samedi 22 juillet 2017

Noir et Rouge : Collectivités Espagnoles



Pour la médecine, création d'un syndicat unique :
« En Catalogne, comme dans tout le reste de l'Espagne, et dans le monde entier, il y avait un nombre excessifs de médecins. Le sociologue sait bien combien cette pléthore était artificielle et du à l'organisation capitaliste, et individualiste de la médecine. Maintenant, au contraire, dans le nouveau système d'organisation , personne n'est de trop , même les médecins font défaut. Quand les habitants d'un pays en demandent un, le syndicat s'informe d'abord des conditions sanitaires de la localité, fait une statistique des maladies et des accidents qui y sont le plus fréquent, et dans la liste des médecins qui peuvent être transférés il choisit celui qui, par sa spécialité, répond le mieux aux besoins du lieu. Celui qui refuse d'y aller doit fournir des raisons très sérieuses. Dans le cas contraire, il court le risque de ne plus exercer. »

« Maintenant, tous les médecins des hôpitaux reçoivent 500 pesetas par mois pour trois heures de travail par jour. Ils font en plus un travail privé. Sachant qu'un bon ouvrier manuel gagne de 350 à 400 pesetas par mois, pour 7 heures de travail par jour, le lecteur peut faire de lui-même les conclusions.
Ce nivellement permet de disposer d'argent pour payer toutes les dépenses. Il n'y a plus de médecins qui touchent des émoluments énormes , tandis que d'autres meurent de faim. Dans un établissement public, aucun ne peut avoir deux appointements. Plus de la moitié des médecins, leur travail rémunéré accompli, travaillent ensuite gratuitement. Et ils le font avec plaisir. Aucune contrainte n'est nécessaire. »

« L'intelligence populaire : Je signale un fait curieux : le fiasco du sommet : des t êtes dirigeantes des « hommes guides ». Je ne parle pas seulement des politiciens, des chefs socialistes et communistes. Je parle aussi des militants anarchistes notoires, de ceux qui sont nommés en langage courant , des leaders.
L'anarchisme espagnol en avait. Le plus capable, Vincenzo Orobon, mourut peu avant le 19 juillet. Il avait amplifié et approfondi ses problèmes politiques et économiques, et était un sociologue, au sens vrai du terme. D'autres étaient des hommes cultivés , d'excellents agitateurs, des orateurs parfois remarquables, de bons journalistes et écrivains. Fédérica Montseny était une des femmes les plus intelligentes qui aient pris part à l'activité intellectuelle du pays.
Mais ces militants n'ont joué aucun rôle dans l’œuvre que j'ai décrite dans ce livre. Depuis le début, ils furent absorbés par des charges officielles qu'ils acceptèrent malgré leur traditionnelle répugnance pour les fonctions gouvernementales. L'unité antifasciste leur suggérait cette attitude. Il fallait faire taire les principes, faire des concessions transitoires. Cela les empêchait de continuer leur rôle de guides. Ils restaient en marge de cette grande entreprise reconstructive, dans laquelle le prolétariat trouvera pour l'avenir des enseignements précieux.»

« Cependant, tout homme intelligent qui eut conservé son agilité mentale aurait pu aider l’œuvre commune. Mais il n'en fût rien. Même certains intellectuels qui restaient en marge des charges officielles demeurèrent étrangers à l’œuvre de transformation radicale de la société.
Comment fut donc possible , malgré tout, la réussite ? J'ai réfléchi deux mois, pour trouver une réponse claire, satisfaisante. Je sais maintenant que la raison de cet heureux résultat est vraiment l’intelligence positive du peuple. Elle a été notre force secrète.
De toutes ces activités, de la lutte permanente qui exigeait des hommes pleins de volonté d'action, naquit cette capacité du peuple qui a permis de réaliser l’œuvre merveilleuse des Collectivités agraires et des organisations industrielles.
Capacité du peuple, donc. C'est à dire intelligence, plus volonté, voilà le secret.»


« La révolution s'est déroulée dans des circonstances extrêmement compliquées. On a dû se battre contre les attaques de l'extérieur et de l'intérieur. Appliquer les principes anarchistes demandaient des efforts centuplés. Malgré cela ils ont été appliqués dans de nombreux endroits. Les organisateurs ont su s'adapter à tout. Leur technique est parvenue presque toujours au but. Pour chaque problème, il a été trouvé une solution. Je le répète : cela fut possible parce que nous avions avec nous l'intelligence populaire, l'intelligence de base. C'est elle qui travaille, oriente et crée. C'est elle qui trouve la voie et qui répond aux mille nécessités de la vie et de la révolution. Son activité, multiple et multiforme a été merveilleuse. Elle a organisé les milices et vaincu le fascisme dans la première étape de la guerre. Elle a travaillé sana attendre, à la fabrication des chars d'assaut, de fusils et d'obus. »

« L'étude critique des conquêtes des travailleurs révolutionnaires dans le secteur social et économique est une entreprise bien plus profitable que celle de suivre les développements politiques et les intrigues entre les chefs politiques et entre les partis et les organisations. Elle est plus profitable, parce que nous nous trouvons face à face avec l'effort d'une peuple pour transformer ce qui aurait pu facilement devenir une simple lutte politique dans une révolution sociale, dans le renversement de toute la structure économique et sociale d'un pays qui avait été si longtemps dominé par les riches propriétaires et les industriels, par l'église et le capital étranger. Elle est plus intéressante que tout autre sociale du même genre ( y compris la russe ) parce que ce fut un mouvement du peuple, spontané et improvisé dans lequel les politiciens n'eurent aucune part, sauf celle aussitôt de la détruire, le contrôler ou le contenir, puisqu'un tel mouvement menaçait tout le mécanisme de l'état, du gouvernement, du capitalisme, et de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Elle a été généralement ignorée par les sociologues , elle a été grossièrement déformée par les communistes dans leur propagande et – pour des raisons évidentes- minimisée par les politiciens espagnols. Mais il est particulièrement regrettable que jusqu'à présent aucune tentative sérieuse n'ait été faite par les mouvements espagnols anarcho-syndicalistes et anarchistes, pour réunir la vaste masse de matériaux qui existe sur le sujet des collectivités agricoles et industrielles espagnoles et pour tirer de ces expériences les leçons qui demain seront de la plus grande expérience, non seulement en Espagne, mais pour les mouvements révolutionnaires du monde entier. »



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