«Dès que la foule imbécile n'a plus le ressort de la
révolte contre ce monopole d'un petit nombre d'hommes, elle est
virtuellement morte ; sa disparition n'est qu'une affaire de temps.»
«On peut dire que jusqu'à maintenant aucune révolution
n'a été absolument raisonnée, et c'est pour cela qu'aucune n'a
complètement triomphé.»
«Aussi chaque révolution eut-elle son lendemain. La
veille on poussait le populaire au combat, le lendemain on
l'exhortait à la sagesse ; la veille on l'assurait que
l'insurrection est le plus sacré des devoirs et le lendemain on lui
prêchait que « le roi est la meilleure des républiques », ou que
le parfait dévouement consiste à « mettre trois mois de misère au
service de la société », ou bien encore que nulle arme ne peut
remplacer le bulletin de vote. De révolution en révolution le cours
de l'histoire ressemble à celui d'un fleuve arrêté de distance en
distance par des écluses. Chaque gouvernement, chaque parti
vainqueur essaie à son tour d'endiguer le courant pour l'utiliser à
droite et à gauche dans ses prairies ou dans ses moulins. L'espoir
des réactionnaires est qu'il en sera toujours ainsi et que le peuple
moutonnier se laissera de siècle en siècle dévoyer de sa route,
duper par d'habiles soldats, ou des avocats beaux parleurs.»
«D'après eux, la foule, à jamais incapable de
réfléchir, appartient d'avance aux démagogues, et ceux-ci, suivant
leur intérêt, dirigeront les masses d'action en réaction, puis de
nouveau en sens inverse. En effet, de la multitude des individus
pressés les uns sur les autres se dégage facilement une âme
commune entièrement subjuguée par une même passion, se laissant
aller aux mêmes cris d'enthousiasme ou aux mêmes vociférations, ne
formant plus qu'un seul être aux mille voix frénétiques d'amour ou
de haine. En quelques jours, en quelques heures, le remous des
événements entraîne la même foule aux manifestations les plus
contraires d'apothéose ou de malédiction.»
«De même, la « révolution » de la Commune, si
admirablement justifiée et rendue nécessaire par les circonstances,
ne pouvait évidemment triompher, car elle s'était faite seulement
par une moitié de Paris et n'avait en France que l'appui des villes
industrielles : le reflux la noya dans un déluge, un déluge de
sang.»
«La dignité du citoyen peut exiger de lui, en telle ou
telle conjoncture, qu'il dresse des barricades et qu'il défende sa
terre, sa ville ou sa liberté ; mais qu'il ne s'imagine point
résoudre la moindre question par le hasard des balles. C'est dans
les têtes et dans les cœurs que les transformations ont à
s'accomplir avant de tendre les muscles et de se changer en
phénomènes historiques.»
«La très grande majorité des hommes se compose
d'individus qui se laissent vivre sans effort comme vit une plante et
qui ne cherchent aucunement à réagir soit en bien, soit en mal, sur
le milieu dans lequel ils baignent comme une goutte d'eau dans
l'Océan. Sans que l'on veuille grandir ici la valeur propre de
l'homme devenu conscient de ses actions et résolu à employer sa
force dans le sens de son idéal, il est certain que cet homme
représente tout un monde en comparaison de mille autres qui vivent
dans la torpeur d'une demi-ivresse ou dans le sommeil absolu de la
pensée et qui cheminent sans la moindre révolte intérieure dans
les rangs d'une armée ou dans une procession de pèlerins. À un
moment donné, la volonté d'un homme peut se mettre en travers du
mouvement panique de tout un peuple. Certaines morts héroïques sont
parmi les grands événements de l'histoire des nations, mais combien
plus important fut le rôle des existences consacrées au bien public
!»
«Que sont ces politiciens, habiles à flatter non plus
les rois, mais la foule ? Un des adversaires du socialisme, un
défenseur de ce que l'on appelle les « bons principes », M.
Leroy-Beaulieu, va nous répondre au sujet de cette aristocratie de
renfort en termes qui, venant d'un anarchiste, paraîtraient beaucoup
trop violents et réellement injustes : « Les politiciens
contemporains à tous les degrés, dit-il, depuis les conseillers
municipaux des villes jusqu'aux ministres, représentent, pris en
masse,et la part faite de quelques exceptions, une des classes les
plus viles et les plus bornés de sycophantes et de courtisans qu'ait
jamais connue l'humanité. Leur seul but est de flatter bassement et
de développer tous les préjugés populaires, qu'ils partagent
d'ailleurs vaguement pour la plupart, n'ayant jamais consacré un
instant de leur vie à la réflexion et à l'observation.»
« L'histoire, si loin que nous remontions dans la
succession des âges, si diligemment que nous étudiions autour de
nous les sociétés et les peuples, civilisés ou barbares policés
ou primitifs, l'histoire nous dit que toute obéissance est une
abdication, que tout servitude est une mort anticipée ; elle nous
dit aussi que tout progrès s'est accompli en proportion de la
liberté des individus, de l'égalité et de l'accord spontané des
citoyens ; que tout siècle de découvertes fut un siècle pendant
lequel le pouvoir religieux et politique se trouvait affaibli par des
compétitions, et où l'initiative humaine avait pu trouver une
brèche pour se glisser, comme une touffe d'herbes croissant à
travers les pierres descellées d'un palais.»
«Ainsi
l'homme qui veut se développer en être moral doit prendre
exactement le contre-pied de ce que lui recommandent et l'Église et
l'État : il lui faut penser, parler, agir librement. Ce sont là les
conditions indispensables de tout progrès.»
«Du
coup l'évolutionniste, devenu révolutionnaire, se sépare de toute
église dogmatique, de tout corps statutaire, de tout groupement
politique à clauses obligatoires, de toute association, publique ou
secrète dans laquelle le sociétaire doit commencer par accepter,
sous peine de trahison, des mots d'ordre incontestés.»
«C'est
ainsi que des flatteurs, intéressés à louer les pères pour se
servir des fils, ont exalté en termes éloquents la nuit du 4 août
2, comme si le moment où les nobles abandonnèrent leurs titres et
privilèges, abolis déjà par le peuple, avait résumé tout l'idéal
de la Révolution française.»
«Non,
il faut, pour que justice se fasse, pour que les choses reprennent
leur équilibre naturel, il faut que les opprimés se relèvent par
leur propre force, que les spoliés reprennent leur bien, que les
esclaves reconquièrent la liberté. Ils ne l'auront réellement
qu'après l'avoir gagnée de haute lutte.»
«Manquer
de respect envers l'immonde agent des mœurs, l'abject policier, le «
provocateur » hideux, et la valetaille des légistes as-sis ou
debout, c'est outrager la justice et la morale. Il n'est point
d'institution vieillie qu'ils n'essaient de consolider ; grâce à
eux l'Académie, si honnie jadis, a pris un regain de popularité :
ils se pavanent sous la coupole de l'Institut, quand un des leurs,
devenu mouchard, a fleuri de palmes vertes son habit à la
française.»
«On
commence par mensurer les criminels vrais ou prétendus, puis on
mensure les suspects, et quelque jour tous auront à subir les
photographies infamantes. « La police et la science se sont
entrebaisées », aurait dit le Psalmiste.»
«Tout
abandon de principes aboutit forcément à la défaite. »
«La
puissance des muscles et des mâchoires, de la trique et de la
massue,voilà l'argument suprême! »
«Les
gens de gouvernement, désespérant de pouvoir donner une morale à
leur cause, ne demandent plus que la poigne, seule supériorité
qu'ils désirent avoir. »
« En
aucune des révolutions modernes nous n'avons vu les privilégiés
livrer leurs propres batailles. Toujours ils s'appuient sur des
armées de pauvres auxquels ils enseignent ce qu'on appelle « la
religion du drapeau » et qu'ils dressent à ce qu'on appelle « le
maintien de l'ordre ». »
« ...mais
on les entoure de troupes, l'arme chargée, la baïonnette au canon,
et on les tient sous la menace constante du massacre : c'est ce que
l'on appelle « protéger la liberté du travail ».
« Ainsi
les historiens de la période contemporaine doivent reconnaître que
dans les conditions du milieu la pratique des grèves partielles,
entreprises par des foules aux bras croisés, ne présente
certainement aucune chance d'amener une transformation sociale. »
«Il
me souvient, comme si je la vivais encore, d'une heure poignante de
ma vie où l'amertume de la défaite n'était compensée que par la
joie mystérieuse et profonde, presque inconsciente, d'avoir agi
suivant mon cœur et ma volonté, d'avoir été moi-même, malgré
les hommes et le destin. Depuis cette époque, un tiers de siècle
s'est écoulé déjà. »
« Ils
espèrent en outre que par l'habile évocation des haines de races et
de peuples, ils réussiront à tenir des foules exploitables dans cet
état d'ignorance patriotique et niaise qui maintient la servitude. »
Cité
dans l' »Encyclopédie Anarchiste »
«Aussi
longtemps que la Société sera basée sur l'Autorité, les
Anarchistes resteront en état
perpétuel
d'insurrection. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire