
Chateaubriand! Je suis tombé par hasard sur ces deux livres très anciens sur un vide grenier en Bretagne. Sur la terre même de Chateaubriand!
C'est un écrivain remarquable même si ses idées sont presque aux antipodes des miennes.
Ce qui m'intéresse, outre le style d'une élégance à toute épreuve, c'est cette réflexion sur la religion. Même si je suis persuadé qu'une croyance au delà de la vie et de l'espace empêche les humains de croire en eux et en leur propre conception de la liberté, Chateaubriand me questionne sur la teneur de la religion, non comme une croyance mais comme un système morale qui élèverait l'âme de l'homme. Le fait de rejeter la religion, serait selon lui, le meilleur moyen de rejeter l'humanité de
l'homme.
Sans nous laisser convaincre, nous pouvons nous demander si l'homme n'a pas besoin de trouver une idée supérieure qui pourrait l'amener à se libérer du côté tristement matérialiste pour se consacrer à une pensée plus élevée.
Mémoires
d'outre-tombe :
« En supposant que
l'opinion religieuse existât telle qu'elle est à l'heure où
j'écris maintenant, le génie du christianisme étant encore
à faire, je le composerais tout différemment qu'il est : au
lieu de rappeler les bienfaits et les institutions de notre religion
au passé, je ferais voir que le christianisme est la pensée de
l'avenir et de la liberté humaine : que cette pensée
rédemptrice et messie est le seul fondement de l'égalité sociale ;
qu'elle seule la peut établir, parce qu'elle place auprès de cette
égalité la nécessité du devoir correctif et régulateur de
l'instinct démocratique. La légalité ne suffit pas pour contenir,
parce qu'elle n'est pas permanente ; elle tire sa force de la
loi ; or la loi est l'ouvrage des hommes qui passent et varient.
Une loi n'est pas toujours obligatoire ; elle peut toujours être
changée par une autre loi : contrairement à cela, la morale
est permanente ; elle a la force en elle-même, parce qu'elle
vient de l'ordre immuable ; elle seule peut donc donner la
durée. »
Discours
Historiques
« Avec la religion
commence la société ; les premiers pères de familles
deviennent les premiers prêtres, les premiers rois, les
« patriarches » (pères et princes).
« Peu à peu ces sociétés
aristocratiques se transforment par l'accroissement de la partie
démocratique en républiques populaires. Les états populaires se
corrompent, le peuple qui, d'abord, n'avait réclamé que l'égalité,
veut dominer à son tour. L'anarchie survient et force le peuple à
s'abriter sous la domination d'un seul. Le besoin de l'ordre fonde la
monarchie, comme le besoin de liberté avait fondé l'aristocratie,
et le besoin d'égalité la démocratie. »
« L'homme, durant sa
laborieuse carrière, cherche sans repos sa route de la déchéance à
la réhabilitation, pour arriver à l'unité perdue. »
« Sous la féodalité, la
servitude germanique remplaça la servitude romaine. Le servage prit
la place de l'esclavage ; c'est le premier pas de
l'affranchissement de la race humaine et, chose étrange, on le doit
à la féodalité. Le serf devenu vassal ne fut plus qu'un soldat
armé et les armes délivrent ceux qui les portent. Du servage, on a
passé au salaire, et le salaire se modifiera encore, parce qu'il
n'est pas une entière liberté. »
« La communion réformée
n'a jamais été aussi populaire que la communion catholique :
de race princière et patricienne, elle ne sympathise pas avec la
foule. Équitable et moral, le protestantisme est exact dans ses
devoirs ; mais sa bonté tient plus de la raison que de la
tendresse: il vêtit celui qui est nu, mais ne il ne le réchauffe
pas dans son sein ; il ouvre ses asiles à la misère, mais il
ne vit pas et ne pleure pas avec elle dans ses réduits les plus
abjects ; il soulage l'infortune, mais il n'y comptait pas. »
« Le verbe ne s'est point
fait chair dans l'homme de plaisir, il s'est incarné à l'homme de
douleur de tous, d'une fraternité universelle et d'une salvation
immense. »
« Quand la liberté est
conquise au profit d'un homme, elle devient le despotisme, lequel est
la servitude de tous et la liberté d'un seul ; quand elle est
conquise pour plusieurs, elle devient l'aristocratie : quand
elle est conquise pour tous, elle devient la démocratie, qui est
l'oppression de tous pour tous ; car alors, il y a confusion du
pouvoir et de la liberté, du gouvernement et du gouverné. »
« Le christianisme ;
dont l'ère ne commence qu'au milieu des temps est né dans le
berceau du monde. L'homme nouvellement créé pèche par orgueil, et
il est puyni ; il a abusé des lumières de la science, et il
est condamné aux ténèbres du tombeau. Dieu avait fait la vie ;
l'homme a fait la mort, et la mort devient la seule nécessité de
l'homme. »
« Le christianisme sépare
l'histoire du genre humain en deux portions distinctes : depuis
la naissance du monde jusqu'à Jésus-Christ, c'est la société avec
des esclaves, avec l'inégalité des hommes entre eux, l'inégalité
sociale de l'homme et de la femme : depuis Jésus-Christ jusqu'à
nous, c'est la société avec l'égalité des hommes entre eux,
l'égalité sociale de l'homme et de la femme ; c'est la société
sans esclaves ou du moins sans le principe de l'esclavage. »
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