L'Espagne
libertaire :
« Nous,
les travailleurs, qui sommes les vrais artisans de la société, sa
force créatrice et vitale, qui par nos efforts
matériels et intellectuels (11)
bâtissons les villes et les villages ;
qui travaillons la terre et extrayons de ses entrailles les produits
les plus précieux ; qui construisons les navires qui sillonnent les
mers pour transporter les richesses que nous produisons ; qui
construisons les chemins de fer qui unissent les régions les plus
éloignées ; qui installons au fond des océans les câbles grâce
auxquels le Vieux Monde peut aujourd'hui communiquer avec le Nouveau
; qui perçons les montagnes, construisons les aqueducs et creusons
les canaux ; nous qui prenons part, de nos mains rudes, à tout ce
qui est produit par l'humanité... par l'effet d'une contradiction
terrible nous ne profitons pas de ces richesses. Pourquoi ? Parce que
la domination du capital et de la bourgeoisie fait de notre sueur une
marchandise que l'on estime au taux du salaire, qui porte le sceau de
l'esclavage et est la source d'où découlent tous les maux qui nous
oppressent. »
«Notre
organisation, purement économique, se sépare de tous les partis
politiques, bourgeois et ouvriers ; elle leur est opposée
parce que tous ces partis s'organisent pour la conquête du pouvoir
politique, tandis que nous nous organisons pour détruire tous les
États politiques actuellement existants et les remplacer par une
LIBRE FEDERATION DE LIBRES ASSOCIATIONS DE TRAVAILLEURS LIBRES. »
« On
mit à contribution tous les moyens, y compris les ressources dont
disposaient les anciens propriétaires, et comprenant qu'un effort
inhabituel s'imposait, car une révolution sociale n'est pas un
festival, on repoussa, comme le firent les travailleurs de Barcelone,
l'augmentation de salaire de 15 % et l'établissement de la journée
de six heures démagogiquement décrétés par le gouvernement
catalan, qui démontra, par cette tentative de captation des masses,
son habileté politicienne, et son ignorance des problèmes les plus
essentiels. »
« Simultanément,
la C.N.T. et la F.A.I. créaient les Conseils d'intensification de la
production, qui obligeaient les patrons contrôlés à embaucher les
chômeurs. »
« Dans
des circonstances aussi complexes, des problèmes inattendus se
posent, et s'imposent. A Hospitalet, comme ailleurs, et étant donné
le bouleversement économique, certaines industries sont prospères,
d'autres sont déficitaires. Des ouvriers et leur famille sont mieux
rétribués que d'autres. Pour remédier à cette injustice, on
décida le salaire unique généralisé. »
« Mais
je veux consigner aussi, qu'un des enseignements a retenir de cette
incartade collaborationniste fut le mal causé par le poison du
pouvoir. Dans l'ensemble, les forces de base de la C.N.T. sont
restées saines, admirablement saines, ainsi que les militants
libertaires que nous avons trouvés dans les collectivités ou à la
tête des syndicalisations. Acharnés à construire, avec un effort
de volonté enthousiaste, obstinés à réaliser leur idéal, ils ont
laissé s'agiter les ministres, les gouverneurs, les chefs de police,
les secrétaires de ministères, les fonctionnaires d’État et les
pantins bavards... Mais dans leur grande majorité, les anarchistes
égarés hors de leur milieu propre ont été intoxiqués par le
gouvernementalisme avec une rapidité navrante. Certains auraient
même fondé un nouveau parti politique sans l'opposition de la
base. »
« Le
peuple même finit par préférer la suppression de la liberté
politique et civique au désordre permanent qui, en fin de compte,
attente aussi à la liberté, ne serait−ce que celle de vivre
normalement. »
« Il
n'est pas interdit d'émettre l'hypothèse que ces deux vocables −
collectivité et collectivisme − désignaient mieux pour les
populations, le sens moral, humain, fraternel que ne le faisaient les
mots Syndicats et syndicalisme. Question d'euphonie peut−être, et
d'ampleur de vues, d'humanisme : l'homme au−delà du producteur.
Plus besoin du Syndicat quand il n'y a plus de patrons. »
«L'imagination
créatrice était stimulée par l'esprit, par l'âme des militants,
et stimulait l'intelligence. La révolution, c'est aussi
l'inspiration, la libre inspiration, des hommes. Il est certain qu'en
1917 le parti bolchevique russe comptait un nombre d'intellectuels
très supérieur à ceux que comptait, même proportionnellement à
l'importance de la population, le mouvement libertaire espagnol en
1936. Mais la bureaucratisation étatique a freiné l'esprit
créateur, et la supériorité culturelle d'un état−major de
révolutionnaires professionnels s'est montrée inférieure au génie
créateur de légions de militants libertairement orientés, et des
masses par eux mobilisées. »
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