolu il ne
saurait être question ; une pareille idée s'avère contradictoire puisque tout
mouvement est inséparable d'un système de comparaison et que sa notion implique
celle de repère. Fonction de l'espace, que l'on se représente sous la forme
d'une trajectoire indéfiniment prolongée et géométriquement analysable, le
mouvement est aussi fonction du temps, car les points de cette trajectoire
n'apparaissent pas coexistants mais successifs. Aussi, la vitesse dépend t-elle
du rapport entre la portion d'espace parcouru et le temps que le mobile a mis
pour le parcourir. Unité de longueur et unité de temps doivent être déterminées
au préalable, pour que la cinématique opère la mesure du mouvement. Et, si le
choix de l'unité de longueur, le mètre présentement, ne soulève que des
difficultés facilement résolues, il n'en va pas de même lorsqu'il s'agit de
trouver l'unité de mesure du temps. Impossible de la découvrir en nous-mêmes,
car l'appréciation subjective de la durée varie d'individu à individu ; alors
qu'elle paraît courte à certains, d'autres l'estiment interminable. Souffrance,
ennui, attente l'allongent, mais elle devient brève lorsqu'elle est remplie
d'événements agréables ou intéressants ; aussi, chez le même homme, jours,
mois, années laissent-ils une impression très variable selon les circonstances
et les préoccupations du moment. Dans le rêve, dans la rêverie, l'appréciation
de la durée devient d'une inexactitude incroyable. Mais, en vertu de
l'universelle causalité, l'esprit a pensé que les mêmes événements
astronomiques, physiques, mécaniques, etc., devaient, dans des conditions
semblables, mettre un même temps à s'accomplir. Une clepsydre, un sablier pour
se vider, l'aiguille d'une horloge pour faire le tour du cadran, la terre pour
accomplir sa révolution autour du soleil exigent un temps toujours identique. D'où
l'idée d'obtenir, par leur moyen, une appréciation objective de la durée, qui
rende possible la coordination des efforts humains. D'ailleurs on constate qu'à
des époques différentes, les mêmes rapports subsistent entre des phénomènes
simultanés ; ainsi coïncident invariablement un nombre fixe d'oscillations du
pendule avec tel ou tel déplacement de la lune, de la terre, du soleil. En
divisant d'une manière régulière l'espace que parcourt un mobile, astre ou
aiguille, il devient donc possible d'avoir une représentation figurative du
temps qui se prête aisément au calcul. Et dès lors, pour l'étude du mouvement,
il importera de trouver des repères capables, si possible, de servir pour tous
les mouvements de l'univers. Un trièdre, avec le soleil pour centre et trois
directions partant de là vers des étoiles données, constitue le meilleur mode
de repérage ; car l'énormité des distances rend les erreurs de calcul
généralement négligeables et garantit, d'une façon pratiquement suffisante, la
fixité des directions. Dans la détermination du mouvement, il importe
d'éliminer le point de vue subjectif et de choisir des repères relativement
fixes et indépendants de nous. Arbres et maisons paraissent se déplacer,
lorsqu'on les voit d'un wagon en marche. Mais, si je choisis pour repères des
rectangles invariablement liés au sol, le plancher et deux murs verticaux d'une
salle par exemple, la position d'un objet sera connue lorsque j'aurai précisé
sa distance à chacun des trois plans.
Les mouvements que la
cinématique mesure, la dynamique s'efforce de les expliquer. Idées de masse et
de force prennent alors une importance de premier ordre ; elles commandent
toutes les déductions de la mécanique rationnelle. C'est à la différence
résultant de leur masse que des corps de même volume, placés dans des
conditions identiques, doivent de se mouvoir diversement. Nous admettons qu'à
chaque point matériel l'on peut faire correspondre un nombre, caractéristique
de sa résistance au mouvement ; et la masse d'un corps sera, en conséquence, la
somme des masses de tous ses points. On voit qu'une telle notion présente un
aspect étrangement conventionnel et qu'Henri Poincaré n'avait pas tort de
définir la masse, « un coefficient qu'il est commode d'introduire dans les
calculs ».
Par ailleurs les corps ne
pouvant, d'eux-mêmes, passer du repos au mouvement ou du mouvement au repos, ni
modifier soit leur direction soit leur vitesse, c'est par la force que ces
effets sont expliqués. Conçue sur le modèle d'une volonté capricieuse et
spontanée par les peuples primitifs et les enfants, elle n'est pour le savant
actuel, éclairé par des siècles d'efforts, que le substitut, l'équivalent des
effets qu'elle produit dans l'espace et le temps. Si, au principe de l'inertie
de la matière, nous joignons celui de l'égalité de l'action et de la réaction,
énoncé par Newton ainsi que celui de l'indépendance des effets des forces,
entrevu par Galilée, il devient possible de construire tout l'édifice de la
mécanique traditionnelle. Mais cette dernière repose sur la notion euclidienne
d'un espace absolu, homogène et isotrope, dont tous les points, dans toutes les
directions, possèdent des propriétés identiques, immuables et indépendantes des
corps voisins. Or ces propriétés de l'espace n'apparaissent plus certaines aux
yeux des savants actuels : « la mécanique classique, remarque Einstein, est
incompatible avec les lois de l'électromagnétisme » ; ses formules ne valent
que pour les phénomènes de l'expérience ordinaire. Soit a la vitesse dont
l'observateur A est animé et b la vitesse dont le véhicule B, qui le
transporte, est animé dans la même direction. La somme a + b représentera la
résultante de ces deux mouvements d'après la mécanique traditionnelle ; et ceci
est vrai pour les faibles vitesses dont nous disposons dans la vie courante,
même celle de l'avion le plus rapide. Mais s'il s'agit des vitesses atteintes
par les corpuscules cathodiques ou les rayons B (bêta) du radium, la formule
applicable est la suivante (v représentant la vitesse et c la vitesse de la
lumière) :
v = (a + b) / (1 + ab / c²)
En donnant une valeur de 150
000 kilomètres par seconde à a et b respectivement, nous obtenons 300 000
kilomètres d'après la première formule et 240 000 d'après la seconde.
Comme l'espace, le temps
devient relatif, aux yeux d'Einstein ; il dépend de l'observateur et se voit
dilaté par la vitesse. Que deux observateurs immobiles M, N possèdent un
bâtonnet inflammable, dont la durée de combustion est normalement dune minute,
soit m et n, et que N prenne place dans un véhicule qui tourne, à une vitesse
de 260 000 kilomètres par seconde, autour de M resté au centre, ce dernier
remarquera que la combustion de n dure deux minutes, celle de m une seule. «
L'espace et le temps dépendent de l'observateur en chaque point de l'univers
sensible, de sorte qu'aucun événement physique ne peut s'exprimer
indépendamment du temps. » Aux trois coordonnées habituelles permettant de
définir un point, il est indispensable d'ajouter le temps écoulé depuis un «
événement » origine. L'écart entre la vitesse de la lumière, qui parcourt 300
000 kilomètres à la seconde, et l'immobilité, soit partielle soit absolue, d'un
objet quelconque, voilà ce qui nous donne la mesure du temps scientifique.
Espace en soi, temps en soi doivent être remplacés par l'harmonieuse union des
deux, associés dans un rythme commun, l'espace-temps, qui englobe la totalité
des événements. Quant à l'espace, ou ensemble des événements simultanés, c'est
à tort qu'on le considère comme infini ; Einstein nous le montre pareil à une
sphère monstrueuse de plus d'un milliard de millions de kilomètres. Pour se
produire, la simultanéité exige un même système de référence : « deux
événements simultanés pour un observateur donné, ne sont pas simultanés pour un
autre observateur en mouvement par rapport au premier ».
Au lieu d'être une action à
distance presque instantanée, comme le pensait Newton, la gravitation se
propage avec la vitesse de la lumière. Énergie et masse s'identifient ; et les
vieux principes se trouvent profondément modifiés. Le relativisme, en montrant
la faible portée de la mécanique classique, ouvre à nos esprits des horizons
insoupçonnés. La thermodynamique avait déjà accompli un premier pas dans cette
direction ; la méthode énergétique continua mais en restant purement
descriptive ; elles cèdent aujourd'hui le pas au cinétisme électromagnétique.
Joule avait mis en lumière les relations invariables et mathématiquement
évaluables qui existent entre le travail mécanique et la chaleur.
Ce qui se perd d'un côté se
retrouve de l'autre bien qu'il s'agisse de qualités différentes. D'où la grande
loi de l'Équivalence, étendue par la suite à l'ensemble des phénomènes
dynamiques et qui aboutit au principe de la Conservation de l'Énergie.
Mouvement méca les modalités d'une même réalité constitutive de l'univers,
l'Énergie. Mais s'il est vrai que, dans un système fermé, cette dernière ne
peut que prendre des formes différentes, en quantité équivalente, sans être
créée ni disparaitre, les travaux de Carnot complétés par Clausius ont conduit
par ailleurs à admettre le principe de sa dégradation. Dans un système physique
finalement nulle, alors que l'énergie totale reste constante. Car une énergie
de forme quelconque tend à se transformer en chaleur ; et la chaleur constitue
de l'énergie dégradée en ce sens que, dans un cycle réversible et continu, elle
ne peut restituer sa capacité originelle de travail. Les conséquences tirées du
principe de Carnot conduisirent les physiciens à concevoir l'univers sur le
type d'une machine à feu et non comme le résultat de mouvements exclusivement
mécaniques ; jointes aux découvertes opérées dans le domaine électromagnétique,
elles devaient aboutir à la théorie électromagnétique de la matière, qui dans
ses grandes lignes s'accorde avec la doctrine de relativité.
Mais avant de pousser plus
loin, il importe de relever les sophismes débités par les écrivains religieux
concernant la dégradation de l'énergie. Quittant le domaine expérimental pour
s'égarer dans celui des fantaisies métaphysiques, ils prétendent en effet que
ce principe requiert impérieusement la croyance en un dieu créateur. Voici ce
que déclare l'abbé Moreux, astronome à l'eau de rose dont la partialité insigne
fait la joie des dévotes et des sacristains, sa clientèle préférée ; depuis
qu'elle s'est convertie au catholicisme la grande presse fait passer ce
charlatan grotesque pour un savant digne d'être écouté : « On a prétendu,
affirme cet esprit superficiel, que le mouvement a existé de toute éternité.
Mais nous savons d'autre part, à n'en pas douter, que l'énergie mécanique
utilisable diminue sans cesse, et c'est précisément la raison pour laquelle
l'Univers tend vers un état final où toute l'énergie sera dégradée, comme on
dit en Mécanique ; c'est-à-dire qu'il arrivera un moment où toute cette énergie
utilisable sera employée ; si donc cette énergie durait depuis une infinité de
temps, le monde serait déjà arrivé à cet état final, ce qui n'est pas,
évidemment... Le mouvement constaté dans le monde actuel a nécessairement
commencé. La matière, à un moment donné, à l'origine des temps, a reçu le mouvement
d'un être extérieur à elle et qui le lui a donné : nier cette proposition,
c'est, bon gré mal gré, vouloir se mettre en désaccord avec les principes les
mieux établis de la Science moderne. Car encore une fois, rien ne se fait sans
cause, et, en résumé, si nous constatons du mouvement, comme ce mouvement a
forcément commencé, il faut nécessairement une cause qui l'ait fait naitre. »
Il est heureux, pour l'écrivassier en jupon, que ses lecteurs habituels soient
des esprits bornés, qu'on éblouit facilement ; affirmations saugrenues,
mensonges intentionnels pullulent dans un pareil morceau ; et la saine logique
ne permet pas d'admettre que tout ayant une cause il existe pourtant un être
qui n'en a pas (le dieu non-causé des croyants). Un devenir sans fin, telle est
la seule conclusion légitime qui découle du principe d'universelle causalité.
Mais, délaissant tout le reste, plaçons-nous sur le terrain de la science
exclusivement. Le principe de la dégradation de l'énergie vaut seulement pour
un système isolé. Est-ce le cas du globe terrestre ? Non, puisqu'il reçoit
constamment de l'énergie venue des astres, du soleil en particulier, sons forme
de radiations. Et de nombreux faits démontrent que ce même principe cesse
d'être vrai lorsqu'il s'agit de l'ensemble de l'univers. Comme les animaux et
les hommes, les étoiles passent par un maximum de vitalité. Or la vitesse de
translation d'un astre croît à mesure que son rayonnement diminue ; son énergie
cinétique augmente aux dépens de son énergie radiante. Ce qui contredit le
principe de Carnot manifestement. Par ailleurs, l'énergie cinétique des
molécules étant productrice de chaleur, dans un gaz, les plus grandes vitesses
devraient répondre aux plus grandes chaleurs. Or, remarque Arrhénius, dans les
nébuleuses formées de gaz légers, à masse faible, l'attraction ne parvient pas
à retenir les couches éloignées dont les molécules légères se dirigent vers des
astres plus chauds que la nébuleuse abandonnée. Contrairement au principe de
Carnot, la chaleur a circulé d'un corps plus froid vers un corps plus chaud.
D'autres observations encore ne peuvent cadrer avec l'ancienne doctrine de la
dégradation de l'énergie ; et les savants sérieux ont fini par adopter cette
formule prudente, qui rune les déductions métaphysiques dont nous avons parlé
précédemment : « les phénomènes se produisent généralement avec augmentation
d'entropie ». (Entropie étant le nom donné par Clausius à la fonction Q/T
toujours croissante dans un système isolé ; Q représentant la quantité totale
d'énergie thermique.)
Applicable aux phénomènes
observés à l'échelle de notre expérience ordinaire, le principe de Carnot ne
cadre plus exactement avec la théorie cinétique des gaz et la mécanique
statistique qu'elle engendre. Alors que l'énergétisme restait une simple
description de l'expérience, n'exigeant aucun recours à des mouvements ou à des
fluides invisibles, la théorie cinétique des gaz, sans pénétrer dans le
mystérieux domaine des atomes, jette un pont entre notre monde moyen et celui
qui échappe à l'observation coutumière des sens. « Nous n'avons, écrivait
Ostwald, à propos de l'Énergétique, à nous occuper que des d'énergie ; il ne saurait
y en avoir d'autres : en dehors du temps et de l'espace, l'énergie est la seule
grandeur commune à tous les ordres de phénomènes. » Et, ailleurs, il déclare :
« La recherche des équations qui lient un ou plusieurs ordres de phénomènes,
les rapports de grandeurs mesurables, voilà tout l'objet de la science ». En
somme, la méthode énergétique consistait à d'écrire, non à expliquer. Au
contraire la théorie cinétique des gaz explique la loi de Mariotte par
l'agitation désordonnée et les chocs continuels des atomes, agrégés ou non en
molécules, dont les gaz sont constitués. La pression n'étant que le choc de
l'ensemble des particules contre la paroi, il suffit de diminuer la capacité de
l'enceinte qui les contient pour que la pression augmente proportionnellement.
Et l e principe de Carnot, vrai en tant que loi de moyenne portant sur un
nombre formidable d'éléments, n'aurait plus de raison d'être si l'on pouvait
suivre chaque particule isolément. Nous tomberions dans un monde purement
mécanique où la dégradation de l'énergie n'a pas de sens. L'expérience a
d'ailleurs vérifié cette supposition. Dans le mouvement Brownien, de très
petites particules sont dans une agitation qui sans cesse viole le principe de
Carnot ; d'autres faits encore démontrent que si l'on descend aux éléments
ultimes de la matière, la conservation de l'énergie devient rigoureuse. Quand
on admet que la chaleur résulte de mouvements très petits, mécanique
traditionnelle et thermodynamique se trouvent ainsi conciliés. Mais à
l'intérieur de l'atome ce sont les théories électromagnétiques qu'il convient
d'appliquer.
Déjà nous devons faire appel
à la théorie des quanta, lorsque nous descendons très au-dessous de nos
températures ordinaires, vers la zone du 0 absolu, et cette théorie postule que
l'énergie ne varie pas de manière continue. Principe de la conservation de la
masse et partant principe classique de l'inertie ne s'appliquent plus dans la
mécanique électronique qui régit l'intra-structure de l'atome. Dans ce monde de
l'extrêmement petit, règnent les plus grandes vitesses que nous connaissions.
Celle des particules cathodiques est de 40 000 à 60 000 kilomètres par seconde
; elle est cent mille fois plus grande que celle des obus les plus rapides. Les
rayons a (alpha) du radium atteignent une vitesse de 15 000 à 30 000 kilomètres
à la seconde ; quant aux rayons b (bêta) émis par le même corps, ils se
divisent en rayons mous dont la vitesse de propagation est de 30 000 kilomètres
à la seconde et en rayons durs pouvant atteindre la vitesse de 200 000 à 300
000 kilomètres à la seconde. Les ondes électromagnétiques produites par les
oscillations électriques parcourent 300 000 kilomètres à la seconde, comme la
lumière. Or des expériences mirent en évidence que le théorème de la
composition des vitesses, conséquence du principe de l'indépendance des
mouvements, ne s'appliquait point dans ce dernier cas. Ce fut le mérite d'Einstein
de résoudre cette difficulté ainsi que bien d'autres, d'une façon logique, sans
recourir à des expédients comme on le faisait avant lui. Ses théories de
relativité restreinte et généralisée n'ont rien des mystiques et fumeuses
conceptions d'un Bergson, elles restent d'ordre strictement rationnel et nous
en avons déjà indiqué les idées directrices. Il a développé le principe de
relativité de la mécanique classique, en substituant à l'ancienne formule des
changements d'axes, en géométrie analytique, la formule de Lorenz exprimant la
contraction de l'espace et la dilatation correspondante du temps : avec elle la
vitesse de la lumière entre en ligne de compte nécessairement. Dès lors le
temps, fonction du mouvement, n'est plus uniforme, ni universel ; pas plus que
l'espace n'est absolu, vide, homogène et isotrope. Espace et temps sont des
propriétés du réel ; en fait il existe seulement des événements étendus et qui
durent. C'est par des simultanéités, départ d'un train et position de
l'aiguille d'une horloge par exemple, que nous définissons le temps ; ce qui le
rend fonction du mouvement et le lie indissolublement à l'espace ; aussi toute
modification dans la mesure de ce dernier provoque-t-elle une modification dans
sa propre mesure. Notre univers a quatre dimensions : longueur, largeur,
profondeur et temps. Enfin il existe une relation nécessaire entre l'énergie et
la masse ; toute masse est énergie et toute énergie a une masse.
Dans sa théorie de
relativité généralisée, Einsten, poussant plus loin, fait dépendre la
gravitation des seules mesures du mouvement. Le continuum espace temps, trame
véritable de notre univers, cesse d'être euclidien, sauf lorsqu'on s'arrête à
des éléments infiniment petits. Un super-monde, celui de l'électromagnétisme,
régissant les astres comme les atomes, enveloppe et conditionne le monde du
sens commun. Accomplissant un nouveau pas dans la voie de l'unité. Le célèbre
physicien vient, récemment, de fondre en une seule les deux qualités primitives
qu'il avait dû conserver dans sa doctrine de relativité : la gravitation cause
de tout mouvement et base de la mécanique d'une part, l'électromagnétisme
fondement de l'optique, ainsi que des phénomènes d'électricité et de chaleur
d'autre part. Grâce à une construction de l'espace différente de toutes celles
qu'il avait imaginées jusqu'ici, il parvient à exprimer, par les mêmes formules
mathématiques, changements et lois tant du champ électromagnétique que du champ
de gravitation. Au spectre merveilleux qui, parti des ondes ultra-violettes de
quelque dix millièmes de millimètre de longueur, passe par les rayons visibles
de la lumière et ceux invisibles de la chaleur, pour atteindre les rayons
électriques dont la longueur d'onde est parfois de plusieurs kilomètres, en T,
S, F, par exemple, il ajoute la seule forme d'énergie jusqu'à présent
réfractaire : la pesanteur. La force qui nous donne la lumière est la même qui
fait circuler l'électron autour du noyau atomique et tourner la terre autour du
soleil. Aux veux du savant ébloui, l'univers n'est plus que le résultat des
innombrables transformations d'une même énergie, un prodigieux complexe où tout
est mouvement. Et les découvertes de Millikan, de Jeans et d'Eddington
démontrent, par ailleurs, que ce jeu des forces cosmiques est éternel, n'ayant
nul besoin d'une première origine et ne pouvant connaitre de fin. C'est avec
les éléments dispersés d'atomes anciens que se forment les atomes nouveaux. «
1° Des électrons positifs et négatifs, déclare Millikan, existent en quantités
incommensurables dans l'Espace interstellaire. Pour cela nous avons l'évidence
du spectroscope ; 2° Ces électrons se condensent en atomes sous l'influence des
conditions qui existent dans l'Espace interstellaire, c'est-à-dire dans les
conditions du froid de zéro absolu et le phénomène de dispersion extrême. Pour
cela nous avons l'évidence de nos années d'expérimentation sur les rayons
cosmiques ; 3° Ces atomes forment des agrégations sous l'influence de la force
de la gravitation, et ainsi deviennent des étoiles. Pour cela nous avons
l'évidence basée sur des observations télescopiques ; 4° À l'intérieur des
étoiles, grâce aux pressions formidables, aux densités énormes et aux
températures surélevées, les électrons positifs (probablement dans le nucleus
des atomes lourds) tombent en affinité parfaite avec les électrons négatifs,
c'est-à-dire qu'ils transforment leur masse entière en pulsations d'éther, lesquelles,
de suite transformées en chaleur, soutiennent la température de l'étoile et
sont la cause de la lumière et de la chaleur qui émanent d'elle. Pour cela nous
avons l'évidence basée sur la périodicité et la duré de la vie des étoiles. »
Quant aux électrons existant dans l'espace intersidéral, ils résultent de la
dématérialisation de la matière, de son retour, lent ou brusque, aux élérnents
indestructibles dont tout corps tangible est un agglomérat. Dans La
Synthanalyse, notre ami G. Kharitonov a donné un original et lumineux exposé du
cycle des transformations successives que la matière parcourt sans fin. Il a
démontré de façon scientifique l'éternité du mouvement. Sans doute beaucoup
reste à trouver ; et, dans un avenir prochain peut-être, des théories céderont
la place à d'autres plus proches encore de la vérité ; mais dès aujourd'hui il
appert qu'astronomie, physique et chimie s'unissent pour éliminer, comme
irrationnelle et inutile l'action d'un dieu créateur ou providence de notre
univers. Si la médiocre science, dont se repaissent un trop grand nombre de
professeurs d'Université et de membres de l'Institut, s'accorde, tant bien que
mal, avec des idées religieuses volontairement imprécises, la science, à son
degré supérieur, ruine irrémédiablement la croyance non seulement en une
révélation surnaturelle, mais en l'existence d'un Être Supérieur. Seulement
très peu ont le courage de l'avouer explicitement.
De l'inorganique, passons au
domaine de la vie et nous constaterons de même que la science n'a besoin ni de
l'âme ni de Dieu pour expliquer les phénomènes qui déroutaient le plus nos
pères. Animisme et vitalisme nous font sourire aujourd'hui ; et la finalité
interne, que Claude Bernard admettait encore, est exclue par les biologistes
sérieux. L'être organisé ne se distingue du corps brut que par sa complication
; leurs constituants sont identiques et tout phénomène vital se ramène à un
événement d'ordre physicochimique. « La formation d'un cristal, d'une plante,
d'un animal, disait Tyndall est un simple problème de mécanique, qui diffère
simplement des problèmes de mécanique ordinaire par la petitesse des masses et
la complexité des éléments. » Déjà Descartes, supprimant les vaines entités de
la scolastique, n'avait vu dans le vivant qu'une machine prodigieusement
compliquée ; et la science moderne a confirmé cette doctrine, en démontrant
qu'il n'est pas un fait, dans les corps organisés, dont la physique et la
chimie ne rendent compte. Quant à l'idée directrice, invoquée par Claude
Bernard, et capable de provoquer la convergence de toutes les fonctions vers
une fin unique, la solidarité de tous les éléments, elle est définitivement éliminée
par la biologie. « Comment, en effet, déclare Gley, agirait ce principe
directeur des phénomènes vitaux pour leur donner le sens dans lequel nous les
voyons se produire ? Les phénomènes se réduisent tous en définitive, à des
phénomènes physicochimiques ; or, on ne comprend pas qu'il soit possible d'agir
sur la direction de phénomènes de cette nature, autrement que par une action
effective qui ne peut consister que dans l'intervention d'une force de même
nature. Car la direction des faits n'est pas quelque chose d'extérieur aux
faits. » Sans méconnaître le génie de Pasteur en chimie bactériologique, nul
savant impartial ne saurait admettre, présentement, les conclusions que les
spiritualistes ont tiré de ses expériences sur la génération spontanée, en faveur
du créationnisme biblique. « Les données actuelles les mieux établies, écrit
Rabaud, professeur de biologie en Sorbonne, amènent à concevoir les substances
vivantes comme une émanation nécessaire du milieu, tout aussi nécessaire,
suivant la très juste expression de Verworn, que la formation de l'eau, en
fonction de conditions réalisées, à un certain moment, à la surface du globe.
Ces substances sont le produit d'une véritable génération spontanée dérivant
d'un déterminisme physicochimique précis et non des conditions indéterminées,
constamment réalisables. À cette façon de voir, on oppose quelquefois les
expériences de Pasteur. Mais si ces expériences démontrent que des Infusoires
ou des Bactéries ne naissent pas spontanément dans de l'eau bouillie dépourvue
de germes et maintenue à l'abri d'un ensemencement, elles ne démontrent pas
qu'une substance vivante ne puisse apparaître lorsque ces éléments simples se
trouvent réunis dans des conditions définies. Tout nous conduit, au contraire,
à admettre la nécessité de cette apparition ; rien ne nous oblige à accepter
l'hypothèse d'une substance née d'une façon spéciale, douée d'attributs spéciaux,
qui serait animée et dirigée par un principe immatériel, le principe vital sous
quelque nom qu'on le désigne. Outre que cette hypothèse ne repose sur aucune
donnée positive, elle est inutile pour l'explication des phénomènes vitaux. »
Reconnaissons, à la décharge de Pasteur, qu'à l'encontre des idées qu'on lui
prête d'ordinaire, il ne déclarait pas impossible la synthèse du protoplasme
(voir ce mot) vivant. Et le triomphe de la conception mécaniste a fait éclore
des doctrines du plus puissant intérêt. Celle des colloïdes d'abord qui
rapproche si intimement matière organique et matière brute. Véritable atomisme
biologique, la théorie cellulaire admet que tous les tissus vivants sont
composés de cellules extrêmement complexes, dont les atomes et les molécules se
trouvent dans cet état spécial que les chimistes dénomment colloïdal. Alors que
dans une solution ordinaire, les molécules du corps dissous sont petites,
uniformément distribuées et constituent un tout homogène avec le liquide
dissolvant, dans une solution colloïdale, les molécules très grosses, souvent
agglomérées en amas de tailles diverses, sont animées de mouvements browniens
et deviennent même visibles à l'ultramicroscope. À de forts grossissements et à
l'état frais, le protoplasma colloïdal apparaît comme une véritable émulsion,
formée de fines gouttelettes accolées, avec des granulations nombreuses et
instables, les mitochondries, de forme filamenteuse ou sphérique et constituées
par une substance albuminoïde associée à des lipoïdes. La stabilité des
colloïdes d'émulsion est très grande parce que les granules se repoussent et ne
se précipitent pas, étant toutes chargées d'électricité de même signe. Dans les
processus vitaux essentiels : absorption, assimilation, immunisation, etc.,
l'adhésion moléculaire qui fixe un sel ou un colloïde sur un autre colloïde,
comme l'adhésion physique retient les gaz à la surface des solides, joue un
rôle essentiel. Ainsi la vie s'avère la résultante des processus
physicochimiques dont les complexes colloïdaux sont le siège et non une
propriété ou un ensemble de propriétés irréductibles à des éléments connus. Si
nous examinons un organisme compliqué, les manifestations vitales donnent, de
prime abord, l'impression d'appartenir à un ordre de phénomènes particuliers, n'ayant
qu'un lointain rapport avec ceux qu'étudient les sciences de la matière
inanimée. Mais si on les analyse avec précision, on doit convenir que, malgré
leur complexité extrême, ces processus ne dissimulent aucun élément étranger
soit à la physique, soit à la chimie.
La fécondation elle-même,
l'une des plus mystérieuses manifestations de la vie, se ramène à des procédés
strictement physicochimiques. C'est à un accroissement d'oxydation probablement
que la cellule primitive doit de se multiplier rapidement pour constituer
l'embryon ; et, dans certaines espèces, le rôle de l'agent qui féconde se borne
à dissoudre la couche corticale de l'œuf, afin de permettre cette oxydation
accrue. En fait, des œufs d'oursins, d'étoiles de mer, de grenouilles ont pu
être fécondés sans aucune intervention du mâle par des procédés purement
chimiques ou physiques. Ils se sont développés jusqu'à' un stade avancé et même
jusqu'à complète maturité. Ayant laissé quelque temps des œufs d'oursins dans
de l'eau de mer additionnée de sel, puis les ayant replacés dans de l'eau de
mer ordinaire, Loeb vit éclore des larves chétives, qui mouraient avant leur
évolution définitive, d'une façon générale. Il se persuada que la membrane
vitelline, qui se forme autour de l'œuf normalement fécondé, possède un rôle
chimique ; par le moyen d'un acide gras, il provoqua la formation d'une
membrane artificielle. Et dès lors les larves obtenues avec des œufs vierges
furent aussi viables et aussi bien constituées que celles qui résultent des
œufs fécondés par un mâle. Bataillon se borne à percer la couche corticale des
œufs de grenouilles avec une aiguille, pour en provoquer le développement.
C'est encore à des procédés d'ordre physicochimique : oxydation, osmose,
diosmose, etc., que se ramène le processus de croissance de l'embryon. Et c'est
eux, pareillement, qui expliquent la multiplicité des espèces tant animales que
végétales. Pour des raisons qui n'ont généralement rien à voir avec la science,
le transformisme fut attaqué de divers côtés, ces derniers temps. Bien en vain
; Rabaud, un biologiste officiel pourtant, n'hésite pas à le déclarer. « Malgré
les oppositions qu'il suscite périodiquement et qui sont presque toujours
guidées par des considérations extra-scientifiques le transformisme (voir ce
mot) est et reste la seule théorie utile et féconde, à la fois parce qu'il rend
compte des faits sans les déformer ni les mutiler, et parce qu'il anime la
recherche. Sans doute la théorie, telle qu'elle est sortie des travaux de
Lamarck, de Darwin et de leurs successeurs immédiats doit subir des retouches ;
mais l'idée centrale et le fait fondamental demeurent, que tout contraint d'accepter.
La recherche rigoureuse, indépendante de toute idée préconçue, conduit à un
enchaînement de faits, qui montre les êtres vivants se dégageant les uns des
autres, de toutes les manières et dans de multiples directions, sous
l'influence des actions directes qui s'exercent sur eux. » Lamark expliquait
l'évolution par une adaptation du vivant au milieu, Darwin, par la lutte pour
la vie et la sélection naturelle. C'était le début des explications mécanistes
; aujourd'hui, grâce surtout à de Vries, l'interprétation physicochimique du
transformisme a fait d'immenses progrès. Ses recherches ont montré que des
changements s'opèrent non par une lente évolution, mais par des transformations
brusques, des mutations. Comme il existe des séries chimiques qui diffèrent
d'un seul coup, grâce à un groupe d'atomes, il existerait des séries
biologiques différentes entre elles, grâce soit à un groupe de colloïdes, soit
à la position dans le complexus vivant de ce groupe de colloïdes. De Vries
rencontra des Œnanthères ou Onagres, aux formes absolument anormales, dans un
champ abandonné depuis dix ans. Il utilisa ces plantes monstrueuses et obtint
des espèces nouvelles à caractères fixes. On put dès lors classer parmi les
mutations brusques, certains faits, connus jusque là sous le nom de jeux de la
nature et dont plusieurs étaient célèbres : par exemple le fraisier à feuilles
simples de Duchesne, le mouton loutre né dans le Massachusetts en 1791 et qui
fit souche d'une espèce nouvelle, l'homme porc-épic né en ??, en Angleterre,
dont les enfants et petits-enfants furent dotés, comme lui, d'une carapace
hérissée de piquants. Depuis de Vriès de nombreuses variations de même genre
ont été découvertes dans le règne végétal, et quelques-unes dans la série
animale. L'observation démontre que l'action du milieu, les traumatismes, les
infections, tout ce qui modifie le chimisme intérieur de l'être en général,
favorisent l'apparition de ces changements transmissibles par hérédité. Et dès
lors l'expérimentation devient possible, dans ce domaine qui parut si longtemps
fermé à l'interprétation physicochimique.
Les mœurs mêmes des animaux,
leurs réflexes, leurs instincts, ce qu'on dénomme aujourd'hui leur
comportement, auraient pour origine une excitation physique ou chimique,
d'après la théorie des tropismes. Directement ou indirectement leurs mouvements
seraient liés, en dernier ressort, à des influences extérieures. C'est d'une
action photo-chimique que résulterait la tendance de certains animaux comme de
certaines plantes à se diriger vers la lumière. Lorsqu'on observe, non plus en
poète comme Fabre, mais en savant, les merveilles de l'instinct, on remarque
combien énorme le rôle des tropismes, combien illusoire la prescience que les
spiritualistes y découvrent si volontiers. « Si l'on place côte à côte, écrit
Loeb, un morceau de viande et un morceau de graisse du même animal, la mouche
(commune) déposera ses œufs sur la viande sur laquelle les larves peuvent
vivre, et non sur la graisse où elles périraient de faim. Nous avons affaire
ici à l'action d'une substance azotée volatile, qui détermine par réflexe les
mouvements de ponte des œufs chez la mouche femelle ». Les piqûres paralysantes
de certains insectes, qui semblent impliquer des connaissances anatomiques
invraisemblables, résultent seulement d'une luminosité invisible pour nous, ou
d'une sensation olfactive dénotant la présence du liquide rachidien dans telle
et telle partie du corps de la victime. Pour se documenter sur le réflexe
instinctif nous renvoyons le lecteur au bel article de Stephen Mac Say sur
l'Instinct.
Dans le mendélisme, il faut
voir de même un effort heureux pour introduire le probabilisme mécanique et le
jeu des lois physicochimiques, en matière d'hérédité. Un moine tchécoslovaque,
dont les contemporains n'apprécièrent pas le mérite, Johann Gregor Mendel, fut
le premier auteur de cette doctrine qui arracha au caprice divin un domaine où
il régnait, jusque là, sans conteste. De Vries, Correns, Tschermard, qui
redécouvrirent séparément, vers 1900, la théorie mendélienne, restée inconnue
ou presque du monde savant, lui ont fait attribuer la place qu'elle mérite. Son
principe essentiel peut se formuler de la sorte : « Si nous croisons deux
formes qui ne diffèrent que par un seul caractère, tout hybride issu de cette
union forme en nombre égal deux espèces de cellules sexuelles, deux espèces
d'œufs si c'est une femelle, d'agents fécondants si c'est un mâle. L'une des
espèces est de type purement paternel, l'autre de type purement maternel. » Par
une simple application des lois de la probabilité mathématique, qui commandent
les combinaisons possibles, on pourra donc, en partant d'un couple primaire,
déterminer la distribution des caractères de variation dans la lignée. Des
expériences faites dans le règne végétal, croisement de pavots pourvus d'une
tache noire, à la base des pétales, et de pavots pourvus d'une tache blanche
par exemple, et aussi dans le règne animal, croisement de souris noires et
blanches, etc. ont pleinement vérifié les résultats prévus grâce au calcul des
probabilités. Le sexe n'échappe pas à la loi mendélienne. Dès aujourd'hui la
technique qu'elle inspire permet d'aboutir à des résultats remarquables dans le
monde des végétaux et des animaux ; cette technique jouera un rôle de premier
plan, quand les hommes, gagnés par les incontestables avantages de l'eugénisme
rationnel, (voir naissance) se décideront à l'appliquer à eux-mêmes. Quoi qu'il
en soit, là encore, le merveilleux cède la place à une explication d'ordre
mécanique. Dès que ses recherches deviennent assez profondes, la biologie
permet de rattacher les phénomènes vitaux les plus compliqués à de simples
processus physicochimiques. Que les théories d'aujourd'hui cèdent la place à
d'autres dans un avenir prochain, qu'importe ! Si nous ne possédons pas la
vérité totale, du moins nous progressons vers une lumière sans cesse accrue. Et
déjà il appert que les fables théologiques, que les explications brumeuses des
métaphysiciens ne conviennent plus à l'humanité sortie de ses langes. Pour le
penseur moderne, l'univers n'est qu'un vaste théorème où de nombreuses
inconnues subsistent mais où tout se réduit en définitive à l'énergie, au
rayonnement.
La vie mentale n'échappe
point à cette loi générale, puisque la conscience psychologique requiert le
mouvement pour naître et qu'elle disparaît toujours avec lui. Nulle activité
psychique ne se manifeste hors des organismes vivants ; et c'est de la richesse
du système nerveux que dépend la richesse de la pensée. L'on peut poser en
principe que la mentalité d'un être sera d'autant plus obtuse que ses
mouvements seront moins nombreux, moins variés. Assurément il n'existe pas de
rapport simple entre le degré d'intelligence et la quantité de matière
cérébrale ; les spiritualistes crurent à tort que le triomphe de leur doctrine
était définitif parce que l'intelligence d'un homme n'est pas toujours
proportionnelle au poids de son encéphale ou parce que les moutons, espèce
assez sotte, possèdent un cerveau très riche en circonvolutions. Ils oubliaient
que le perfectionnement des cellules, la qualité de la substance grise, sa
composition chimique, etc, sont plus importants encore et qu'ils suffisent à
expliquer toutes les anomalies apparentes. Conditionnée par les innombrables
vibrations et oscillations des cellules nerveuses, la vie mentale de l'homme
est nettement supérieure parce que les six cent millions de cellules et, les
milliards de tentacules qui constituent son système nerveux central assurent à
ses mouvements cérébraux une étendue et une puissance que l'on ne rencontre
dans aucune autre espèce animale. Mais, pour une raison identique, il y a plus
de différence entre le psychisme du chat et celui d'un ver qu'entre le
psychisme des singes anthropoïdes et celui des sauvages d'Australie. Lorsqu'on
a ainsi contemplé les mécanismes secrets, dont dépendent les scènes qui, sans
fin se jouent sur le théâtre de l'univers, les conceptions d'un Bergson font
sourire, malgré les comparaisons poétiques et le feu d'artifice des jolies
phrases, qui dérobent au lecteur le vide obscur de leur contenu.
– L. BARBEDETTE.
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