Lettre de Jacob pour réclamer son dû:
"Juillet 1954
Monsieur le Procureur,
Le 18 janvier 1954, j'adressai à votre subordonné, le greffier en chef du tribunal civil, une demande d'extrait de mon casier judiciaire en y ajoutant un mandat-lettre de cent quatre-vingt francs, ainsi qu'un timbre de quinze francs pour affranchissement de l'envoi. Et le 22 du même mois, je reçus la pièce demandée. Or, ce document s'évalue lui-même, en caractères imprimés, à la somme de cent quarante francs...Aussi bien, j'estime qu'en bonne justice votre subordonné aurait du me faire retour de ce trop-perçu, trop-perçu qui, du fait de la présente réclamation, se trouve élevé à la somme de soixante-dix francs.
Tout jeune, le virus de la justice m'a été inoculé et cela m'a valu bien des désagréments. Aujourd'hui encore, au déclin de ma vie, la moindre injustice me heurte et réveille en moi le Don Quichotte de mes jeunes printemps. Tandis que chez vous, monsieur le procureur, qui êtes, si j'ose dire, un homme du bâtiment, les réactions doivent être bien différentes. Vous devez estimer ridicule une réclamation pour une somme aussi modique; vous devez penser et croire que je suis un emmerdeur uniquement préoccupé de chercher noise aux serviteurs de l'état. Erreur. Je cherche à comprendre. Je fouille et j'exhume les motifs qui ont pu déterminer un mercenaire du Prince, cependant bien nanti d'honoraires supérieurs à ceux alloués aux lampistes, à escamoter mes cinquante-cinq francs...
Dans votre corporation, monsieur le Procureur, il y a les pète-sec, les durs, ceux qui interprètent plutôt la lettre que l'esprit., ceux dont le rire n'a jamais tracé une ride sur le visage. Les juges de la sainte inquisition, noirs ou rouges, étaient et sont encore de cette trempe. Il y a ceux, plus cultivés, de caractère moins rigide, plus aptes à apprécier humainement, à comprendre, donc à éxécuter plutôt qu'à sévir.
Comme il me plairait de pouvoir vous classer dans cette dernière lignée, je vous prie, monsieur le procureur, de bien vouloir faire bon accueil à ma demande en me faisant restituer la somme qui m'est due, et vous prie d'agréer mes civilités.
Marius Alexandre Jacob
Cambrioleur en retraite".
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