"C'est la fin du dimanche. Tout à l'heure. le Français qui se tord au revier sera mort. Il échappe à la marche de la semaine qui commence demain matin. Cela ne le concerne plus. On lui fout la paix. On peut être tenté de comprendre ceux qui se sont jetés sur les barbelés électrifiés. Autant pour retirer au SS ce qu'il a dans les mains que pour cesser de souffrir. Le mort est plus fort que le SS. Le SS ne peut pas poursuivre le copain dans la mort. Encore une fois, le SS est obligé de faire trêve. Il touche une limite. Il y a des moments où l'on pourrait se tuer, rien que pour forcer le SS, devant l'objet fermé qu'on serait devenu, le corps mort qui lui tourne le dos, se fout de sa loi, à se heurter à la limite. Le mort va être aussitôt plus fort que lui, comme les arbres sont plus forts, et les nuages, les vaches, ce qu'on appelle les choses et qu'on ne cesse pas d'envier. L'entreprise des SS ne se risque pas jusqu'à nier les pâquerettes des prés. La pâquerette se fout de leur loi, comme le mort. Le mort n'offre plus prise. S'ils s'acharnaient sur sa figure, s'ils coupaient son corps en morceaux, l'impassibilité même du mort, son inertie parfaite leur renverraient tous les coups qu'ils lui donnent. C'est pourquoi on n'a pas toujours peur absolument de mourir. Il y a des moments où, par brusque ouverture, la mort apparaît juste comme un moyen simple, de s'en aller d'ici, tourner le dos, s'en foutre".
"Mais l'expérience de celui qui mange les épluchures est une des situations ultimes de résistance. Elle n'est autre aussi que l'extrême expérience de la condition de prolétaire. Tout y est: d'abord le mépris de la part de celui qui le contraint à cet état et fait tout pour l'entretenir. en sorte que cet état rende compte apparemment de toute la personne de l'opprimé et du même coup le justifie, lui. D'autre part, la revendication - dans l'acharnement à manger pour vivre - des valeurs les plus hautes. Luttant pour vivre, il lutte pour justifier toutes les valeurs, y compris celles dont son oppresseur, en les falsifiant d'ailleurs, tente de se réserver la jouissance exclusive. "
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