Le
municipalisme
libertaire
Il
existe deux manières de comprendre le mot politique. La première
et la plus répandue définit la politique comme un système de
rapports de pouvoir géré de façon plus ou moins professionnelle
par des gens qui s'y sont spécialisés, les soi-disant "hommes
politiques". Ils se chargent de prendre des décisions qui
concernent directement ou indirectement la vie de chacun d'entre nous
et ils administrent ces décisions au moyen des structures
gouvernementales et bureaucratiques.
Ces
"hommes politiques" et leur "politique" sont
habituellement considérés avec un certain mépris par les gens
ordinaires. Ils accèdent le plus souvent au pouvoir à travers des
entités nommées "partis", c'est-à-dire des bureaucraties
fortement structurées qui affirment "représenter" les
gens, comme si une seule personne en "représentait"
beaucoup d'autres, considérées comme de simples "électeurs".
En traduisant une vieille notion religieuse dans le langage de la
politique, on les appelle des élus et ils forment en ce sens une
véritable élite hiérarchique. Quiconque prétend parler au nom des
gens n'est pas les gens. Lorsqu'ils affirment qu'ils sont leurs
représentants, ils se placent eux-mêmes en-dehors de ceux-ci.
Souvent, ce sont des spéculateurs, des représentants des grandes
entreprises, des classes patronales et de lobbies en tout genre.
Souvent aussi, ce sont des personnages très dangereux, parce qu'ils
se conduisent de façon immorale, malhonnête et élitiste, en
utilisant les média et en répandant des faveurs et des ressources
financières pour établir un consensus public autour de décisions
parfois répugnantes et en trahissant habituellement leurs
engagements programmatiques au "service" des gens. Par
contre, ils rendent ordinairement de grands services aux couches
financièrement les mieux nanties, grâce auxquelles ils espèrent
améliorer leur carrière et leur bien-être matériel. Cette forme
de système professionnalisé , élitiste et instrumentalisé appelé
ordinairement politique est, en fait, un concept relativement neuf.
Il est apparu avec l'État-nation, il y a quelques siècles, quand
des monarques absolus comme Henry VIII en Angleterre et Louis XIV en
France ont commencé à concentrer entre leurs mains un énorme
pouvoir.
Avant
la formation de l'État-nation, la politique avait un sens différent
de celui d'aujourd'hui. Elle signifiait la gestion des affaires
publiques par la population au niveau communautaire ;
des
affaires publiques qui ne sont qu'ensuite devenues le domaine
exclusif des politiciens et des bureaucrates. La population gérait
la chose publique dans des assemblées citoyennes directes, en
face-à-face, et élisait des conseils qui exécutaient les décisions
politiques formulées dans ces assemblées. Celles-ci contrôlaient
de près le fonctionnement de ces conseils, en révoquant les
délégués dont l'action était l'objet de la désapprobation
publique.
Mais
en limitant la vie politique uniquement aux assemblées citoyennes,
on risquerait d'ignorer l'importance de leur enracinement dans une
culture politique fertile faite de discussions publiques
quotidiennes, sur les places, dans les parcs, aux carrefours des
rues, dans les écoles, les auberges, les cercles, etc. On discutait
de politique partout où l'on se retrouvait, en se préparant pour
les assemblées citoyennes, et un tel exercice journalier était
profondément vital. À travers ce processus d'autoformation, le
corps citoyen faisait non seulement mûrir un grand sens de sa
cohésion et de sa finalité, mais il favorisait aussi le
développement de fortes personnalités individuelles, indispensables
pour promouvoir l'habitude et la capacité de s'autogérer. Cette
culture politique s'enracinait dans des fêtes civiques, des
commémorations, dans un ensemble partagé d'émotions, de joies et
de douleurs communes, qui donnaient à chaque localité (village,
bourg, quartier ou ville) un sentiment de spécificité et de
communauté et qui favorisait plus la singularité de l'individu que
sa subordination à la dimension collective. »
« Tout
au contraire, nos villes modernes sont devenues dans une large mesure
des agglomérations d'appartements-dortoirs dans lesquels les hommes
et les femmes s'assoupissent spirituellement et trivialisent leurs
personnalités dans le divertissement, la consommation et le
bavardage mesquins. »
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