samedi 22 juillet 2017

Elisée Reclus: L'évolution,la révolution et l'idéal anarchiste

«Dès que la foule imbécile n'a plus le ressort de la révolte contre ce monopole d'un petit nombre d'hommes, elle est virtuellement morte ; sa disparition n'est qu'une affaire de temps.»

«On peut dire que jusqu'à maintenant aucune révolution n'a été absolument raisonnée, et c'est pour cela qu'aucune n'a complètement triomphé.»

«Aussi chaque révolution eut-elle son lendemain. La veille on poussait le populaire au combat, le lendemain on l'exhortait à la sagesse ; la veille on l'assurait que l'insurrection est le plus sacré des devoirs et le lendemain on lui prêchait que « le roi est la meilleure des républiques », ou que le parfait dévouement consiste à « mettre trois mois de misère au service de la société », ou bien encore que nulle arme ne peut remplacer le bulletin de vote. De révolution en révolution le cours de l'histoire ressemble à celui d'un fleuve arrêté de distance en distance par des écluses. Chaque gouvernement, chaque parti vainqueur essaie à son tour d'endiguer le courant pour l'utiliser à droite et à gauche dans ses prairies ou dans ses moulins. L'espoir des réactionnaires est qu'il en sera toujours ainsi et que le peuple moutonnier se laissera de siècle en siècle dévoyer de sa route, duper par d'habiles soldats, ou des avocats beaux parleurs.»

«D'après eux, la foule, à jamais incapable de réfléchir, appartient d'avance aux démagogues, et ceux-ci, suivant leur intérêt, dirigeront les masses d'action en réaction, puis de nouveau en sens inverse. En effet, de la multitude des individus pressés les uns sur les autres se dégage facilement une âme commune entièrement subjuguée par une même passion, se laissant aller aux mêmes cris d'enthousiasme ou aux mêmes vociférations, ne formant plus qu'un seul être aux mille voix frénétiques d'amour ou de haine. En quelques jours, en quelques heures, le remous des événements entraîne la même foule aux manifestations les plus contraires d'apothéose ou de malédiction.»

«De même, la « révolution » de la Commune, si admirablement justifiée et rendue nécessaire par les circonstances, ne pouvait évidemment triompher, car elle s'était faite seulement par une moitié de Paris et n'avait en France que l'appui des villes industrielles : le reflux la noya dans un déluge, un déluge de sang.»

«La dignité du citoyen peut exiger de lui, en telle ou telle conjoncture, qu'il dresse des barricades et qu'il défende sa terre, sa ville ou sa liberté ; mais qu'il ne s'imagine point résoudre la moindre question par le hasard des balles. C'est dans les têtes et dans les cœurs que les transformations ont à s'accomplir avant de tendre les muscles et de se changer en phénomènes historiques.»

«La très grande majorité des hommes se compose d'individus qui se laissent vivre sans effort comme vit une plante et qui ne cherchent aucunement à réagir soit en bien, soit en mal, sur le milieu dans lequel ils baignent comme une goutte d'eau dans l'Océan. Sans que l'on veuille grandir ici la valeur propre de l'homme devenu conscient de ses actions et résolu à employer sa force dans le sens de son idéal, il est certain que cet homme représente tout un monde en comparaison de mille autres qui vivent dans la torpeur d'une demi-ivresse ou dans le sommeil absolu de la pensée et qui cheminent sans la moindre révolte intérieure dans les rangs d'une armée ou dans une procession de pèlerins. À un moment donné, la volonté d'un homme peut se mettre en travers du mouvement panique de tout un peuple. Certaines morts héroïques sont parmi les grands événements de l'histoire des nations, mais combien plus important fut le rôle des existences consacrées au bien public !»

«Que sont ces politiciens, habiles à flatter non plus les rois, mais la foule ? Un des adversaires du socialisme, un défenseur de ce que l'on appelle les « bons principes », M. Leroy-Beaulieu, va nous répondre au sujet de cette aristocratie de renfort en termes qui, venant d'un anarchiste, paraîtraient beaucoup trop violents et réellement injustes : « Les politiciens contemporains à tous les degrés, dit-il, depuis les conseillers municipaux des villes jusqu'aux ministres, représentent, pris en masse,et la part faite de quelques exceptions, une des classes les plus viles et les plus bornés de sycophantes et de courtisans qu'ait jamais connue l'humanité. Leur seul but est de flatter bassement et de développer tous les préjugés populaires, qu'ils partagent d'ailleurs vaguement pour la plupart, n'ayant jamais consacré un instant de leur vie à la réflexion et à l'observation.»

« L'histoire, si loin que nous remontions dans la succession des âges, si diligemment que nous étudiions autour de nous les sociétés et les peuples, civilisés ou barbares policés ou primitifs, l'histoire nous dit que toute obéissance est une abdication, que tout servitude est une mort anticipée ; elle nous dit aussi que tout progrès s'est accompli en proportion de la liberté des individus, de l'égalité et de l'accord spontané des citoyens ; que tout siècle de découvertes fut un siècle pendant lequel le pouvoir religieux et politique se trouvait affaibli par des compétitions, et où l'initiative humaine avait pu trouver une brèche pour se glisser, comme une touffe d'herbes croissant à travers les pierres descellées d'un palais.»

«Ainsi l'homme qui veut se développer en être moral doit prendre exactement le contre-pied de ce que lui recommandent et l'Église et l'État : il lui faut penser, parler, agir librement. Ce sont là les conditions indispensables de tout progrès.»

«Du coup l'évolutionniste, devenu révolutionnaire, se sépare de toute église dogmatique, de tout corps statutaire, de tout groupement politique à clauses obligatoires, de toute association, publique ou secrète dans laquelle le sociétaire doit commencer par accepter, sous peine de trahison, des mots d'ordre incontestés.»

«C'est ainsi que des flatteurs, intéressés à louer les pères pour se servir des fils, ont exalté en termes éloquents la nuit du 4 août 2, comme si le moment où les nobles abandonnèrent leurs titres et privilèges, abolis déjà par le peuple, avait résumé tout l'idéal de la Révolution française.»

«Non, il faut, pour que justice se fasse, pour que les choses reprennent leur équilibre naturel, il faut que les opprimés se relèvent par leur propre force, que les spoliés reprennent leur bien, que les esclaves reconquièrent la liberté. Ils ne l'auront réellement qu'après l'avoir gagnée de haute lutte.»

«Manquer de respect envers l'immonde agent des mœurs, l'abject policier, le « provocateur » hideux, et la valetaille des légistes as-sis ou debout, c'est outrager la justice et la morale. Il n'est point d'institution vieillie qu'ils n'essaient de consolider ; grâce à eux l'Académie, si honnie jadis, a pris un regain de popularité : ils se pavanent sous la coupole de l'Institut, quand un des leurs, devenu mouchard, a fleuri de palmes vertes son habit à la française.»

«On commence par mensurer les criminels vrais ou prétendus, puis on mensure les suspects, et quelque jour tous auront à subir les photographies infamantes. « La police et la science se sont entrebaisées », aurait dit le Psalmiste.»

«Tout abandon de principes aboutit forcément à la défaite. »

«La puissance des muscles et des mâchoires, de la trique et de la massue,voilà l'argument suprême! »

«Les gens de gouvernement, désespérant de pouvoir donner une morale à leur cause, ne demandent plus que la poigne, seule supériorité qu'ils désirent avoir. »
« En aucune des révolutions modernes nous n'avons vu les privilégiés livrer leurs propres batailles. Toujours ils s'appuient sur des armées de pauvres auxquels ils enseignent ce qu'on appelle « la religion du drapeau » et qu'ils dressent à ce qu'on appelle « le maintien de l'ordre ». »

« ...mais on les entoure de troupes, l'arme chargée, la baïonnette au canon, et on les tient sous la menace constante du massacre : c'est ce que l'on appelle « protéger la liberté du travail ».

« Ainsi les historiens de la période contemporaine doivent reconnaître que dans les conditions du milieu la pratique des grèves partielles, entreprises par des foules aux bras croisés, ne présente certainement aucune chance d'amener une transformation sociale. »

«Il me souvient, comme si je la vivais encore, d'une heure poignante de ma vie où l'amertume de la défaite n'était compensée que par la joie mystérieuse et profonde, presque inconsciente, d'avoir agi suivant mon cœur et ma volonté, d'avoir été moi-même, malgré les hommes et le destin. Depuis cette époque, un tiers de siècle s'est écoulé déjà. »

« Ils espèrent en outre que par l'habile évocation des haines de races et de peuples, ils réussiront à tenir des foules exploitables dans cet état d'ignorance patriotique et niaise qui maintient la servitude. »

Cité dans l' »Encyclopédie Anarchiste »
«Aussi longtemps que la Société sera basée sur l'Autorité, les Anarchistes resteront en état
perpétuel d'insurrection. »








Aucun commentaire: