M.S. septembre 2009
« Je ne t’ai pas donné
beaucoup de nouvelles, je le reconnais (et je sais que tu l’as regretté auprès
de S.). Ce n’est pas tout à fait sans raison, à la vérité (et pas, en tout cas,
des raisons de négligence). Non. J’ai été, comment le dire sans exagération,
attristé au moins, blessé sans doute, de ce que tu te sentes à ce point aussi
peu concerné par la demande que je t’avais faite ( et tu es le seul auprès de
qui je l’ai faite personnellement) de contribuer à un volume regroupant des
textes sur mon travail. J’en ai bien sur mesuré le caractère déplacé, pour le
moins, il y a un an, quand tu allais si mal ; autrement dit, rien ne me
paraissait plus justifié que ton refus et que les mots dans lesquels tu me l’as
dit. Mais depuis ? Depuis six mois, est-ce qu’il n’était pas redevenu
possible que tu contribues, même symboliquement, à cet ensemble. En somme, je
le suis toujours, je crois, à ce point soucié de ton travail que j’ai ressenti
comme une irréciprocité, et donc comme une solitude supplémentaire, que tu te
soucies si peu du mien (ou que tu fasses publiquement comme si tu ne t’en
souciais pas). Le résultat est celui-là aujourd’hui que cet ensemble d’une
dizaine de textes est réuni et tu n’en es pas. Ce n’est pas un reproche (ce
serait trop ou pas assez). Non, une déconvenue (une dé-convenance le dirait
mieux, mais ferait pédant entre nous).
Oublions-le. Je veux dire :
il va te falloir l’oublier et, pour moi, te l’avoir dit va me le permettre. »
JPC 16 octobre 20009
« Ton portrait Dostoïevskien
est absolument remarquable. Et cela me fait penser au fait que le communisme n’a
jamais eu de masses ni même de groupes assez libres pour le porter vraiment
comme un moteur de liberté et de tentation absolue. Mais il a eu des héros. Des
héros qu’ s’est malheureusement employé à confondre avec des chefs, pour faire
d’une pierre deux coups. Or un héros n’est chef que le temps de son passage qui
est bref.
Mais cette trace, la trace
laissée en creux pour le héros, reste essentielle.
Le communisme est affaire de
héros (Eisenstein le dit en exergue de Potemkine : « ici c’est la
masse qui est un héros »).
Mais je répète : ton
portrait est vraiment magnifique !
JPC 5 avril 2010
« Quant à nous, il faut
en être c’est évident ; peut-être comme frères de Grégoire Samsa ; ou
frères du désert.
Qui sait ?
Tu pourrais faire une
lecture du portrait de l’intermittent et
moi du commerce des charmes.
Mais aussi j’ai entendu qu’une
fois de plus des ouvriers- cette fois-ci d’une usine de moquette pour
automobiles – menacent de faire sauter l’usine en incendiant le réservoir de
gaz si on ne les traite pas convenablement.
Ca m’enchante, nous n’avons
pas encore connu ça. Ces menaces de tout faire sauter tiennent beaucoup de l’expérience
internationale des kamikazes contemporains ; si on les rapproche des
suicidés de France Télécoms, nous
arriverons bientôt à un cocktail activiste de type « Kamikaze du social ».
MS 5 avril 2010
« Je passe sous silence
ce que tu me dis de trop beau sur l’impasse…Peut-être
pourrais-je en reparler un jour.
Rions à la place et puisque
les circonstances le permettent. Un peu d’abord de ce que tu dis du « kamikaze
du social », qui mériterait d’être poursuivi, approfondi.
Mais il y a ceci que tu
aurais d’imaginer, que toi seul devait imaginer, que j’imagine à ta place du
coup : leur fin comme celle des Ceausescu de la culture, sommairement
jugés par le peuple des occupants, puis exécutés au milieu du 104. Ah, comme la
vision est belle et me réjouit ! Et j’irai en effet lire le portrait sur un faux charnier d’intermittents
dans un Timisoara d’opérette.
J’en ris avec toi.
PC le 10 mai 2010
« Je ne serai à Paris
que vendredi pour deux réunions et puis après je file vers Genève où je gagne
un peu d’argent comme polémiste opposé à Calvin. J’y prêche donc moi aussi,
mais j’y prêche la débauche des mœurs comme condition de maturité indispensable
au fonctionnement des démocraties modernes et tant d’autres vérités sociales de
ce genre.
On ne m’y veut plus trop
donc ce sera mon dernier sermon aux Genevois.
Jean-Luc Godard m’a demandé
l’autorisation de publier en facsimilé un
commentaire que je lui avais envoyé sur son prochain film film –socialisme, alors en état de projet. J’ai accepté par amitié
et la chose devrait paraitre bientôt avec les dialogues du film ( film où se trouve Badiou, entre autres) chez
POL
Et je n’irai que plus tard
revoir chez lui l’ermite cinéaste de Rolle. Lors de ma dernière visite chez
lui, il y a un mois, il s’était montré infiniment attentif et amical mais m’avait
rendu profondèment triste du fait de sa tristesse d’une part et de l’œuvre sur
lui du vieillissement. Il m’a aussi dit parler surtout avec son chien à qui, m’a-t-il
dit, il doit « beaucoup ».
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