vendredi 25 août 2017

Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865)





arrive à Toulon et va voir le maire :

« Voici, lui dis-je, un papier qui m'a coûté 2 francs, et qui, après, renseignements fournis sur ma personne par le commissaire de police de mon quartier assisté de 2 témoins connus me promet, enjoint aux autorités civiles et militaires de m'accorder assistance et protection en cas de besoin. Or, vous savez, monsieur le maire, que je suis compositeur d'imprimerie, que depuis Paris, je cherche du travail sans en trouver et que je suis au bout de mes épargnes. Le vol est puni, la mendicité interdite, la rente n'est pas pour tout le monde. Reste le travail dont la garantie me paraît seule pouvoir remplir l'objet de mon passeport. En conséquence, monsieur le maire, je viens me mettre à votre disposition. »

Pour obtenir la bourse d'étude à Besançon :

« Né et élevé au sein de la classe ouvrière, lui appartenant encore par le cœur et les affections, surtout par la communauté des souffrances et des vœux , ma plus grande joie, si j'obtenais les suffrages de l'académie, serait de travailler sans relâche, par la philosophie et la science, avec toute l'énergie de ma volonté et de toutes les puissances de mon esprit à l'amélioration physique morale et intellectuelle de ceux que je me plais à nommer mes frères et mes compagnons, de pouvoir répandre parmi eux les semences d'une doctrine que je regarde comme la loi du monde moral et en attendant le succès de mes efforts, de me trouver déjà, messieurs, comme leur représentant vis-à-vis de vous »

« J'avais pris pour règle de mes jugements que tout principe qui, poussé à ses dernières conséquences, aboutirait à une contradiction , devait être tenu pour faux et nié ; et que, si ce principe avait donné lieu à une institution, l'institution elle-même devait être considérée comme factice, comme une utopie. »

Avènement de la liberté

« Plus l'homme est ignorant, plus son obéissance, plus sa confiance en son guide est absolue. Mais l'homme, dont la loi est de se conformer à la règle, c'est-à-dire de la découvrir par la réflexion et le raisonnement, l'homme raisonne sur les ordres de ses chefs : or, un pareil raisonnement est une protestation contre l'autorité, un commencement de désobéissance. Du moment que l'homme cherche les motifs de la volonté souveraine, de ce moment-là l'homme est révolté. S'il n'obéit plus parce que le roi commande, mais parce que le roi prouve, on peut affirmer que désormais il ne reconnaît plus aucune autorité, et qu'il s'est fait lui-même son propre roi. Malheur à qui osera le conduire, et ne lui offrira, pour sanction de ses lois, que le respect d'une majorité : car, tôt ou tard, la minorité se fera majorité, et ce despote imprudent sera renversé et toutes ses lois anéanties. »

Le Système des contradictions économiques 

« Les politiques enfin, quelle que soit leur bannière, répugnent invinciblement à l'anarchie, qu'ils prennent pour le désordre ; comme si la démocratie pouvait se réaliser autrement que par la distribution de l'autorité, et que le véritable sens du mot démocratie ne fût pas destitution du gouvernement. »

à propos de la révolution de 1848

« La révolution sociale est sérieusement compromise si elle arrive par la révolution politique. »

« Le socialisme par cela même qu'il est une protestation contre le capital, est une protestation contre le pouvoir. Or la Montagne entendait réaliser le socialisme par le pouvoir et, qui pis est, se servir du socialisme pour arriver au pouvoir. »


« A dater du 31 juillet, je devins, suivant l'expression d'un journaliste, l'homme-terreur (…) j'ai été prêché, joué, chansonné, placardé, biographé, caricaturé, blâmé, outragé, maudit (…) Les dévots m'ont menacé , dans des lettres anonymes, de la colère de Dieu ; les femmes pieuses m'ont envoyé des médailles bénites (…) Des pétitions sont parvenus à l'assemblée nationale pour demander mon expulsion comme indigne. »

« La France a nommé Louis Bonaparte président de la république, parce qu'elle est fatiguée des partis, parce que tous les partis sont morts. »

Et Proudhon d'administrer une volée de bois vert à ces hommes qui, tels ceux du gouvernement de Front Populaire de 1936, n'eurent qu'une pensée : rester dans la légalité :

« Toute leur ambition (…) a été de rendre, fidèles commis, des comptes justes. Poursuivis par les souvenirs de 93, (…) ne voulant ni passer pour démolisseurs, ni usurper la souveraineté nationale, ils se sont bornés à maintenir l'ordre (…) ils auraient cru forfaire à leur mandat en sortant des voies légales et jetant (…) le peuple dans la révolution.On répandait que la révolution allait désorganiser l’État, que la démocratie était l'anarchie (…) plutôt que de recourir à des moyens sommaires, extra-légaux, contre les riches (…) ils ont mis l’honnêteté à la place de la politique (…) ils furent pleins d'honneur et de scrupule (…) esclaves de la légalité, gardiens incorruptibles de la pudeur démocratique. »

à propos de Louis Blanc

« Quoi ! Voici un homme convaincu que les hommes du pouvoir, ses collègues, sont hostiles au progrès ; que la révolution est en péril si on ne réussit pas à les remplacer ; il sait que l'occasion est rare, qu'une fois échappée elle ne revient plus ; qu'un seul instant lui est donné pour frapper son coup décisif ; et quand arrive ce moment, il en profite juste pour refouler ceux qui lui apportent leurs dévouements et leurs bras ! »

« Quand aux masses, si pauvre que fût leur intelligence, si faible que je connusse leur vertu, je les craignais moins en pleine anarchie qu'en scrutin. »

« Elu depuis 15 jours représentant du peuple, j'étais entré à l'assemblée nationale avec la timidité d'un enfant, avec l'ardeur d'un néophyte. Assidu dès 9 heures, aux réunions des bureaux et des comités, je ne quittais l’assemblée que le soir, épuisé de fatigue et de dégoût. Depuis que j'avais mis le pied sur le Sinaï parlementaire, j'avais cessé d'être en rapport avec les masses : à force de m'absorber dans mes travaux législatifs, j'avais entièrement perdu de vue les choses courantes. Je ne savais rien, ni de la situation des ateliers nationaux, ni de la politique du gouvernement, ni des intrigues qui se croisaient au sein de l'assemblée. Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu'on appelle une assemblée nationale, pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l'état d'un pays sont presque toujours ceux qui le représentent. »

Manifeste électoral du peuple :

« Démocrates-socialistes, nous ne sommes, à vrai dire, d'aucune secte, d'aucune école. Ou plutôt, s'il fallait à toute force nous classer nous-même, nous dirions que nous sommes de l'école critique . Le socialisme n'est point pour nous un système ; c'est tout simplement une protestation. Toutefois, nous croyons que des travaux socialistes il s'est dégagé un ensemble de principes et d'idées en opposition avec la routine économique, et qui ont passé dans la foi populaire ; et c'est pour cela que nous nous disons socialistes. Faire profession de socialisme, et ne rien accepter du socialisme, comme le font de plus habiles , ce serait nous moquer du peuple et abuser de sa crédulité. »

« Le socialisme a pour but l'affranchissement du prolétariat et l'extinction de la misère, c'est à dire l'égalité effective des conditions parmi les hommes. Sans égalité, il y aura toujours misère, toujours prolétariat. »

« Mais qu'on ne cherche plus à nous distraire de ce que nous regardons comme les vrais intérêts du peuple ; qu'on n'essaie pas de nous leurrer par e vains semblants de réforme. Nous sommes trop éclairés pour être dupes, nous savons mieux comment va le monde que les hommes politiques qui nous honorent de leurs remontrances. »

Du principe d'autorité

« Voilà pourquoi, jusqu'à nos jours, les révolutions les plus émancipatrices, et toutes les effervescences de la liberté, ont abouti constamment à un acte de foi et de soumission au pouvoir ; pourquoi toutes les révolutions n'ont servi qu'à reconstituer la tyrannie : je n'en excepte plus la constitution de 93 que celle de 1848, es deux expressions les plus avancées, cependant, de la démocratie française.
Ce qui a entretenu cette prédisposition mentale et a rendu la fascination pendant si longtemps invincible, c'est que, par suite de l'analogie supposée entre la société et la famille, le gouvernement s'est toujours présenté aux esprits comme l'organe naturel de la justice, le protecteur du faible, le conservateur de la paix. Par cette attribution de providence et de haute garantie, le gouvernement s'enracinait dans les cœurs autant que dans les intelligences. Il faisait partie de l'âme universelle ; il était la foi, la superstition intime, invincible des citoyens. Qu'il lui arrivât de faiblir, on disait de lui, comme de la religion et de la propriété ; ce n'est pas l'institution qui est mauvaise, c'est l'abus. Ce n'est le roi qui est méchant, ce sont ses ministres. « Ah ! Si le roi savait ! »

« L'humanité demande à ses maîtres : « Pourquoi prétendez-vous régner sur moi et me gouverner ? » Il es répondent : « Parce que la société ne peut se passer d'ordre ; parce qu'il faut dans une société des hommes qui obéissent et qui travaillent, pendant que les autres commandent et dirigent ; parce que les facultés individuelles étant inégales, les intérêts opposés, les passions antagonistes, le bien particulier de chacun opposé au bien de tous, il faut une autorité qui assigne la limite des droits et des devoirs, un arbitre qui tranche les conflits, une force publique qui fasse exécuter les jugements du souverain. Or le pouvoir, l'état est précisément cette autorité discrétionnaire, cet arbitre qui rend à chacun ce qui lui appartient, cette force qui assure et fait respecter la paix. Le gouvernement, en deux mots, est le principe et la garantie de l'ordre social : c'est ce que déclarent àla fois le sens commun et la nature. »
A toutes les époques, dans la bbouche de tous les pouvoirs ; vous la retrouvez identique, invariable, dans les livres des économistes malthusiens, dans les journaux de la réaction et dans les professions de foi des républicains. Il n'y a pas de différence, entre eux tous, que par la mesure des concessions qu'ils prétendent faire à la liberté sur le principe : concessions illusoires, qui ajoutent aux formes de gouvernement dites tempérées, constitutionnelles, démocratiques, etc...un assaisonnement d'hypocrisie dont la saveur ne les rend que plus méprisables.
Ainsi le gouvernement, dans la simplicité de sa nature, se présente comme la condition absolue, nécessaire, sine qua none, de l'ordre. C'est pour cela qu'il aspire toujours, et sous tous les masques, à l'absolutisme : en effet, d'après le principe, plus le gouvernement est fort, plus l'ordre approche de la perfection. Ces deux notions, le gouvernement et l'ordre, seraient donc l'une à l'autre dans le rapport de la cause à l'effet : la cause serait le gouvernement, l'effet serait l'ordre. C'est bien aussi comme cela que es sociétés primitives ont raisonné. »

« Être gouverné, c'est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n'ont ni le titre, ni la science, ni la vertu.
Être gouverné , c'est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé . C'est, sous prétexte d'utilité publique, et au nom de l'intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré,. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! Et dire qu'il y a parmi nous des démocrates qui prétendent que le gouvernement a du bon ; des socialistes qui soutiennent au nom de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, cette ignominie ; des prolétaires qui posent leurs candidatures à la présidence de la république ! Hypocrisie ! »

« Nous ne sommes pas représentés, nous qui refusons de croire que la misère soit d'institution divine. La charité, institution chrétienne, a radicalement prouvé et reconnu elle-même son impuissance en tant qu'institution sociale. »

« Quoi ! Il n'est pas vrai, en dépit de la révolution, que la société française se divise foncièrement en deux classes : l'une, qui vit exclusivement de son travail, et dont le salaire est généralement en dessous de 1250 francs par an et par famille de quatre personnes, somme que je suppose être la moyenne approximative du produit de la nation ; l'autre, qui vit d'autre chose encore que son travail, quand elle travaille, qui vit du revenu de ses propriétés, de ses capitaux, de ses dotations, pensions, subventions, actions, traitements, honneurs et bénéfices ? Il n'est pas vrai, à ce point de vue de la répartition des fortunes et des produits, qu'il existe parmi nous, comme autrefois, deux catégories de citoyens, vulgairement nommées bourgeoisie et plèbe, capitalisme et salariat ? Mais toute notre politique, notre économie politique, notre organisation industrielle, notre histoire, notre littérature, notre société reposent sur cette distinction que la mauvaise foi et une sotte hypocrisie paraissent seules nier. »

« Nous possédons de notre chef, antérieurement à la constitution de 1852, la faculté électorale .
Nous avons le droit de voter ou de ne pas voter.
Si nous votons, il nous est loisible d'opter entre le candidat de l'administration et celui de l'opposition, comme aussi de protester contre l'un et l'autre, en choisissant un candidat d'une couleur opposée à tous deux ( c'est ce que proposent les auteurs du Manifeste.)
Nous avons le droit, enfin, de protester contre toute espèce d'élection, soit par le dépôt de bulletins blancs, soit en votant un citoyen qui ne réuniraient pas toutes les conditions d'éligibilité, qui, par exemple, n'aurait pas prêté serment, si nous jugeons que la loi électorales, telle qu'elle se pratique, n'offre pas de garanties suffisantes au suffrage universel, ou pour tout autre cause. »

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