dimanche 23 juillet 2017

Leval Gaston



L'Espagne libertaire :

« Nous, les travailleurs, qui sommes les vrais artisans de la société, sa force créatrice et vitale, qui par nos efforts matériels et intellectuels (11) bâtissons les villes et les villages ; qui travaillons la terre et extrayons de ses entrailles les produits les plus précieux ; qui construisons les navires qui sillonnent les mers pour transporter les richesses que nous produisons ; qui construisons les chemins de fer qui unissent les régions les plus éloignées ; qui installons au fond des océans les câbles grâce auxquels le Vieux Monde peut aujourd'hui communiquer avec le Nouveau ; qui perçons les montagnes, construisons les aqueducs et creusons les canaux ; nous qui prenons part, de nos mains rudes, à tout ce qui est produit par l'humanité... par l'effet d'une contradiction terrible nous ne profitons pas de ces richesses. Pourquoi ? Parce que la domination du capital et de la bourgeoisie fait de notre sueur une marchandise que l'on estime au taux du salaire, qui porte le sceau de l'esclavage et est la source d'où découlent tous les maux qui nous oppressent. »

«Notre organisation, purement économique, se sépare de tous les partis politiques, bourgeois et ouvriers ; elle leur est opposée parce que tous ces partis s'organisent pour la conquête du pouvoir politique, tandis que nous nous organisons pour détruire tous les États politiques actuellement existants et les remplacer par une LIBRE FEDERATION DE LIBRES ASSOCIATIONS DE TRAVAILLEURS LIBRES. »

« On mit à contribution tous les moyens, y compris les ressources dont disposaient les anciens propriétaires, et comprenant qu'un effort inhabituel s'imposait, car une révolution sociale n'est pas un festival, on repoussa, comme le firent les travailleurs de Barcelone, l'augmentation de salaire de 15 % et l'établissement de la journée de six heures démagogiquement décrétés par le gouvernement catalan, qui démontra, par cette tentative de captation des masses, son habileté politicienne, et son ignorance des problèmes les plus essentiels. »

« Simultanément, la C.N.T. et la F.A.I. créaient les Conseils d'intensification de la production, qui obligeaient les patrons contrôlés à embaucher les chômeurs. »

« Dans des circonstances aussi complexes, des problèmes inattendus se posent, et s'imposent. A Hospitalet, comme ailleurs, et étant donné le bouleversement économique, certaines industries sont prospères, d'autres sont déficitaires. Des ouvriers et leur famille sont mieux rétribués que d'autres. Pour remédier à cette injustice, on décida le salaire unique généralisé. »

« Mais je veux consigner aussi, qu'un des enseignements a retenir de cette incartade collaborationniste fut le mal causé par le poison du pouvoir. Dans l'ensemble, les forces de base de la C.N.T. sont restées saines, admirablement saines, ainsi que les militants libertaires que nous avons trouvés dans les collectivités ou à la tête des syndicalisations. Acharnés à construire, avec un effort de volonté enthousiaste, obstinés à réaliser leur idéal, ils ont laissé s'agiter les ministres, les gouverneurs, les chefs de police, les secrétaires de ministères, les fonctionnaires d’État et les pantins bavards... Mais dans leur grande majorité, les anarchistes égarés hors de leur milieu propre ont été intoxiqués par le gouvernementalisme avec une rapidité navrante. Certains auraient même fondé un nouveau parti politique sans l'opposition de la base. »
« Le peuple même finit par préférer la suppression de la liberté politique et civique au désordre permanent qui, en fin de compte, attente aussi à la liberté, ne serait−ce que celle de vivre normalement. »

« Il n'est pas interdit d'émettre l'hypothèse que ces deux vocables − collectivité et collectivisme − désignaient mieux pour les populations, le sens moral, humain, fraternel que ne le faisaient les mots Syndicats et syndicalisme. Question d'euphonie peut−être, et d'ampleur de vues, d'humanisme : l'homme au−delà du producteur. Plus besoin du Syndicat quand il n'y a plus de patrons. »

«L'imagination créatrice était stimulée par l'esprit, par l'âme des militants, et stimulait l'intelligence. La révolution, c'est aussi l'inspiration, la libre inspiration, des hommes. Il est certain qu'en 1917 le parti bolchevique russe comptait un nombre d'intellectuels très supérieur à ceux que comptait, même proportionnellement à l'importance de la population, le mouvement libertaire espagnol en 1936. Mais la bureaucratisation étatique a freiné l'esprit créateur, et la supériorité culturelle d'un état−major de révolutionnaires professionnels s'est montrée inférieure au génie créateur de légions de militants libertairement orientés, et des masses par eux mobilisées. »




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