Extraits tirés de l'ouvrage : "De l'argent : la ruine de la politique" partie I
" On a voulu ces foules soumises, alors qu'elles se rêvaient simplement heureuses. Il s'est trouvé que ces 2 désirs ont connu un moment d'égalité parfaite. Il s'est trouvé qu'on a su les convaincre qu'elles ne seraient heureuses qu'à la condition qu'elles se soumettent. Qu'elles se soumettent au désir qu'on leur disait pouvoir les rendre heureuses. Et, de fait, c'est sans peine qu'elles se sont d'abord convaincues que leur bonheur serait dans la soumission.
C'est de ce moment que nul ne sait plus comment sortir. Pire, c'est de lui que nul ne sait s'il veut sortir. Ce moment fait honte sans doute aux foules qu'il soumet. Il les humilie. En même temps, il n'y a pas de foule, même honteuse, même humiliée, qui ne craignent que ce qui lui permettrait de quitter cette honte ou cette humiliation ne sois pas pire. Au total, on ne sait pas avec certitude si le bonheur que ces foules montrent est fait pour convaincre la domination qu'elles se proposent à celle-ci comme preuve de l'égalité qu'elle a établie; ou comme menace qu'elles sont à tout instant sur le point de rompre cette égalité, et de renouer avec la violence qui a toujours fait des foules, chaque fois qu'elles cessent de se soumettre, un peuple."
" Nul n'y croit beaucoup, bien sûr. Les élites (mot de droite) on sut faire que ce peuple(mot de gauche) ne désire pas d'autre destin que celui que lui serait la consommation dès lors que les moyens de jouir de celle-ci ne lui seraient plus inaccessibles "par principe". C'est d'ailleurs du jour où ce destin de la consommation a commencé d'être un destin commun que celui de l'égalité a cessé de pouvoir prétendre imposer sa valeur politique. Non pas par échange, mais par substitution. Il a suffi à l'argent de convaincre que la consommation établirait l'égalité pour que nul ne puisse plus prétendre que l'égalité s'établirait contre la consommation que permet l'argent. Entre toutes les victoires qu'on pouvait craindre de voir l'argent remporter, celle-ci est sans doute la plus lourde de conséquences. Remportant cette victoire, l'argent a permis que l'emporte avec lui toute politique qui se réclamait de lui. Remportant cette victoire ensemble, c'est dès lors l'argent et la politique que nul ne sait plus comment distinguer."
" De toutes les humiliations, celle-ci est sans doute celle qui soulève le plus le cœur. Parce que, pour la première fois, ce n'est pas d'une défaite qu'il s'est agi. Aucun peuple, aucune classe sociale n'a été battue au terme d'aucune guerre sociale ouverte. (Une classe battue reste la promesse d'une plus juste lutte, d'une plus violente).
Pour la première fois, il n'y a personne qui ne se soit librement humilié. Cette humiliation est ce qui stupéfie le plus."
" La question revient en effet: qu'est-ce que la domination?
La politique elle-même? (C'est ce qu'il n'y a personne à mettre en doute.)
Ou sa disparition? (C'est ce qu'il n'y a personne à admettre.)
Dans le second cas, dans le cas de la disparition de la politique, la question se pose alors: au profit de qui?
Répondre : au profit de la domination forme une tautologie contre laquelle la plupart se récrieront avec raison. C'est la réponse qu'appelle pourtant la question dès lors que la question a elle-même ce caractère qui transige. Il faut alors préciser : la domination, c'est le pouvoir "sans la politique". Sans la politique sinon à l'état résiduel et appelé à disparaître. Plus exactement encore: en tant qu'elle disparaît.
Pourtant, s'il n'y a à peu près personne pour douter sérieusement que la politique n'a plus aucun des pouvoirs qu'elle eut, il n' y a malgré tout à peu près personne pour admettre que la politique soit sans pouvoir empêcher qu'on la prive des pouvoirs qu'elle eut.
La domination est le résultat d'une opération qui a consisté à permettre que la politique ne puisse plus empêcher que les milieux d'argent (les marchés financiers), les milieux d'information (la presse, les médias), les milieux de propagande (la publicité, mais qu'on ne distingue plus qu' inutilement des milieux d'information) et les milieux juridiques (les juges, les magistrats, c'est-à-dire tous ceux dont dépend aujourd'hui la juste distribution de l'argent) s'emparent de tous les pouvoirs. Qu'ils s'en emparent au point que nul ne croit plus qu'existe aucun pouvoir qu'elle n'ait pas.
Et ils s'en sont emparés.
Ils s'en sont emparés tout entier. Ce que les milieux politiques gardent de pouvoir, c'est autant que la domination a, provisoirement, consenti à leur rétrocéder. Qu'elle leur rétrocède par calcul. Qu'elle leur rétrocèdera aussi longtemps qui ne lui semblera pas pouvoir l'occuper seule; c'est autant qu'elle sort aux formes sous lesquelles la politique s'est longtemps présentée, supposant que les foules, si avides ou hébétés qu'elles soient, ne supporteraient pas que la politique au sens consacré du terme n'ait aussi vite plus aucune part aux formes de pouvoir qui se préparent. Et auxquelles elle-même pourtant consentent. Qu'elle même appellent. On en est là."
 
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