Ce mot a
déjà été traité dans les études consacrées à Confédération
générale du Travail et Association internationale des Travailleurs.
Toute la vie de la 1ère Internationale, toute son action toute
l’activité de l’Internationale, tous les Congrès, jusqu’au
Congrès de Londres (1920), sont relatés dans ces deux études,
auxquelles le lecteur doit absolument se reporter pour être
exactement et complètement renseigné.
II ne reste
donc à examiner que l’action depuis 1920 et les Congrès suivants
: Londres (1920), Gênes et Rome (1922), Vienne (1924), Paris (1927)
pour la Fédération Syndicale internationale ; les Congrès de 1923,
1925 et 1928, à Moscou, pour l’Internationale Syndicale rouge ; le
Congrès de Liège (1928) pour l’Association internationale des
Travailleurs.
Fédération
internationale syndicale d’Amsterdam
Cette
Internationale est, relativement, de constitution récente. De même
que de 1874, année de la disparition définitive de la I’Association
Internationale, après le Congrès de Bruxelles, jusqu’en 1895, au
Congrès de Zurich, il n’y eut aucune action internationale
coordonnée et organisée, il n’y eut, non plus, d’Internationale
de 1896 à 1900, date de la constitution du Secrétariat
International. Les Congrès de Stuttgart (1902), de Dublin (1903),
Amsterdam (1905), Christiania (1907), Paris (1909), Budapest (1911)
et Zurich (1913) furent organisés par ce Secrétariat international.
La guerre
vint mettre fin à l’existence de cet organisme. Les Centrales
Nationales alliées (France, Angleterre, Belgique, Italie, auxquelles
se joignirent l’Espagne et la Suisse, un peu plus tard) tinrent
cependant, pendant la guerre, les Conférences de Londres (1915),
Leeds (1916), Berne (1917), Berne encore en 1919.
C’est à
cette dernière Conférence, à laquelle participèrent :
l’Angleterre, la France, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne,
l’Autriche, la Hollande, la Norvège, la Suède, l’Espagne, que,
fut décidée la liquidation du Secrétariat International et la
reconstitution de l’Internationale Syndicale.
L’Italie,
absente, donna son acquiescement par lettre.
La
Conférence se mit d’accord sur une Charte internationale du
Travail que les représentants anglais, français et belges reçurent
mission de défendre auprès de la Conférence de la Paix de
Versailles (1919) et de faire insérer dans le Traité de Paix, dans
la partie qu’on a appelée le Titre XIII.
La
constitution de la Fédération Syndicale Internationale eut lieu au
Congrès de juillet 1919, à Amsterdam. Toutes les Centrales
européennes, plus celle des ÉtatsUnis, y participèrent.
La F.S.I.
décida, dès sa constitution, de participer à la Conférence
Internationale du Travail de Washington pour l’application
universelle de la journée de 8 heures. La F.S.I., à son origine,
groupa 24 Centrales et plus de 20 millions d’adhérents.
Elle eût pu
être une force absolument irrésistible, si elle avait été une
Internationale véritable, au lieu d’être une Association de
nationalismes divisée en deux camps : ex-Alliés et ex-Centraux. 29
Secrétariats internationaux professionnels, groupant près de 17
millions d’ouvriers de toutes professions, sont immédiatement
constitués.
La
Fédération Internationale Syndicale représente donc, dès le
début, la plus grande force mondiale qui ait jamais existé : si
elle avait compris la situation générale et osé agir, elle eut
imposé au monde une transformation sociale radicale. Elle ne sut
comprendre ni agir.
Elle se
contenta de s’occuper de haute stratégie diplomatique et, si son
action en Autriche, en Espagne, voire même en Russie, en faveur des
affamés, a eu des conséquences heureuses, il est, néanmoins hors
de doute, qu’elle eût pu faire bien davantage, si elle avait été
animée de réels sentiments de classe et non imbue d’intérêt
soi-disant général.
La F.S.I.
tint à Londres, en 1920, son deuxième Congrès. Il y fut question
des réparations, des nationalisations ; de la nécessité de tenir
une Conférence internationale des transports et du lancement d’un
emprunt international pour la liquidation des réparations.
Elle
participa à la Conférence de Gênes (1922) à laquelle assista la
Russie soviétique qui, pour la première fois, entrait dans le
concert des puissances.
La F.S.I.
tint une Conférence préalable au cours de laquelle elle adopta une
résolution sur la reconstitution économique de l’Europe. Elle
présenta cette résolution - qui fut rejetée - à la Conférence
des États réunis à Gênes, laquelle devint très rapidement,
exclusivement politique et n’atteignit d’ailleurs aucun de ses
buts.
Le Congrès
de Rome qui se tint presque aussitôt la fin de la Conférence de
Gênes, homologua la résolution prise par la F.S.I. à Gènes.
Il s’occupa
aussi de l’action contre la guerre, de l’organisation de cette
action, il reprit l’organisation des relations entre les
Secrétariats, internationaux professionnels et de la Fédération
Syndicale internationale ouvrière par la Conférence de Zurich en
1913.
Le 3e
Congrès eut lieu à Vienne (Autriche), du 2 au 7 juin 1924. C’est
à ce Congrès que fut dressé le programme minimum dé la F.S.I. qui
comprend : la défense de faire travailler les enfants au-dessous de
15 ans ; l’enseignement universel avec, dans tous les États, des
bureaux d’orientation professionnelle ; les conditions générales
de travail des adolescents, des femmes, des hommes ; l’hygiène et
la sécurité ; le droit syndical et l’émigration ; les
assurances, le placement, le contrôle ouvrier, le logement.
La F.S.I.
organisa en outre, en 1922, un Congrès mondial de la Paix qui se
tint, en décembre, à La Haye. Tous les pays, y compris la Russie, y
participèrent. La lutte contre la guerre y fut envisagée sur le
plan démocratique et légalitaire. A aucun moment, il ne fut
question d’organiser sérieusement la lutte efficace contre la
guerre.
Le 4e
Congrès de la F.S.I. se tint à Paris, en août 1927, au Grand
Palais, cependant que celui de l’A.I.T. se tenait, lui, dans la
forêt de Berlin, deux années auparavant.
Il s’occupa
de la cuisine intérieure du Bureau. Purcell, président, dans son
discours inaugural, attaqua brutalement Jouhaux et surtout Oudegeest.
Pendant tout le congrès ce ne fut qu’une lutte constante entre les
Trade-Unions britanniqueset le reste de la F.S.I.
Ce fut, en
réalité, la lutte entre l’esprit d’unité international, plus
fictif et tactique que réel et sincère, d’ailleurs créé par le
Comité anglo-russe - et l’esprit de maintien du statu quo,
nettement exprimé par Jouhaux, Sassenbach, Oudegeest et Mertens.
Fimeney, l’âme du mouvement “unitaire”, ne dit mot pendant
tout le Congrès.
En
conclusion, Oudegeest, mis en fort mauvaise posture par la délégation
anglaise, dut se retirer. Le Congrès ne fit aucune besogne utile et
toutes les questions furent renvoyées à l’étude du Conseil
général...
Purcell fut
écarté de la présidence, mais un autre Anglais, Hieks, le
remplace.
Telle est,
brièvement relaté, l’activité de la Fédération Internationale
Syndicale.
Internationale
Syndicale Rouge
L’Internationale
Syndicale Rouge, née de la scission qui se produisit dans les années
1919 et 1920 dans presque toutes les Centrales de la F.S.I., tint son
premier Congrès à Moscou, du 3 au 19 juillet 1921.
J’ai déjà
exposé quel fut, à ce Congrès, le rôle de la délégation
française.
Il importe
qu’on sache que ce Congrès constitutif délibéra “librement“
sous la surveillance des soldats rouges, baïonnette au canon.
Tout le
travail des organisateurs syndicaux russes, auxquels s’étaient
joints tous les leaders politiques Lénine, Trotski, Zinoviev,
Kamenev, etc., tendit à imposer aux délégués étrangers et plus
spécialement allemands, français, italiens et espagnols, une charte
qui consacrait la domestication des Centrales nationales aux Partis
politiques communistes et de l’Internationale Syndicale Rouge à
l’Internationale Communiste.
Sur la
proposition de A. Rosmer (France) et de Tom Mann (Angleterre),
rapporteurs, le Congrès vota la résolution suivante :
«
Considérant que la lutte entre le capital et le travail dans tous
les pays capitalistes a acquis, par suite de la guerre et de la crise
mondiale, un caractère particulièrement tranchant, implacable et
décisif ;
Que dans le
processus de cette lutte se dessine, devant les masses ouvrières, de
jour en jour plus distinctement, la nécessité d’écarter la
bourgeoisie de la production et, partant, du pouvoir politique ;
Que ce
résultat ne peut être atteint exclusivement que par l’établissement
de la dictature du prolétariat et du régime communiste ;
Que dans
leur lutte pour la conservation de la dictature bourgeoise, toutes
les couches capitalistes dominantes ont atteint déjà un degré
considérable de concertation et d’unification de leurs
organisations nationales et internationales, aussi bien politiques
qu’économiques, que l’action offensive du prolétariat rencontre
une force unie de la bourgeoisie ;
Que la
logique de la lutte de classes actuelle exige l’unification la plus
complète des forces du prolétariat et de sa lutte révolutionnaire
et détermine ainsi la nécessité d’un contact étroit et d’une
liaison organique entre les diverses formes du mouvement. ouvrier
révolutionnaire, avant tout entre l’Internationale communiste et
l’Internationale syndicale Rouge des syndicats ;
Qu’il est
aussi hautement désirable que tous les efforts soient dans le
domaine national vers l’établissement de relations similaires
entre les partis communistes et les syndicats rouges ;
Le Congrès
décide :
1) Toutes
les mesures doivent être prises pour le groupement le plus ferme des
syndicats révolutionnaires dans une organisation de combat unifiée
avec un centre dirigeant international unique ; l’Internationale
Rouge des syndicats ouvriers ;
2) Des liens
aussi étroits que possible doivent être établis avec la IIIè
Internationale communiste, avant-garde du mouvement ouvrier
révolutionnaire dans le monde entier, basés sur la représentation
réciproque au sein des organismes exécutifs, de délibérations
communistes, etc. ;
3) Cette
liaison doit avoir un caractère organique et technique ; elle
devrait se manifester dans la préparation conjointe et la
réalisation des actes révolutionnaires sur une échelle nationale
aussi bien, qu’internationale ;
4) Le
Congrès affirme la nécessité de tendre à l’unité des
organisations syndicales révolutionnaires et à l’établissement
d’une liaison réelle et étroite entre les syndicats ouvriers
rouges et le parti communiste dans l’application des directives des
deux Congrès. »
Le vote de
cette résolution fut le point de départ de la scission des forces
syndicales centralistes et fédéralistes. Marx et Bakounine étaient
à nouveau face à face. Ils le sont encore et n’ont pas fini de
l’être.
Le Congrès
fixa, selon son esprit bien entendu, les tâches tactiques des
syndicats. Il se prononça sur la neutralité, l’indépendance des
syndicats du socialisme, sur la politique de la Fédération
syndicale d’Amsterdam, sur les méthodes de lutte, le programme
d’action de l’I.S.R. Il examina également le contrôle ouvrier,
les Comités d’usines et de fabriques et détermina l’organisation
dans les différents pays.
Enfin, il
vota les statuts de l’I.S.R. dont le fameux article 11, ci-dessous
indiqué, souleva tant de controverses :
« Pour
établir des liens solides entre l’I.S.R et la IIIe Internationale
communiste, le Conseil Central :
1) Envoie au
Comité Exécutif de la III Internationale trois représentants avec
voix délibérative ;
2) Organise
des séances communes avec le Comité Exécutif de la IIIe
Internationale, pour la discussion des questions les plus importantes
du mouvement ouvrier international et pour l’organisation d’actions
communes ;
3) Quand la
situation l’exige, il lance des proclamations d’accord avec
l’Internationale communiste. »
Cet article
n’est, en somme, que la “codification” de l’esprit qui se
dégage de la résolution Rosmer-Tom Mann qu’il exprime très
clairement.
Les
fédéralistes, à l’encontre de tant d’autres discutailleurs, se
dressèrent contre l’ensemble des statuts. C’était logique. Leur
opposition était donc totale. Elle le resta.
Le IIe
Congrès, qui se tint également à Moscou, ne fit que renforcer la
juste opposition à l’esprit de subordination de l’Internationale
communiste sur les syndicats réduits au rôle passif d’agents
d’exécution des ordres reçus par le canal des partis communistes
dans chaque pays.
En effet, en
dépit de la résolution votée à Saint-Étienne et présentée par
le Bureau de la C.G.T.U., qui sauvegardait l’autonomie du
syndicalisme, le 2e Congrès de l’I.S.R. vota, avant l’adhésion
de la C.G.T.U., une résolution présentée par le camarade Dogadov,
secrétaire de la C.G.T. russe, et ainsi conçue
Considérant
:
1°) Que
l’I.S.R. a pour tâche de grouper tous les ouvriers
révolutionnaires dans le but d’une lutte commune contre le capital
et pour l’instauration de la dictature prolétarienne
2°) Que ce
but ne peut être atteint que si tous les lutteurs de la révolution
sociale sont, profondément pénétrés de l’esprit communiste,
3°) Que la
victoire même du communisme n’est possible que sur le plan
international, ce qui suppose une liaison intime et une coordination
d’action entre l’I.C. et l’I.R.S.
4°) Qu’il
y a, parmi les ouvriers, des groupes à tendance syndicaliste
révolutionnaire qui veulent sincèrement établir un front unique
avec les communistes, tout en croyant que la représentation
réciproque entre l’I.C. et l’I.S.R. établie par le Congrès de
l’I.S.R. ne correspond pas aux traditions du mouvement de leur pays
;
5°) Que la
C.G.T.U. française, qui représente ce point de vue, se prononce
énergiquement pour la collaboration de l’I.C. et de l’I.S.R. et
pour les mouvements communs dans toutes les actions offensives et
défensives contre le capital ;
Les
délégations des syndicats de Russie, d’Allemagne, d’Italie, de
Bulgarie, de Pologne et d’Espagne, tout en se plaçant au point de
vue de la nécessité absolue de donner le rôle directeur au Parti
communiste dans chaque pays et à l’I.C. sur le plan international,
proposent néanmoins, de tendre la main aux ouvriers révolutionnaires
français et d’adopter les propositions de la C.G.T.U.
Cette
résolution, qui est bien, en fait, la consécration de la
subordination du mouvement économique à l’Internationale
communiste, confirme purement et simplement la motion Rosmer-Tom
Mann, votée par le premier Congrès. Les soidisant concessions
qu’elle fait, dans le texte, à l’esprit syndicaliste
révolutionnaire sont, en réalité, inexistantes.
Le vote de
cette résolution aboutit, en France, à une deuxième scission et à
la constitution d’une IIIe C.G.T., la C.G.T.S.R., qui a repris
toute la doctrine du syndicalisme révolutionnaire, qui était celle
de la C.G.T. d’avant-guerre.
Le IIIe
Congrès, qui se tint à Moscou, s’occupa surtout de la question du
front unique et de celle de l’Unité.
Les thèses
- toutes tactiques - édifiées au cours de ce Congrès ne reçurent
jamais aucun commencement d’application. Il s’agissait, pour
l’I.S.R., de bluffer et de faire croire aux ouvriers que Moscou
désirait l’unité et que cette unité ne se réalisait pas parce
que les autres Internationales ne le voulaient pas.
Peu après
ce Congrès, qui mit au monde le fameux Comité anglo-russe qui
devait amener les Trade-Unions dans le giron de l’I.S.R., la
liquidation de l’I.S.R. et la rentrée des syndicats rouges à la
F.S.I. d’Amsterdam fut envisagée.
Cette façon
de voir était d’ailleurs partagée par une partie du Bureau
politique de l’I.C. et, en particulier, par Tomsky, président de
la C.G.T. russe et membre du Bureau politique de l’I.C.
Des efforts
furent tentés, en France, par la C.G.T.U., et en Bulgarie par les
syndicats autonomes sympathisants de l’I.S.R.
Toutes ces
tentatives de conquêtes du dedans furent déjouées par les
dirigeants d’Amsterdam.
Le IVe
Congrès, qui eut lieu encore à Moscou, en 1928, se convainquit
rapidement de la stérilité des efforts dans cette direction.
L’intérêt diplomatique du gouvernement russe n’exigeant pas,
pour le moment, le sacrifice de l’I.S.R., le 4e Congrès changea
brusquement de direction.
Alors que le
IIIe Congrès déclarait qu’il fallait 90 % de l’activité à la
réalisation de l’unité, le IVe Congrès recommande, lui, de
renforcer les Centrales existantes et d’en créer au besoin de
nouvelles.
En réalité,
alors que le IIIe Congrès avait pour plate-forme essentielle
l’unité, le IVe Congrès a choisi, pour principale plateforme,
l’aggravation de la scission.
A l’heure
où j’écris ces lignes, nous en sommes là. Il est, toutefois,
vraisemblable que la rentrée définitive dans le concert des nations
de la Russie soviétique et son admission à la Société des Nations
auront pour conséquence la fusion de la F.S.I. d’Amsterdam et de
l’I.S.R. de Moscou. Quand et comment s’opérera cette jonction ?
Nul ne le sait.
Tel est, à
ce jour, le processus de la vie de l’Internationale russe qui ne
compte, à l’exception des Centrales russe et française, que des
fractions de mouvements.
Filiale et
chose de l’I.C., elle est dirigée par un homme de paille qui
n’agit que par ordre de l’Exécutif communiste.
Alors
qu’elle eût pu grouper toutes les forces syndicalistes
révolutionnaires du monde et faire figure, en face de la F.S.I.
d’Amsterdam, elle ne fut qu’un organisme de division dont il faut
souhaiter au plus tôt la disparition.
L’Association
Internationale des Travailleurs
Cette
Internationale, qui est la continuation, sur le plan syndical, de la
Ie Internationale, appelée elle aussi A.I.T., a été fondée en
décembre 1922, à Berlin.
Je ne
reviendrai, ni sur les deux Conférences préparatoires de 1921 et
1922, ni sur le Congrès constitutif, ni sur la Conférence
d’Insbruck (1923) et lé Congrès d’Amsterdam (1925).
Toutes ces
manifestations de la IIe A.I.T. ont été exposées par le Secrétaire
général, A. Souchy, lorsqu’il a fait son étude sur l’A.I.T.
(Voir Association Internationale des Travailleurs ).
Il ne me
reste donc qu’à relater le Congrès qui s’est tenu à Liège en
juillet 1918, et qui est le troisième de l’actuelle A.I.T.
Il consacra
ses travaux aux questions suivantes : Rationalisation, chômage et 6
heures, la guerre et le militarisme, la création d’un fonds de
secours international, l’attitude de l’A.I.T. dans les luttes
syndicales actuelles.
Il condensa
son point de vue sur toutes ces questions dans les résolutions
ci-après, dont l’intérêt n’échappera à personne.
Résolution
sur la Rationalisation
Le Congrès
considère la rationalisation actuelle de l’économie capitaliste
comme un résultat direct d’une nouvelle phase de développement du
système capitaliste trouvant son expression dans la disparition du
vieux capitalisme privé et son remplacement par le capitalisme
collectif moderne. Cette nouvelle phase signifie pratiquement la
disparition de la libre concurrence et l’instauration de la
dictature économique, laquelle, par l’exclusion de toute
concurrence économique, travaille consciemment à l’exploitation
du monde d’après un système unique.
La
rationalisation n’est qu’une conséquence de cette transformation
nouvelle du monde capitaliste et ne personnifie dans ses méthodes
que la concurrence brutale de la machine de chair et sang et de celle
de fer et d’acier, dont les résultats profitent uniquement au
patronat. Pour les producteurs, par contre, cette nouvelle méthode
signifie l’ensevelissement de leur santé physique et
intellectuelle et la soumission sans d’esclavage industriel les
contraignant à un état de chômage continuel et à un abaissement
continu des conditions de vie.
Le congrès,
loin de voir dans cette nouvelle transformation de l’économie
capitaliste une condition pour la réalisation du socialisme, voit
dans les nouvelles méthodes une forme plus parfaite de
l’exploitation des vastes masses de producteurs et des
consommateurs, formes qui, dans le meilleur des cas, peuvent être
considérées, comme les prémices d’un capitalisme d’État
Futur, mais jamais comme les préparatifs nécessaires à l’avènement
du socialisme. Le Congrès est d’avis que, le chemin vers le
socialisme n’est pas déterminé par une ascension continuelle de
la capacité de production, mais, en première ligne, mais d’abord,
par une claire connaissance de l’état social et Ia ferme volonté
d’activité socialiste constructive, trouvant leur expression dans
les aspirations à la liberté et à Ia justice sociale. Le
socialisme n’est pas seulement un problème économique, mais aussi
un problème psychologique et culturel et en ce sens, aspire à lier
spirituellement les individus à son œuvre, en ce qu’il s’efforce
de présenter le travail d’une façon complexe et attractive, une
aspiration qui ne sera jamais conciliable avec la rationalisation
moderne. Non pas la centralisation des industries d’après les
principes soi disant spéciaux de l’économie des différents
peuples, mais décentralisation de l’ensemble de notre système de
production, comme il l’est de plus en plus exigé par le
développement de la technique moderne ; non pas par une
spécialisation de toutes les branches de la production poussées au
paroxysme, mais unité du travail, union de l’agriculture et de
l’industrie et une éducation complexe des individus pour le
développement de leurs facultés intellectuelles et manuelles. Le
Congrès est d’avis que le nouveau développement du capitalisme,
qui trouve son expression dans la formation des trusts et cartels
nationaux et internationaux gigantesques, rend de plus en plus
inoffensives les vieilles méthodes de la classe ouvrière, et que ce
nouveau développement ne peut être envisagé qu’avec la formation
d’organisations économiques révolutionnaires internationales qui
viennent tout d’abord en question pour la défense des
revendications des travailleurs au sein du système actuel et aussi
pour la réalisation et la réorganisation pratique de la société
dans l’esprit du socialisme. Ce n’est qu’inspiré par l’esprit
du socialisme international que le mouvement ouvrier, que les
travailleurs seront à même de préparer leur libération
économique, poIitique et sociale, et de la réaliser pratiquement.
Le Congrès est d’avis que le socialisme libertaire est l’unique
moyen de protéger l’humanité contre la chute d’un nouveau
servage industriel et que ce grand but final doit être la base de
toutes les Iuttes quotidiennes pratiques qui nous incombent par Ia
misère de l’heure. Le Congrès voit dans la diminution de Ia
journée de travail un des moyens les plus importants pour enrayer le
chômage en masse, rendu chronique par le nouveau système, et ce de
façon que toute augmentation de la production corresponde à une
diminution de la journée de travail. Le Congrès est d’avis que ce
but ne peut être atteint que si les organisations économiques des
ouvriers se décident à reconnaître à chaque travailleur le droit
à la vie ; conséquemment l’exercice, d’une activité
productive, et ce, de façon que, dans chaque arrêt de I’économie
au sein du système actuel, il ne reste pas une partie des
travailleurs dans les usines, alors que l’autre est jetée à la
rue, comme ce fut le cas jusqu’à présent, mais que, par une
diminution du temps de travail appropriée, tous les ouvriers
continuent d’être employés. Avec une telle méthode,
l’organisation recevrait pour les travailleurs une toute autre
importance en tant que classe, et leurs sentiments de solidarité
seraient renforcés d’une façon tout à fait insoupçonnée Le
Congrès appelle tous les membres de l’A.I.T. à mener la
propagande de ces idées parmi les masses et de contribuer ainsi à
la réalisation prochaine du socialisme libertaire, et de mettre la
lutte pour la journée de six heures en tête de ses actions
immédiates.
Résolution
sur les six heures
Le Congrès
constatant que les crises du chômage revêtent de plus en plus un
caractère aigu et chronique, que le prolétariat est victime de ces
crises dans tous les pays du Monde ; Déclare que les causes de
chômage réside 1) Dans le développement du machinisme 2) Dans
l’accroissement continuel du nombre des travailleurs, accroissement
constitué par l’emploi de plus en plus grand de la main d’œuvre
féminine et par la venue au travail industriel d’éléments qui,
jusqu’alors, étaient employés aux travaux de la terre ; 3) Dans
l’introduction de nouvelles méthodes de production dans
l’industrie , méthodes qui ont pour effet d’augmenter
considérablement la vitesse de production ; 4) Dans les bas salaires
qui ne permettent pas aux salariés d’avoir un pouvoir d’achat
suffisant à absorber la production. Le Congrès constate que le
perfectionnement et le développement du machinisme, qui auraient dû
apporter un soulagement à la peine des travailleurs, n’ont,
jusqu’à présent, servi que les intérêts des capitalistes ; tout
en s’affirmant partisans convaincus du progrès sous toutes ses
formes, le Congrès déclare qu’en aucun cas, il ne peut avoir pour
rançon un renforcement de l’exploitation humaine. En ce qui
concerne les nouvelles méthodes de production, connues sous le nom
de rationalisation, le Congrès , après avoir sérieusement étudié
la question, dénonce cette forme de travail comme portant atteinte à
la dignité humaine et comme étant un facteur considérable de
chômage. Le Congrès dénonce par-dessus tout la volonté du
capitalisme de créer, dans tous les pays, une armée de chômeurs,
constituant un réservoir de main d’œuvre qu’il opposera aux
travailleurs lorsque ceux-ci voudront entreprendre une lutte
revendicative quelconque. Le chômage aurait ainsi pour effet de
diviser la classe ouvrière, de diminuer d’autant sa combativité,
de l’amener à délaisser les organisations révolutionnaires et de
l’orienter de plus en plus vers les politiciens. L’association
internationale des Travailleurs, poursuivant un but diamétralement
opposé, désire avant tout que chaque bras soit employé et que les
travailleurs aient constamment plus de bien-être et de liberté et
qu’ils prennent de en plus conscience de la nécessité de la lutte
pour leur émancipation totale. Le congrès préconise de façon
pressante, et pour porter remède à la douloureuse situation du
prolétariat mondial, la diminution des heures de travail,
concrétisée par l’application de la journée de six heures. En
conséquence, Les organisations centrales nationales, réunies en
Congrès international s’engagent à mener dans leurs pays
respectifs une lutte intense en faveur de la journée de six heures
et pour la suppression du travail aux pièces, à la tâche ou à la
prime. Cette lutte devra être entreprise sans délai, la
revendication des six heures devant passer au premier plan des
revendications immédiates de toutes les Centrales adhérentes. Elle
devra absorber une grosse partie de l’activité des organisations
syndicales à tous les échelons.
Chaque
organisation devra étudier sérieusement le problème, de façon à
ce que les méthodes de propagande et d’action soient déterminées
localement, nationalement et internationalement. Le Congrès
préconise l’entreprise d’une quinzaine de propagande mondiale en
faveur de la journée de six heures, quinzaine pendant laquelle les
organisations devront consacrer la totalité de leur activité à
faire connaître cette revendication et à la faire adopter par le
prolétariat mondial.
Pour que
tous les efforts soient bien coordonnés et portent le maximum de
fruits, les organisations nationales devront adresser un rapport sur
la situation de leurs pays et leurs possibilités de propagande au
Secrétariat de l’A.I.T. et, lorsque celui-ci sera en possession de
toute la documentation nécessaire, il indiquera la date où la
quinzaine de propagande pourra être entreprise.
En
préconisant la journée de six heures et en affirmant que le
triomphe de cette revendication apportera plus de mieux-être aux
travailleurs et placera le prolétariat mondial dans une situation
plus favorable vis-à-vis du capitalisme international, le Congrès
reste dans la tradition syndicaliste révolutionnaire. Il dénonce
par avance à l’opinion des travailleurs du monde, les
individualités ou groupements qui, sous quelque prétexte que ce
soit, consciemment ou inconsciemment, s’opposeraient en principe au
triomphe de la revendication des six heures, car leur opposition ne
pourrait que servir le capitalisme et être néfaste au prolétariat.
Le Congrès
fait un appel pressant à tous les travailleurs du monde pour qu’ils
apportent leurs efforts et leur collaboration active a la lutte
qu’entreprend l’Association Internationale des Travailleurs,
seule Internationale syndicale poursuivant librement son action
d’émancipation totale ; l’instauration de la journée de six
heures estunequestiondevieoudemortpourleprolétariat.Groupé dans les
organisations adhérentes à l’A.I.T., il prouvera au capitalisme
sa volonté de vivre dignement et son désir ardent de liberté.
Vivent les
six heures ! Vive l’A.I.T. !