Jacob écrit à Marie:
"Tu me crois malheureux et je le suis beaucoup moins que tu ne penses. Le malheur ne résulte pas des situations mais plutôt des ides que l'on s'en fait. Et c'est précisément parce que je vois les choses sous un autre jour que le commun des mortels que je suis moins malheureux dans un cachot que bien des gens qui passent pour heureux ne le sont dans leurs salons. Il n'y a qu'une chose qui me pourrait me toucher: ton malheur si tu étais malheureuse".
Lettre à sa mère:
"Ce 2 juillet 1914,
Ma bien bonne, c'est une surprise, une bonne surprise que ta photo. Tu me parais bien toujours la même. Mais tes pauvres yeux ont du souvent verser des larmes. Ils expriment beaucoup de souffrances. Et c'est ce qu'il faut éviter, c'est ce contre quoi il faut réagir.
Les choses sont ce qu'elles peuvent et doivent être; elle sont ce que la fatalité de l'existence et nous-mêmes les avons faites. La vie est une guerre, la mêlée sociale est une bataille sans pitié ni merci et, quand on est vaincu, ce ne sont pas des larmes qu'il faut verser; il faut se ressaisir. Il faut surmonter ce ferment de nihilisme qui est en nous, et tenir bon jusqu'au bout, énergiquement, au mépris de la mort.
Je suis très heureux que tu te sois un peu pénétré de ces idées, car ta dernière lettre m'en donne l'impression...
Bannis le chagrin de ton coeur. C'est un effet de l'ignorance et de la religiosité que de mettre un "si" devant les questions. A quoi bon! Puisque c'est ainsi, ca ne peut être autrement. Si ca pouvait, ca serait. Que diable! Il y a des occasions où il faut avoir le courage, la fermeté de courage de se prononcer catégoriquement par une affirmation, ou alors, il ne reste plus qu'à se ficher des gifles à soi-même. Faut-il accepter le mépris de soi? Jamais.
Je ne te dirai rien de ma situation, tu ferais encore des démarches à droite et à gauche, et ça me déplait souverainement. Ne rien demander, ni rien accepter, cela donne la mesure de ce que l'on est en droit de s'accorder soi-même. Pas de compromission. Chacun son camp.
Ma santé n'est pas mauvaise. j'ai bien quelques crises de cardiopathie, la nécrose osseuse me taquine bien un peu, mais c'est supportable. J'en ai supporté bien d'autres...
Amitiés de ma part, ainsi qu'à ta bonne voisine et aux camarades".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire