vendredi 25 août 2017

Michel Bakounine 1814-1876 Dossier N°2


La Révolution de Février 1848 :

« J'eus donc ainsi l'occasion de voir les ouvriers et de les étudier du matin au soir. Jamais et nulle part, dans aucune autre classe sociale, je n'ai trouvé autant de noble abnégation, ni tant d'intégrité vraiment touchante, de délicatesse dans les manières et d'aimable gaieté unie à pareil héroïsme que chez ces simples gens sans culture, qui ont toujours valu et qui vaudront toujours mille fois mieux que leurs chefs.
Ce qui frappe surtout en eux , c'est leur profond instinct de la discipline ; dans leurs casernes, il ne pouvait y avoir ni ordre établi, ni lois, ni contrainte ; mais plût à Dieu que n'importe quel soldat régulier sût obéir avec autant d'exactitude, deviner aussi bien les désirs de ses chefs et maintenir l'ordre aussi strictement que ces hommes libres ; ils demandaient des ordres, ils demandaient des chefs, obéissaient avec minutie, avec passion ; dans leur pénible service, pendant des journées entières, ils enduraient la faim et ils n'en étaient pas moins aimables et toujours gais. Si ces gens, si ces ouvriers avaient trouvé un chef digne d'eux, capable de les comprendre et de les aimer, ce chef aurait pu accomplir, avec eux, des miracles.
Ce mois passé à Paris (…) fût un mois de griserie pour l'âme. Non seulement j'étais grisé, mais tous l'étaient : les uns de peur folle, les autres de folle extase, d'espoirs insensés. Je me levais à cinq ou quatre heures du matin, je me couchais à deux heures, restant sur pied toute la journée, allant à toutes les assemblées, réunions, clubs, cortèges, promenades ou démonstrations ; en un mot, j'aspirais par tous mes sens et par tous mes pores l'ivresse de l'atmosphère révolutionnaire. »

« Outre les qualités indispensables pour constituer le caractère révolutionnaire sérieux et honnête, telles que : bonne foi, courage, prudence, discrétion, constance, fermeté, résolution, dévouement sans limite, absence de vanité et d'ambition personnelle, intelligence, pratique, il faut encore que le candidat ait adopté de cœur, de volonté et d'esprit tous les principes fondamentaux de notre catéchisme révolutionnaire. »

Organisation Politique

« Les églises, considérées comme corporations religieuses, ne jouiront d'aucun des droits politiques qui seront attribués aux associations productives, ne pourront ni hériter, ni posséder des biens en commun excepté leurs maisons ou établissements de prière, et ne pourront jamais s'occuper de l'éducation des enfants, l'unique objet de leur existence étant la négation systématique de la morale, de la liberté et de la sorcellerie lucrative. »

« La liberté ne peut et se doit se défendre que par la liberté : et c'est un contresens dangereux que de vouloir y porter atteinte sous le prétexte spécieux de la protéger ; et, comme la morale n'a pas d'autre source, d'autre stimulant, d'autre cause, d'autre objet que la liberté, et comme elle n'est elle-même rien que la liberté, toutes les restrictions qu'on a imposées à cette dernière dans le but de protéger la morale ont toujours tourné au détriment de celle-ci. »

Organisation sociale

« L'égalité et la justice réclament uniquement : une organisation de la société telle que tout individu humain naissant à la vie y trouve, en tant que cela dépendra non de la nature mais de la société, des moyens égaux pour le développement de son enfance et de son adolescence jusqu'à l'âge de sa virilité, pour son éducation et pour son instruction d'abord, et plus tard pour l'exercice des forces différentes que la nature aura mises en chacun pour le travail. Cette égalité de point de départ, que la justice réclame pour chacun, sera impossible tant qu'existera le droit de succession. »

« Le mal dont souffre le peuple est encore plus facile à déterminer : il travaille pour autrui, et son travail, privé de liberté, de loisir et d'intelligence, et par là même avili, le dégrade, l'écrase et le tue. Il est forcé de travailler pour autrui, parce que né dans la misère et privé de toute instruction et de toute éducation rationnelle, moralement esclave grâce aux influences religieuses, il se voit jeté dans la vie désarmé, discrédité, sans initiative et sans volonté propre. Forcé par la faim, dès sa plus tendre enfance, à gagner sa triste vie, il doit vendre sa force physique, son travail aux plus dures conditions sans avoir ni la pensée, ni la faculté matérielle d'en exiger d'autres. Réduit au désespoir mais, manquant de cette unité et de cette force que donne la pensée, mal conduit, le plus souvent trahi et vendu par ses chefs, etne sachant presque jamais à quoi s'en prendre des maux qu'il endure, frappant le plus souvent à faux, il a , jusqu'à présent du moins, échoué dans ses révoltes et, fatigué d'une lutte stérile, il est toujours retombé sous l'antique esclavage. »

De la faille et de l'école :

« Du moment qu'une femme porte un enfant dans son sein, jusqu'à ce qu'elle l'ait mis au monde elle a droit à une subvention de la part de la société, payée non pour le compte de la femme mais pour celui de l'enfant. Toute mère qui voudra nourrir et élever ses enfants recevra également de la société tous les frais de leur entretien et de sa peine ( prodiguée) aux enfants. »
Politique révolutionnaire

« L'objet de la révolution démocratique et sociale peut se définir en deux mots :
Politiquement : c'est l'abolition du droit historique, du droit de conquête et du droit diplomatique. C'est l'émancipation complète des individus et des associations du joug de l'autorité divine et humaine : c'est la destruction absolue de toutes les unions et agglomérations forcées des communes dans les provinces, des provinces et des pays conquis dans l'état. Enfin c'est la dissolution radicale de l'état centraliste, tutélaire, autoritaire, avec toutes les institutions militaires, bureaucratiques, gouvernementales, administratives, judiciaires et civiles. C'est en un mot la liberté rendue à tout le monde, aux individus, comme à tous les corps collectifs, associations, communes, provinces, régions et nations, et la garantie mutuelle de cette liberté par la fédération.
Socialement : c'est la confirmation de l'égalité politique par l'égalité économique. C'est, au commencement de la carrière de chacun, l'égalité du point de départ, égalité non naturelle mais sociale pour chacun, c'est-à-dire égalité des moyens d'entretien, d'éducation, d'instruction pour chaque enfant, garçon ou fille, jusqu'à l'époque de sa majorité. »

Programme et objet de l'organisation secrète révolutionnaire des Frères Internationaux :

« Tout individu humain est le produit involontaire d'un milieu naturel et social au sein duquel il est né, il s'est développé et dont il continue à subir l'influence. Les trois grandes causes de toute immoralité humaine sont : l'inégalité tant politique qu'économique et sociale ; l'ignorance qui en est le résultat naturel et leur conséquence nécessaire : l'esclavage. »

Polémique avec Marx

« Prétendre qu'un groupe d'individus, même les plus intelligents et les mieux intentionnés, seront capables de devenir la pensée, l'âme, la volonté dirigeante et unificatrice du mouvement révolutionnaire et de l'organisation économique du prolétariat de tous les pays, c'est une telle hérésie contre le sens commun et contre l'expérience historique, qu'on se demande avec étonnement comment un home aussi intelligent que M Marx a pu la concevoir. »

Étatisme et anarchie

« Ainsi, sous quelque angle qu'on se place pour considérer cette question, on arrive au même résultat exécrable : le gouvernement de l'immense majorité des masses populaires par une minorité privilégiée. Mais cette minorité, disent les marxiens, se composera d'ouvriers. Oui, certes, d'anciens ouvriers, mais qui, dès qu'ils seront devenus des gouvernants ou des représentants du peuple, cesseront d'être des ouvriers et se mettront à regarder le monde prolétaire du haut de l'état ; ne représenteront plus le peuple, mais eux-même et leurs prétentions à le gouverner. Qui en doute ne connaît pas la nature humaine. »

La Commune de Paris

« Je suis un partisan de la Commune de Paris qui, pour avoir été massacrée, étouffée dans le sang par les bourgeois de la réaction monarchique et cléricale, n'en est devenue que plus vivace, plus puissante dans l'imagination et dans le cœur du prolétariat de l'Europe ; j'en suis le partisan surtout parce qu'elle a été une négation audacieuse, bien prononcée, de l’État. »

« Paris noyé dans le sang de ses enfants les plus généreux, c'est l'humanité crucifiée par la réaction internationale et coalisée de l'Europe, sous l'inspiration immédiate de toutes les églises chrétiennes et du grand prêtre de l'iniquité, le pape ; mais la prochaine révolution internationale et solidaire des peuples sera la résurrection de Paris . »

« Ils sont d'autant plus excusables que le peuple de Paris lui-même, sous l'influence duquel ils ont pensé et agi, était socialiste beaucoup plus d'instinct que d'idée ou de conviction réfléchie. Toutes ses aspirations sont au plus haut degré et exclusivement socialistes ; mais ses idées ou plutôt ses représentations traditionnelles sont encore loin d'être arrivées à cette hauteur. Il y a encore beaucoup de préjugés jacobins, beaucoup d'imaginations dictatoriales et gouvernementales, dans le prolétariat des grandes villes de France et même dans celui de Paris. Le culte de l'autorité, produit fatal de l'éducation religieuse, cette source historique de tous les malheurs, de toutes les dépravations et de toutes les servitudes populaires, n'a pas été encore complètement déraciné de son sein. C'est tellement vrai que même les enfants es plus intelligents du peuple, les socialistes les plus convaincus, ne sont pas encore parvenus à s'en délivrer d'une manière complète. Fouillez dans leur conscience et vous y retrouverez le jacobin, le gouvernementaliste, refoulé dans quelque coin bien obscur et devenu très modeste, il est vrai, mais non entièrement mort. »

Aucun commentaire: