"Au reste, comme Rousseau l'avait déjà compris, aucun système d'oppression n'a intérêt au bien-être des opprimés ; c'est sur la misère que l'oppression peut peser le plus aisément de tout son poids. "
"Certes la bureaucratie ne s'est pas encore constituée en un système d'oppression ; si elle s'est infiltrée partout, elle demeure cependant diffuse, dispersée en une foule d'appareils que le jeu même du régime capitaliste empêche de se cristalliser autour d'un noyau central, Fried, le principal théoricien de la revue Die Tat, disait en 1930 : « Nous sommes pratiquement sous la domination de la bureaucratie syndicale, de la bureaucratie industrielle et de la bureaucratie d'État, et ces trois bureaucraties se ressemblent tant qu'on pourrait mettre l'une à la place de l'autre. » Or, sous l'influence de la crise, ces trois bureaucraties tendent à se fondre en un appareil unique. C'est ce qu'on voit en Amérique, où Roosevelt, sous l'influence d'une pléiade de techniciens, essaie de fixer les prix et les salaires, en accord avec les unions d'industriels et d'ouvriers. C'est ce qu'on voit en Allemagne, où, avec une rapidité. foudroyante, l'appareil d'État s'est annexé l'appareil syndical et tend à mettre la main sur l'économie. Quant à la Russie, il y a longtemps que les trois bureaucraties de l'État, des entreprises et des organisations ouvrières n'y forment plus qu'un seul et même appareil. "
"Or la rationalisation a supprimé leur fonction et n'a guère laissé subsister que des manoeuvres spécialisés, complètement asservis à la machine. Ensuite est venu le chômage, qui s'est abattu sur la classe ouvrière ainsi mutilée sans provoquer de réaction. S'il a exterminé moins d'hommes que la guerre, il a produit un abattement autrement profond, en réduisant de larges masses ouvrières, et en particulier toute la jeunesse, à une situation de parasite qui, à force de se prolonger, a fini par sembler définitive à ceux qui la subissent. Les ouvriers qui sont demeurés dans les entreprises ont fini par considérer eux-mêmes le travail qu'ils accomplissent non plus comme une activité indispensable à la production, niais comme une faveur accordée par l'entreprise. Ainsi le chômage, là où il est le plus étendu, en arrive à réduire le prolétariat tout entier à un état d'esprit de parasite.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire