arrive à Toulon et va voir
le maire :
« Voici, lui dis-je, un
papier qui m'a coûté 2 francs, et qui, après, renseignements
fournis sur ma personne par le commissaire de police de mon quartier
assisté de 2 témoins connus me promet, enjoint aux autorités
civiles et militaires de m'accorder assistance et protection en cas
de besoin. Or, vous savez, monsieur le maire, que je suis compositeur
d'imprimerie, que depuis Paris, je cherche du travail sans en trouver
et que je suis au bout de mes épargnes. Le vol est puni, la
mendicité interdite, la rente n'est pas pour tout le monde. Reste le
travail dont la garantie me paraît seule pouvoir remplir l'objet de
mon passeport. En conséquence, monsieur le maire, je viens me mettre
à votre disposition. »
Pour obtenir la bourse
d'étude à Besançon :
« Né et élevé au sein
de la classe ouvrière, lui appartenant encore par le cœur et les
affections, surtout par la communauté des souffrances et des vœux ,
ma plus grande joie, si j'obtenais les suffrages de l'académie,
serait de travailler sans relâche, par la philosophie et la science,
avec toute l'énergie de ma volonté et de toutes les puissances de
mon esprit à l'amélioration physique morale et intellectuelle de
ceux que je me plais à nommer mes frères et mes compagnons, de
pouvoir répandre parmi eux les semences d'une doctrine que je
regarde comme la loi du monde moral et en attendant le succès de mes
efforts, de me trouver déjà, messieurs, comme leur représentant
vis-à-vis de vous »
« J'avais pris pour règle
de mes jugements que tout principe qui, poussé à ses dernières
conséquences, aboutirait à une contradiction , devait être
tenu pour faux et nié ; et que, si ce principe avait donné
lieu à une institution, l'institution elle-même devait être
considérée comme factice, comme une utopie. »
Avènement
de la liberté
« Plus l'homme est
ignorant, plus son obéissance, plus sa confiance en son guide est
absolue. Mais l'homme, dont la loi est de se conformer à la règle,
c'est-à-dire de la découvrir par la réflexion et le raisonnement,
l'homme raisonne sur les ordres de ses chefs : or, un pareil
raisonnement est une protestation contre l'autorité, un commencement
de désobéissance. Du moment que l'homme cherche les motifs de la
volonté souveraine, de ce moment-là l'homme est révolté. S'il
n'obéit plus parce que le roi commande, mais parce que le roi
prouve, on peut affirmer que désormais il ne reconnaît plus aucune
autorité, et qu'il s'est fait lui-même son propre roi. Malheur à
qui osera le conduire, et ne lui offrira, pour sanction de ses lois,
que le respect d'une majorité : car, tôt ou tard, la minorité
se fera majorité, et ce despote imprudent sera renversé et toutes
ses lois anéanties. »
Le
Système des contradictions économiques
« Les politiques enfin,
quelle que soit leur bannière, répugnent invinciblement à
l'anarchie, qu'ils prennent pour le désordre ; comme si la
démocratie pouvait se réaliser autrement que par la distribution de
l'autorité, et que le véritable sens du mot démocratie ne fût pas
destitution du gouvernement. »
à propos de la révolution
de 1848
« La révolution sociale
est sérieusement compromise si elle arrive par la révolution
politique. »
« Le socialisme par cela
même qu'il est une protestation contre le capital, est une
protestation contre le pouvoir. Or la Montagne entendait réaliser le
socialisme par le pouvoir et, qui pis est, se servir du socialisme
pour arriver au pouvoir. »
« A dater du 31 juillet,
je devins, suivant l'expression d'un journaliste, l'homme-terreur (…)
j'ai été prêché, joué, chansonné, placardé, biographé,
caricaturé, blâmé, outragé, maudit (…) Les dévots m'ont menacé
, dans des lettres anonymes, de la colère de Dieu ; les femmes
pieuses m'ont envoyé des médailles bénites (…) Des pétitions
sont parvenus à l'assemblée nationale pour demander mon expulsion
comme indigne. »
« La France a nommé Louis
Bonaparte président de la république, parce qu'elle est fatiguée
des partis, parce que tous les partis sont morts. »
Et Proudhon d'administrer une
volée de bois vert à ces hommes qui, tels ceux du gouvernement de
Front Populaire de 1936, n'eurent qu'une pensée : rester dans
la légalité :
« Toute leur ambition (…)
a été de rendre, fidèles commis, des comptes justes. Poursuivis
par les souvenirs de 93, (…) ne voulant ni passer pour
démolisseurs, ni usurper la souveraineté nationale, ils se sont
bornés à maintenir l'ordre (…) ils auraient cru forfaire à leur
mandat en sortant des voies légales et jetant (…) le peuple dans
la révolution.On répandait que la révolution allait désorganiser
l’État, que la démocratie était l'anarchie (…) plutôt que de
recourir à des moyens sommaires, extra-légaux, contre les riches
(…) ils ont mis l’honnêteté à la place de la politique (…)
ils furent pleins d'honneur et de scrupule (…) esclaves de la
légalité, gardiens incorruptibles de la pudeur démocratique. »
à propos de Louis Blanc
« Quoi ! Voici un
homme convaincu que les hommes du pouvoir, ses collègues, sont
hostiles au progrès ; que la révolution est en péril si on ne
réussit pas à les remplacer ; il sait que l'occasion est rare,
qu'une fois échappée elle ne revient plus ; qu'un seul instant
lui est donné pour frapper son coup décisif ; et quand arrive
ce moment, il en profite juste pour refouler ceux qui lui apportent
leurs dévouements et leurs bras ! »
« Quand aux masses, si
pauvre que fût leur intelligence, si faible que je connusse leur
vertu, je les craignais moins en pleine anarchie qu'en scrutin. »
« Elu depuis 15 jours
représentant du peuple, j'étais entré à l'assemblée nationale
avec la timidité d'un enfant, avec l'ardeur d'un néophyte. Assidu
dès 9 heures, aux réunions des bureaux et des comités, je ne
quittais l’assemblée que le soir, épuisé de fatigue et de
dégoût. Depuis que j'avais mis le pied sur le Sinaï parlementaire,
j'avais cessé d'être en rapport avec les masses : à force de
m'absorber dans mes travaux législatifs, j'avais entièrement perdu
de vue les choses courantes. Je ne savais rien, ni de la situation
des ateliers nationaux, ni de la politique du gouvernement, ni des
intrigues qui se croisaient au sein de l'assemblée. Il faut avoir
vécu dans cet isoloir qu'on appelle une assemblée nationale, pour
concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement
l'état d'un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. »
Manifeste
électoral du peuple :
« Démocrates-socialistes,
nous ne sommes, à vrai dire, d'aucune secte, d'aucune école. Ou
plutôt, s'il fallait à toute force nous classer nous-même, nous
dirions que nous sommes de l'école critique . Le socialisme
n'est point pour nous un système ; c'est tout simplement une
protestation. Toutefois, nous croyons que des travaux socialistes il
s'est dégagé un ensemble de principes et d'idées en opposition
avec la routine économique, et qui ont passé dans la foi
populaire ; et c'est pour cela que nous nous disons socialistes.
Faire profession de socialisme, et ne rien accepter du socialisme,
comme le font de plus habiles , ce serait nous moquer du peuple
et abuser de sa crédulité. »
« Le socialisme a pour but
l'affranchissement du prolétariat et l'extinction de la misère,
c'est à dire l'égalité effective des conditions parmi les hommes.
Sans égalité, il y aura toujours misère, toujours prolétariat. »
« Mais qu'on ne cherche
plus à nous distraire de ce que nous regardons comme les vrais
intérêts du peuple ; qu'on n'essaie pas de nous leurrer par e
vains semblants de réforme. Nous sommes trop éclairés pour être
dupes, nous savons mieux comment va le monde que les hommes
politiques qui nous honorent de leurs remontrances. »
Du
principe d'autorité
« Voilà pourquoi, jusqu'à
nos jours, les révolutions les plus émancipatrices, et toutes les
effervescences de la liberté, ont abouti constamment à un acte de
foi et de soumission au pouvoir ; pourquoi toutes les
révolutions n'ont servi qu'à reconstituer la tyrannie : je
n'en excepte plus la constitution de 93 que celle de 1848, es deux
expressions les plus avancées, cependant, de la démocratie
française.
Ce qui a entretenu cette
prédisposition mentale et a rendu la fascination pendant si
longtemps invincible, c'est que, par suite de l'analogie supposée
entre la société et la famille, le gouvernement s'est toujours
présenté aux esprits comme l'organe naturel de la justice, le
protecteur du faible, le conservateur de la paix. Par cette
attribution de providence et de haute garantie, le gouvernement
s'enracinait dans les cœurs autant que dans les intelligences. Il
faisait partie de l'âme universelle ; il était la foi, la
superstition intime, invincible des citoyens. Qu'il lui arrivât de
faiblir, on disait de lui, comme de la religion et de la propriété ;
ce n'est pas l'institution qui est mauvaise, c'est l'abus. Ce n'est
le roi qui est méchant, ce sont ses ministres. « Ah !
Si le roi savait ! »
« L'humanité demande à
ses maîtres : « Pourquoi prétendez-vous régner
sur moi et me gouverner ? » Il es répondent : « Parce
que la société ne peut se passer d'ordre ; parce qu'il faut
dans une société des hommes qui obéissent et qui travaillent,
pendant que les autres commandent et dirigent ; parce que les
facultés individuelles étant inégales, les intérêts opposés,
les passions antagonistes, le bien particulier de chacun opposé au
bien de tous, il faut une autorité qui assigne la limite des droits
et des devoirs, un arbitre qui tranche les conflits, une force
publique qui fasse exécuter les jugements du souverain. Or le
pouvoir, l'état est précisément cette autorité discrétionnaire,
cet arbitre qui rend à chacun ce qui lui appartient, cette force qui
assure et fait respecter la paix. Le gouvernement, en deux mots, est
le principe et la garantie de l'ordre social : c'est ce que
déclarent àla fois le sens commun et la nature. »
A toutes les époques, dans la
bbouche de tous les pouvoirs ; vous la retrouvez identique,
invariable, dans les livres des économistes malthusiens, dans les
journaux de la réaction et dans les professions de foi des
républicains. Il n'y a pas de différence, entre eux tous, que par
la mesure des concessions qu'ils prétendent faire à la liberté sur
le principe : concessions illusoires, qui ajoutent aux formes de
gouvernement dites tempérées, constitutionnelles, démocratiques,
etc...un assaisonnement d'hypocrisie dont la saveur ne les rend que
plus méprisables.
Ainsi le gouvernement, dans la
simplicité de sa nature, se présente comme la condition absolue,
nécessaire, sine qua none, de l'ordre. C'est pour cela qu'il aspire
toujours, et sous tous les masques, à l'absolutisme : en effet,
d'après le principe, plus le gouvernement est fort, plus l'ordre
approche de la perfection. Ces deux notions, le gouvernement et
l'ordre, seraient donc l'une à l'autre dans le rapport de la cause à
l'effet : la cause serait le gouvernement, l'effet serait
l'ordre. C'est bien aussi comme cela que es sociétés primitives ont
raisonné. »
« Être gouverné,
c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré,
réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé,
apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le
titre, ni la science, ni la vertu.
Être gouverné , c'est
être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque
mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé,
cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté,
empêché, réformé, redressé, corrigé . C'est, sous prétexte
d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à
contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé,
concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre
résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé,
vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé,
garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné,
déporté, sacrifié, vendu, trahi et pour comble, joué, berné,
outragé, déshonoré,. Voilà le gouvernement, voilà sa justice,
voilà sa morale ! Et dire qu'il y a parmi nous des démocrates
qui prétendent que le gouvernement a du bon ; des socialistes
qui soutiennent au nom de la liberté, de l'égalité et de la
fraternité, cette ignominie ; des prolétaires qui posent leurs
candidatures à la présidence de la république !
Hypocrisie ! »
« Nous ne sommes pas
représentés, nous qui refusons de croire que la misère soit
d'institution divine. La charité, institution chrétienne, a
radicalement prouvé et reconnu elle-même son impuissance en tant
qu'institution sociale. »
« Quoi ! Il n'est pas
vrai, en dépit de la révolution, que la société française se
divise foncièrement en deux classes : l'une, qui vit
exclusivement de son travail, et dont le salaire est généralement
en dessous de 1250 francs par an et par famille de quatre personnes,
somme que je suppose être la moyenne approximative du produit de la
nation ; l'autre, qui vit d'autre chose encore que son travail,
quand elle travaille, qui vit du revenu de ses propriétés, de ses
capitaux, de ses dotations, pensions, subventions, actions,
traitements, honneurs et bénéfices ? Il n'est pas vrai, à ce
point de vue de la répartition des fortunes et des produits, qu'il
existe parmi nous, comme autrefois, deux catégories de citoyens,
vulgairement nommées bourgeoisie et plèbe, capitalisme et
salariat ? Mais toute notre politique, notre économie
politique, notre organisation industrielle, notre histoire, notre
littérature, notre société reposent sur cette distinction que la
mauvaise foi et une sotte hypocrisie paraissent seules nier. »
« Nous possédons de notre
chef, antérieurement à la constitution de 1852, la faculté
électorale .
Nous avons le droit de voter ou
de ne pas voter.
Si nous votons, il nous est
loisible d'opter entre le candidat de l'administration et celui de
l'opposition, comme aussi de protester contre l'un et l'autre, en
choisissant un candidat d'une couleur opposée à tous deux ( c'est
ce que proposent les auteurs du Manifeste.)
Nous avons le droit, enfin, de
protester contre toute espèce d'élection, soit par le dépôt de
bulletins blancs, soit en votant un citoyen qui ne réuniraient pas
toutes les conditions d'éligibilité, qui, par exemple, n'aurait pas
prêté serment, si nous jugeons que la loi électorales, telle
qu'elle se pratique, n'offre pas de garanties suffisantes au suffrage
universel, ou pour tout autre cause. »
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