vendredi 4 août 2017

Noir et Rouge Anthologie Deuxième Livraison



Noir et Rouge : revue de discussion et de réflexion anarchiste. Plusieurs auteurs se succèdent et leurs réflexions font avancer le débat.
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Groupes Trotskystes :

« Chaque chapelle au contraire se considère comme tout à fait originale et particulière ; et c'est, d'une certaine façon, exact : du fait de leur impuissance et de leurs faibles effectifs, toutes idéalisent et privilégient telle ou telle institution, mouvement ou tendance, où elles « agissent » en opportunistes (pour pêcher quelques militants) et en même temps elles sont spécifiquement sectaires, dans la défense de leur choix comme unique perspective politique. »

« Le langage qui y a cours est spécialisé et formaliste, tel mot est employé parce qu'il a été employé par les ancêtres-théoriciens de cette chapelle. -C'est un langage sacré, magique, parce que le mot n'essaie pas de communiquer un aspect de la réalité, mais parce que c'est un mot spécial à la chapelle, il rassure l’adhérent, entretient le sentiment de son appartenance à une élite particulière, une secte. Les allusions historiques ou théoriques sont courantes (on n'a pas le temps d'expliquer ces allusions aux non-initiés), tout est entre les lignes.
Résultat : c'est illisible, sauf pour les initiés qui eux ne le lisent pas puisqu'ils le rédigent. »

« Ainsi s'explique, techniquement, le recrutement très « intellectuel » (même quand il s'agit de militants ouvriers) des chapelles. L'absence de toute expérience révolutionnaire, qui permettait l'homogénéisation des militants, explique que la « sélection » ne peut se faire et ne se fait que sur l'acceptation inconditionnelle des textes vénérés, d'une part, et d'autre part, à un mot d'ordre (résumant le choix opportuniste du moment) destiné à faire le plein des militants face aux autres chapelles. »

«On voit facilement pourquoi cette attitude, qui existe d'ailleurs sous forme de souhaits, regrets, pleurnichage sur les divisions, la multiplicité et la dispersion des actions, etc., n'est guère représentée politiquement par une ou plusieurs chapelles données : en effet, ceux qui, année après année, à travers scissions et autres inspirations divines, ont créé de nouveaux groupuscules pour remplir un vide politique qu'ils étaient les seuls à voir, comment éprouveraient-ils autre chose qu'un mépris sectaire pour les « chapelains » d'à côté ? »

« Le « détail » objectif, c'est celui que nous avons précédemment analysé : la multiplicité des chapelles, et sa conséquence,leur inévitable stérilité. Il semble de prime abord que plus le temps passe, plus les choses s'aggravent (nombre plus grand de chapelles et sous-chapelles, confusion théorique accrue, discrédit renforcé de l'alternative révolutionnaire...). Mais justement on approche du point de rupture à cause du décalage de plus en plus grand entre l'amélioration, les possibilités de la situation générale et cette extrême-gauche de papa, ou parfois de pépé. . . Nous en prenons comme preuve la tendance des « sans-parti » à critiquer les chapelles (voir le point l6), ainsi que certaines tentatives récentes, empiriques d'activités moins sectaires, au-delà des chapelles, de la part de certains militants.
On pourrait ainsi s'acheminer vers la levée du « détail » subjectif, qu'est l'ignorance volontaire, la méconnaissance de l'existence même de ces multiples chapelles et de leur identité fondamentale. Cette « théorie des chapelles » est un des essais faits dans ce sens, forcément insuffisant, puisqu'il émane d'une chapelle. Mais d'autres travaillent aussi dans ce sens. »

«A mon sens, l'emploi qui est fait actuellement du terme « avant garde », emploi consacré par Lénine lui-même, est dangereux. Si l'on reste sur le terrain des comparaisons militaires, qui n'est pas forcément mauvais puisqu'il s'agit d'une lutte de classes, c'est le terme « état-major » qui conviendrait mieux pour désigner ces groupuscules qui prétendent entraîner, et qui des fois entraînent, les masses dans des actions qu'elles ne contrôlent pas du tout. Et je suis bien d'accord avec vous pour rejeter cette attitude. Mais il ne faudrait pas tomber dans la négation abstraite du caractère d'avant-garde (au sens vrai : les éclaireurs et les troupes de
choc) que présentent de fait les minorités révolutionnaires. Car ainsi on en arrive (et c'est ce qui vous arrive) à ne vouloir agir et même penser que dans un mouvement de masse. Si bien que, lorsqu'un mouvement se produit, on ne fait que le suivre sans critique, on en fait une religion (l'autogestion, les occupations, les barricades), et lorsqu'il ne s'en produit pas, ou bien en même temps, on « suscite des actions spontanées »... pour ne pas se comporter en avant-garde... (e reviendrai sur des exemples). Au lieu que la situation d'avant-garde demande que l'on se situe dans le mouvement des masses. C'est-à-dire qu'il faut se résoudre à n'avoir qu'une action et une pensée de minorité, complémentaires adjacentes à l'action des masses. Cela demande bien sûr une vision historique et non événementielle, matérialiste et non politique. Et de ce point de vue, on est bien loin du compte. »

«Savoir (par l'expérience, bien sûr) que les syndicats ont joué et jouent un rôle contre-révolutionnaire est évidemment intéressant, nécessaire même. Mais toutes les expériences de répression syndicale qu'on voudra n'expliquent pas pourquoi il en est ainsi. Et c'est justement ça qu'il faut savoir, si on veut changer quelque chose. Mais il est certain que vouloir changer quelque chose quand on n'est qu'une minorité révolutionnaire, c'est de « l'avant-gardisme »... 

« La deuxième conséquence, c'est qu'on ne va plus considérer l'action que comme un moyen de « faire comprendre quelque chose aux gens ». Il est certain qu'une action fait toujours comprendre quelque chose et il est possible que ce soit souvent son résultat le plus positif, encore que ce ne soit pas sûr. Mais, par contre, une action qui n'est faite, conçue (dans la mesure où elle est conçue) que dans ce but, ou bien ne fait rien comprendre, ou bien ne fait pas comprendre ce qu'il s'agirait de faire comprendre.
Ainsi les barricades, par exemple, ont bien permis de résister un peu aux flics ; mais elles ne l'ont pas du tout montré,car, du moment que c'est devenu une habitude de faire des barricades, elles ont plutôt montré leur inefficacité, voire leur danger. Elles ont aussi montré une défaite de plus pour le parti du désordre. Ce n'est pas ça qui est grave, ce qui est « grave » (si souvent), c'est qu'il n'y eut que des barricades.
Cela me rappelle que souvent on se refuse à considérer les « événements » comme une « défaite ». Parce qu'on a eu des expériences, on a appris des choses, etc. « La révolution est un long processus et le mois de mai n'est qu'un pas de plus », etc. D'accord, mais cela ne doit pas empêcher de chercher à voir pourquoi il ne s'est pas produit « autre chose ». Sinon autant dire que l'expérience, devenue par ailleurs un culte aveugle, ne sert à rien. »

« Idéaliste encore parce que tout cela repose sur l'idée qu'une action peut être ou ne pas être révolutionnaire en soi, alors que nous venons de voir qu'il y a des situations où des actes simples et quotidiens (manger, boire, par exemple) peuvent être révolutionnaires et d'autres où l'inceste lui-même, la plus belle fête possible, n'est qu'une anecdote, un îlot de plaisir. En fait, cette idée est celle que certains individus (et non pas certaines actions) sont révolutionnaires, comme ça, et d'autres pas. La révolution devient aussi un sommet inaccessible auquel ne peuvent accéder que certains êtres doués de rares qualités (intelligence, « honnêteté », « esprit libertaire », « prolétaire », etc.). De même que magiquement, on tente de supprimer, par une espèce d'ascèse pas chrétienne, les différences entre les masses et les minorités, de même, on prétend que « tout est politique », on prétend supprimer la différence entre la « morale » et la « politique ». En fait, on en vient à tout penser selon les catégories morales, d'une morale idéaliste (« aliénation », « respect de la base »», etc - la base, qui c'est ?). »

« Ils ne sont pas d'emblée divisés en deux camps, l'un révolutionnaire, l'autre contre-révolutionnaire ; chaque classe, groupe d'intérêt lutte pour ses intérêts propres, dont certains sont convergents, d'autres antagonistes, etc. Mais, nous voyons arriver l'heure et le moment où la situation devient telle que, à la condition de certains efforts, les luttes des opprimés peuvent avoir une issue que nous appelons commodément « socialiste ». Mais alors il ne s'agit pas de tout mettre dans le même sac, de dire que tous ceux dont les luttes peuvent converger vers le socialisme (travailleurs, intellectuels, activistes, femmes, enfants, « peuples opprimés , fous, etc.) peuvent et doivent agir ensemble, sous peine de courir je ne sais quel risque d'avant-gardisme, d'individualisme ou de nationalisme petit bourgeois. Une telle conception a un nom : jacobinisme. »

« Il ne s'agit pas de vous jeter la pierre à tous ni à tout ce que vous faites. Au contraire, je crois que ce n'est la « faute »» d'aucun d'entre vous en particulier, ni des « leaders » (ou prétendus leaders), ni de ceux qui les acceptent, comme trop souvent vous posez le problème. Il est certain par ailleurs qu'il y a chez vous certaines tendances, certains moments qui sont incontestablement matérialistes (avec le sens qui, je crois, se dégage de ce que j'ai dit) , mais malheureusement tout cela reste voilé, obscurci, par toute cette idéologie que je viens de commencer à décortiquer, et cela n'atteint jamais la conscience de soi, ce n'est jamais réfléchi théoriquement . Or je crois la réflexion théorique utile pour lutter contre la confusion mentale qui règne. »
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philosophe polonais Kolakowski

«Le communisme n'est pas pour nous un État à instaurer, un idéal sur lequel la réalité devra se modeler. Nous appelons communisme réel qui abolit l'état aujourd'hui. »

« Les traits fondamentaux considérés comme positifs sont le manque de dynamisme, la soumission vis à vis de l'ordre établi et de ses représentants, le conformisme et le manque de courage. Le système ne forme pas ces individus, il produit seulement de façon presque mécanique les principes de sélection sociale en vertu desquels les chances d'une participation active dans I'auto-reproduction du système sont associées précisément à de telles caractéristiques individuelles. »
(« La personnalité et la conception de la société. », La Pologne. 1966)

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Rosa Luxembourg :

« « Nous ne saurions concevoir de plus grand danger pour le parti socialiste russe que les plans d'organisation proposés par Lénine. Rien ne pourrait plus sûrement asservir un mouvement ouvrier, encore si jeune, à une élite intellectuelle assoiffée de pouvoir que cette cuirasse bureaucratique où on l'immobilise (...) »

« L'ultra-centralisme défendu par Lénine nous paraît comme imprégné, non point d'un esprit
positif et créateur, mais de l'esprit stérile du veilleur de nuit. Tout son souci tend à contrôler l'activité du parti et non à le féconder, à rétrécir le mouvement plutôt qu'à le développer».

Lénine : L’état et la Révolution »

« Quant à la chose informe, inédite et indéfinissable qui naîtra au lendemain de la Révolution, ce sera un " État transitoire »», une « forme révolutionnaire et passagère de l’État », un État à la fois « démocratique» et « dictatorial », un « État non politique », un État « prolétarien ou demi-Etat »», « quelque chose qui n'est plus à proprement parler l’État », un « État envoie de dépérissement », une « dictature du prolétariat », une « dictature provisoire de la classe opprimée ». Cette cascade de définitions variées et embarrassées ouvre la porte à toutes les interprétations et donc, quand sonnera L’heure de l'application, à tous les abus. » (p. lll-ll2).

Guérin sur Lénine :

« Dans son désir de capter au profit de son parti le puissant mouvement des masses qui, au moment où il écrit, s'exprime spontanément par les soviets, il suggère que les ministères bourgeois soient remplacés par des « soviets souverains et tout-puissants de députés ouvriers et soldats »», et appelle de ses vœux « une république démocratique du type de la Commune ou de la République des Soviets ». Mais, à d'autres moments, ce miroir aux alouettes destiné à amener au bolchevisme les masses prolétariennes, fait place à des perspectives pour celles-ci beaucoup moins rassurantes (...) » (p.tt2).

« Déjà, en 1848, Marx et Engels projetaient de concentrer tout le capital, toute l'industrie, tous les transports, tout l'échange entre les mains de l’État. Depuis, sous la pression des libertaires, ils mirent beaucoup d'eau dans le vin de cet étatisme. Mais Lénine demeure un rigide communiste d’État. Il se fixe pour tâche de se « mettre à l'école du capitalisme d’État allemand ». L'organisation de la grande industrie moderne par le capitalisme, avec sa « discipline de fer », ne le séduit pas moins et il le propose comme modèle. Pour lui, le capitalisme d’État est « l'antichambre du socialisme » et l'on peut passer de l'un à l'autre « par de simples décrets » (...) (p.113).

Citation Errico Malatesta :

«L'anarchie ne peut pas venir d'un seul coup, comme conséquence immédiate d'une insurrection laquelle aurait abattu violemment tout ce qui existe et l'aurait remplacé par des institutions vraiment nouvelles ; il est certain que l'Anarchie ne peut être L’effet d'un miracle et ne peut pas se réaliser en contradiction avec la loi générale de l'évolution, que rien ne se produis sans cause suffisante, que rien ne peut se faire sans avoir la force de le faire. L'Anarchie ne peut se réaliser qu'en augmentant graduellement en intensité et en extension. Il ne s'agit donc pas de faire L’Anarchie aujourd'hui ou demain, toujours. » (l).



Paul Zorkine :

« Anarchistes, nous sommes toujours prêts à bousculer même les saints de notre chapelle quand même nous constaterions leurs erreurs. Mais, sans aucun dogmatisme, nous ne voulons pas le faire quand il s'agit de L’affirmation citée par Malatesta car, en effet, on n'improvise pas une révolution comme un prestidigitateur sort des lapins de son haut-de-forme. Le système capitaliste porte en soi une suite de contradictions qui se traduisent par une lutte de classe permanente.
Orienter, intensifier cette lutte c'est déjà faire la révolution. Chaque acte anarchiste, chaque parole anarchiste, chaque preuve anarchiste, chaque fois que l'autorité recule, chaque fois que les masses s'organisent et réalisent en dehors, est un pas vers et dans la révolution ».

« Car dans des situations analogues, la bourgeoisie a toujours peur en voyant le peuple prendre les armes, s'organiser et lutter en dehors de tous les cadres existants. C'est la raison pour laquelle, pleinement consciente, une partie de la bourgeoisie se rallie aux partisans précisément pour faire échec au tournant révolutionnaire que ce genre de lutte a naturellement tendance à prendre. C'est pour des motifs de classe contre-révolutionnaires qu'Alexandre I en Russie, Charles-Albert en 1848 en Italie, ou plus récemment le gouvernement républicain espagnol en 36, De Gaulle, Nasser, Bourguiba, Mohammed V etc...ont apporté leur « soutien » aux mouvements des partisans ».

Malatesta :

«La violence est bien trop nécessaire pour résister à la violence de l'adversaire, que nous devons la préconiser et la préparer, si nous ne voulons pas que les conditions actuelles de l'esclavage larvé dans lesquelles se trouve la grande majorité de l'humanité empirent et se perpétuent. Mais elle contient en soi le danger de transformer la révolution en une mêlée brutale sans lumière de l'idéal et sans possibilité d’obtenir des résultats positifs ; c'est pourquoi il faut insister sur les buts moraux du mouvement et sur la nécessité, sur le devoir de contenir la violence dans les limites de la stricte nécessité. Nous ne disons pas que la violence est bonne quand nous l'employons et mauvaise quand ce sont les autres qui l'appliquent contre nous. Nous disons que la violence est justifiée, est bonne, est « morale », est un devoir quand elle est employée "pour la défense de soi-même et des autres contre les menaces des violents. Elle est mauvaise, elle est immorale si elle sert à violer la liberté des autres. Toute la violence nécessaire pour vaincre, mais rien de plus ou de pire ».
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A cet aspect de la guerre des partisans doit se superposer dans notre optique, une « phase internationale » dans laquelle la conscience de classe et la solidarité du prolétariat international peuvent être décisifs.
Cette solidarité se manifeste dans les sabotages, dans le refus de travailler pour l'économie de guerre du gouvernement qui combat la révolution, dans l'envoi de volontaires (brigades internationales) et dans l'aide matérielle et technique. Mais elle doit se manifester surtout dans la lutte contre les classes dirigeantes propres.

« Paris envoie des ambulances, des vivres et des volontaires. Cela ne suffit pas. Paris ne donne pas ce qu'il possède de plus puissant : sa colère... » Berneri

« Mais aujourd'hui, peut-on confirmer que les mots d'ordre nationalistes, les aspirations nationales, sont dépassés ? Qu'ils ne sont plus aptes à mobiliser les foules ? Ou bien au contraire, ces aspirations sont-elles plus capables de soulever les masses que les aspirations proprement socialistes ? »

D'autre part, depuis un siècle le fait social, même socialiste, est plus ou moins recherché par tout le monde ( tout le monde s'appelle socialiste : radical-socialiste, national-socialiste, démocrate-socialiste). Dans presque tous les pays nouvellement indépendants, les mots d'ordre nationalistes sont intimement liés à des mots d'ordre sociaux, sinon socialistes. Ce qui est nécessaire, c'est de préciser et de concrétiser le concept de socialisme. »

« Au-delà de cet exemple, il faut reconnaître que les partis communistes, malgré toutes leurs phraséologies ne sont pas des partis révolutionnaires (l'exemple de la Yougoslavie et celui de la Chine est à discuter). Leur seule force « positive » est leur technique du coup d’État. C'est la grande découverte de Lénine (après celle des sociaux démocrates - la victoire parlementaire) : étant donné l'incapacité du parti à soulever les masses, sa seule chance est de se tenir tout près de la vague révolutionnaire, de préparer sa force, ses cadres, (les révolutionnaires professionnels) pour « après », quand l'ennemi est abattu. Cette tactique de prise de pouvoir par le coup d’État après la vague révolutionnaire a été réalisée à Pétersbourg en Octobre l9l7 . Le dernier livre sur Trotsky, d'Isaac Deutscher, confirme encore une fois ce fait. Staline (ainsi que Churchill) avait peur des forces révolutionnaires que la deuxième guerre mondiale risquait de soulever ; ainsi ce dernier a vendu 120 millions d'hommes de l'Est européen à Moscou. Et bien qu'aidé par l'Armée Rouge et la police, Staline a utilisé la tactique du coup d’État pour prendre le pouvoir, en Tchécoslovaquie par exemple. »

«Les camarades espagnols se rappellent bien les bateaux russes en rade de Barcelone pendant la guerre civile et le marchandage : le blé et les fusils contre les postes ministériels,-les abandons de principe, l'exclusivité. La guerre d'Espagne a échoué entre autres parce que Staline, n'ayant pas réussi à noyauter la Révolution, l'a abandonnée (pour s'embrasser quelques mois plus tard avec Hitler). La fourniture d'armes aux Algériens par les Soviétiques est sans doute dans une optique analogue. »

« Il est évident qu'il existe des différences quantitatives : nos camarades en Russie ont été massacrés et continuent d'être en prison (je peux le dire, car j'ai expérimenté personnellement pendant des années les « bienfaits » du socialisme de l'Est, y compris son système d'oppression, ce qui m'a obligé à me réfugier dans le monde « libre »). Ici, nous pouvons encore nous exprimer ; aux USA la loi anti-anarchiste est encore en vigueur. C'est un fait aussi que les émigrés libertaires échappant des camps de concentration de l'Est ou d'Espagne trouvent encore certains pays où ils peuvent vivre en se déclarant libertaires. Mais ces faits ne doivent pas nous faire oublier que le «monde libre » a encore son Franco et son Salazar, que le monde capitaliste montre les dents chaque fois qu'il voit en face de lui une force même limitée qui lui échappe, et qui tâche de saper ses bases de privilégié, que les tendances étatiques sont de plus en plus fortes. »


« Une résistance nationale est souvent un malentendu pour autant qu'on y trouve coude à coude le militant ouvrier qui lutte pour sa classe et le bourgeois qui lutte pour sa patrie, celui qui, comme dit l'autre, croit au ciel et lutte pour la morale chrétienne, et celui qui n'y croit pas et sait cette morale liberticide. Le malentendu est d'autant plus profond que la composition sociale de la résistance est hétérogène, que son ciment est l'action, chacun ayant des motifs différents d'agir. »

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