Pour la médecine, création d'un syndicat unique :
« En Catalogne, comme dans tout le reste de
l'Espagne, et dans le monde entier, il y avait un nombre excessifs de
médecins. Le sociologue sait bien combien cette pléthore était
artificielle et du à l'organisation capitaliste, et individualiste
de la médecine. Maintenant, au contraire, dans le nouveau système
d'organisation , personne n'est de trop , même les médecins font
défaut. Quand les habitants d'un pays en demandent un, le syndicat
s'informe d'abord des conditions sanitaires de la localité, fait une
statistique des maladies et des accidents qui y sont le plus
fréquent, et dans la liste des médecins qui peuvent être
transférés il choisit celui qui, par sa spécialité, répond le
mieux aux besoins du lieu. Celui qui refuse d'y aller doit fournir
des raisons très sérieuses. Dans le cas contraire, il court le
risque de ne plus exercer. »
« Maintenant, tous les médecins des hôpitaux
reçoivent 500 pesetas par mois pour trois heures de travail par
jour. Ils font en plus un travail privé. Sachant qu'un bon ouvrier
manuel gagne de 350 à 400 pesetas par mois, pour 7 heures de travail
par jour, le lecteur peut faire de lui-même les conclusions.
Ce nivellement permet de disposer d'argent pour payer
toutes les dépenses. Il n'y a plus de médecins qui touchent des
émoluments énormes , tandis que d'autres meurent de faim. Dans un
établissement public, aucun ne peut avoir deux appointements. Plus
de la moitié des médecins, leur travail rémunéré accompli,
travaillent ensuite gratuitement. Et ils le font avec plaisir. Aucune
contrainte n'est nécessaire. »
« L'intelligence populaire : Je signale un
fait curieux : le fiasco du sommet : des t êtes
dirigeantes des « hommes guides ». Je ne parle pas
seulement des politiciens, des chefs socialistes et communistes. Je
parle aussi des militants anarchistes notoires, de ceux qui sont
nommés en langage courant , des leaders.
L'anarchisme espagnol en avait. Le plus capable,
Vincenzo Orobon, mourut peu avant le 19 juillet. Il avait amplifié
et approfondi ses problèmes politiques et économiques, et était un
sociologue, au sens vrai du terme. D'autres étaient des hommes
cultivés , d'excellents agitateurs, des orateurs parfois
remarquables, de bons journalistes et écrivains. Fédérica Montseny
était une des femmes les plus intelligentes qui aient pris part à
l'activité intellectuelle du pays.
Mais ces militants n'ont joué aucun rôle dans l’œuvre
que j'ai décrite dans ce livre. Depuis le début, ils furent
absorbés par des charges officielles qu'ils acceptèrent malgré
leur traditionnelle répugnance pour les fonctions gouvernementales.
L'unité antifasciste leur suggérait cette attitude. Il fallait
faire taire les principes, faire des concessions transitoires. Cela
les empêchait de continuer leur rôle de guides. Ils restaient en
marge de cette grande entreprise reconstructive, dans laquelle le
prolétariat trouvera pour l'avenir des enseignements précieux.»
« Cependant, tout homme intelligent qui eut
conservé son agilité mentale aurait pu aider l’œuvre commune.
Mais il n'en fût rien. Même certains intellectuels qui restaient en
marge des charges officielles demeurèrent étrangers à l’œuvre
de transformation radicale de la société.
Comment fut donc possible , malgré tout, la réussite ?
J'ai réfléchi deux mois, pour trouver une réponse claire,
satisfaisante. Je sais maintenant que la raison de cet heureux
résultat est vraiment l’intelligence positive du peuple. Elle a
été notre force secrète.
… De toutes ces activités, de la lutte permanente
qui exigeait des hommes pleins de volonté d'action, naquit cette
capacité du peuple qui a permis de réaliser l’œuvre merveilleuse
des Collectivités agraires et des organisations industrielles.
Capacité du peuple, donc. C'est à dire intelligence,
plus volonté, voilà le secret.»
« La révolution s'est déroulée dans des
circonstances extrêmement compliquées. On a dû se battre contre
les attaques de l'extérieur et de l'intérieur. Appliquer les
principes anarchistes demandaient des efforts centuplés. Malgré
cela ils ont été appliqués dans de nombreux endroits. Les
organisateurs ont su s'adapter à tout. Leur technique est parvenue
presque toujours au but. Pour chaque problème, il a été trouvé
une solution. Je le répète : cela fut possible parce que nous
avions avec nous l'intelligence populaire, l'intelligence de base.
C'est elle qui travaille, oriente et crée. C'est elle qui trouve la
voie et qui répond aux mille nécessités de la vie et de la
révolution. Son activité, multiple et multiforme a été
merveilleuse. Elle a organisé les milices et vaincu le fascisme
dans la première étape de la guerre. Elle a travaillé sana
attendre, à la fabrication des chars d'assaut, de fusils et
d'obus. »
« L'étude critique des conquêtes des
travailleurs révolutionnaires dans le secteur social et économique
est une entreprise bien plus profitable que celle de suivre les
développements politiques et les intrigues entre les chefs
politiques et entre les partis et les organisations. Elle est plus
profitable, parce que nous nous trouvons face à face avec l'effort
d'une peuple pour transformer ce qui aurait pu facilement devenir une
simple lutte politique dans une révolution sociale, dans le
renversement de toute la structure économique et sociale d'un pays
qui avait été si longtemps dominé par les riches propriétaires et
les industriels, par l'église et le capital étranger. Elle est plus
intéressante que tout autre sociale du même genre ( y compris la
russe ) parce que ce fut un mouvement du peuple, spontané et
improvisé dans lequel les politiciens n'eurent aucune part, sauf
celle aussitôt de la détruire, le contrôler ou le contenir,
puisqu'un tel mouvement menaçait tout le mécanisme de l'état, du
gouvernement, du capitalisme, et de l'exploitation de l'homme par
l'homme.
Elle a été généralement ignorée par les sociologues
, elle a été grossièrement déformée par les communistes dans
leur propagande et – pour des raisons évidentes- minimisée par
les politiciens espagnols. Mais il est particulièrement regrettable
que jusqu'à présent aucune tentative sérieuse n'ait été faite
par les mouvements espagnols anarcho-syndicalistes et anarchistes,
pour réunir la vaste masse de matériaux qui existe sur le sujet des
collectivités agricoles et industrielles espagnoles et pour tirer de
ces expériences les leçons qui demain seront de la plus grande
expérience, non seulement en Espagne, mais pour les mouvements
révolutionnaires du monde entier. »
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