dimanche 30 juillet 2017

Luigi Fabbri 1877-1935




L'organisation Anarchiste :

« D'autre part, ceux qui se déclarent ennemis de l'organisation le sont habituellement parce qu'ils se sentent incapables de la solidarité libertaire et au fond ils ne savent pas sortir de ce dilemme: commander ou être commandés.Ils n'ont pas la conscience «libertaire» et donc ils ne voient pas théoriquement d'autre garantie pour la liberté individuelle que l'isolement, le manque de tout pacte et de tout lien librement accepté. En pratique, ce sont eux qui veulent diriger le mouvement; et à la première tentative d'autrui de se soustraire à leur directive, au premier signe d'indépendance de celui qui s'obstine à penser et à faire à sa façon, vous les entendez lancer des excommunications, crier à l'incohérence et à la trahison, et affirmer que celui qui ne dit pas et ne fait pas comme eux n'est pas anarchiste. Ainsi ont toujours fait les prêtres de tous les temps et de toutes les religions. Quelqu'un de bonne foi s'élève plus contre la forme que contre la substance. »

« Nous pouvons nous rebeller contre cette mauvaise organisation de la société, non contre la société elle-même comme se targuent de le vouloir beaucoup d'individualistes. La société n'est ni un mythe, ni une idée, ni un organe préordonné et fait par quelqu'un, pour qu'il soit possible de ne pas la reconnaître et de tenter de la détruire. Ce n'est même pas, comme nous accusent d'y croire les stirnériens, une chose supérieure aux individus à laquelle il faut faire le sacrifice de son moi comme devant un fétiche. La société est simplement un fait dont nous sommes les acteurs naturels et qui existe dans la mesure où nous sommes là. La société est l'ensemble des individus vivants et chaque individu est, à son tour, tel que les influences externes, sans exclure les sociales, le forment. »

« Toute l'action anarchiste finit par se limiter à la partie critique de l’œuvre d'autrui, à la propagande théorique – souvent chaotique et pleine de contradictions - et à quelque acte isolé de rébellion qui, dans la meilleure hypothèse, a justement le tort de réclamer un effort trop grand pour pouvoir se dérouler et, donc, exercer une influence grandissante sur les événements. »

« Il est possible que par l'absence d'organismes libertaires, la nécessité de vivre suggère aux hommes le rétablissement des autoritaires. »

« L'autorité, contre la quelle nous combattons, du prêtre, du patron et du carabinier, mérite bien, pour que l'on s'en débarrasse, que nous faisions un minimum de sacrifice volontaire de notre orgueil individuel, pour travailler avec d'autres à nous débarrasser de la domination bourgeoise et étatique, aussi avec ceux qui n'ont pas notre force et notre conscience, ainsi que nous nous la sommes formée. »

«Il se peut que non seulement les idées nous divisent dans la tactique mais aussi un peu le tempérament et qu'il détermine l'union ou la désunion de certains. Je me sens, personnellement, assez maître de moi même, c'est-à-dire assez individu, il me semble être plus fort quand je sens derrière, devant et à côté de moi la solidarité des autres. Il ne me semble pas que je me diminue en me serrant autour d'un pacte mutuel avec mes camarades de route. Cette question du tempérament renforce, au lieu de l'affaiblir, ma thèse. S'il y a des courants qui ne peuvent même pas être unis à cause de leur tempérament, il vaut mieux que chacun prenne sa voie et qu'ils se différencient. »

« On n'insistera jamais assez sur cette vérité: l'absence d'organisation, visible, normale et voulue par chacun de ses membres rend possible l'établissement d'organisations arbitraires encore moins libertaires, qui croient avoir vaincu tout danger d'autoritarisme seulement en niant leur propre essence. Ces organisations inconscientes constituent un danger majeur puisqu'elles mettent le mouvement anarchiste à la disposition et au service des plus habiles et des plus intrigants. »

« Du reste, si un des soit-disants inconscients accepte de rester dans une organisation anarchiste et nous aide dans la lutte, ce sera toujours mieux et autant de gagné que s'il n'y était pas; il sera de toute façon plus conscient que ceux qui sont dans l'obscurantisme et gisent dans l'inaction, ou pire, militent contre nous, force brute aux mains du prêtre et du chef des carabiniers. Si l'organisation ne servait qu'à faire le nombre (et elle sert au contraire à faire tant d'autres choses) , sans tenir compte de la culture qu'elle diffuse, des connaissances d'idées qui avec le contact continuel augmentent parmi les organisés, pour cela seulement elle serait utile comme facteur de conscience individuelle et collective. »


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