dimanche 13 mars 2022

Oppression et liberté. Par Simone Weil

 "Que faire ? Rien ne servirait de se laisser emporter dans la mêlée par un entraînement irréfléchi. Nul n’a la plus faible idée ni des buts ni des moyens de ce qu'on nomme encore par habitude l'action révolutionnaire. Quant au réformisme, le principe du moindre mal qui en constitue la base est certes éminemment raisonnable, si discrédité soit-il par la faute de ceux qui en ont fait usage jusqu'ici, seulement, s'il n'a encore servi que de prétexte  à capituler, ce n'est pas  dû à la lâcheté de quelques chefs, mais à une ignorance par malheur commune à tous ; car tant qu'on n'a pas défini le pire et le mieux en  fonction d'un idéal clairement et concrètement conçu, puis déterminé Il marge exacte des possibilités, on ne sait pas quel est le moindre mal, et dès lors on  est contraint d'accepter sous ce nom  tout ce qu'imposent effectivement ceux qui ont en main la force, parce que n'importe quel mal réel est toujours moindre que les maux possibles que risque toujours d'amener une action non calculée.  D'une manière générale, les aveugles que nous sommes actuellement n'ont guère le choix qu'entre  la  capitulation  et  l'aventure.  L'on ne peut pourtant se dispenser de déterminer  dès maintenant l'attitude à prendre par rapport à la situation présente. C'est pourquoi, en attendant d'avoir, si toutefois la chose est possible,  démonté le mécanisme social, il est permis peut-être d'essayer d'en esquisser les principes ; pourvu qu'il soit bien entendu qu'une telle esquisse exclut toute espèce d'affirmation catégorique, et vise uniquement à soumettre quelques idées, à titre d'hypothèses, à l'examen critique des gens de bonne foi. Au reste on est loin d'être sans guide en la matière. "



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