Cinquième volet de la série : "De la domination" de Michel Surya "Les singes de leur idéal : sur l'usage récent du mot "changement". Partie VI
68/ Plus rien ne doit pouvoir dépendre d'elle: c'est la condition à laquelle elle s'est fait élire. La démonstration qui lui incombe de faire, c'est qu'il ne dépend "politiquement" de personnes que quoi que ce soit soit possible, surtout pas d'elle- sinon, la politique recommencerait, et il n'y a rien que la "gauche" veuille moins, d'accord en cela une fois encore avec la droite.
69/ L'hypercapitalisme n'invente pas politiquement tous les jours quelque chose de nouveau (il n'en a nul besoin, n'étant pas lui-même une politique). Il est même rare qu'il invente quoi que ce soit. Il n'en reste pas moins très en avance sur tout ce qui prétend s'opposer politiquement à lui, qui n'invente plus rien non plus, et depuis longtemps. Qui montre même à ne rien inventer une persévérance qui tranche avec la prétention qu'il a du contraire.
73/ On peut en faire le pari: la "gauche", dans cinq ans, perdra les élections, et les perdra au profit de la droite, non sans pouvoir cependant afficher la fierté d'avoir "assaini" la situation et laissé des comptes "à l'équilibre" - vieille fierté que celle-ci tire toujours péniblement de ses rares passages par le pouvoir.
74/ Il n'y a que la gauche (toute la gauche, y compris syndicale) pour ne pas voir comment la conflictualité par laquelle elle se définit, à laquelle elle se reconnaît - "mon adversaire, c'est la finance" - est une conflictualité fausse ou feinte, qui sert en dernier ressort les intérêts de la domination. Qui les sert en cela : elle établira pour finir de nouveaux rapports de domination, dont il sera peut-être possible de dire qu'ils seront plus justes, mais dont il est déjà certain qu'ils seront plus durs (ayant obtenu l'assentiment de tous ceux qu'ils intéressent). Toute négociation, en ce sens, est aujourd'hui de nature à les conforter.
La droite n'a jamais su passer qu'en force. Or, il n'y a rien que la domination n'exècre maintenant comme l'évidence de cette force (maintenant que l'apaisement est sa règle, par lequel se définit dorénavant la démocratie avancée). A quoi elle préfère de beaucoup la réciprocité apparente de la négociation.
75/ La politique de la négociation sociale que la "gauche" nouvellement élue veut également faire entrer dans la loi (qu'elle veut aussi constitutionnaliser) ne dit pas autre chose : qu'il faut que chacun consente à ce à quoi il faudra de toute façon qu'il se résigne. Suivant le théorème politologique qui veut qu'il y ait de démocratie qu'apaisée (l'alternance), il ne doit y avoir de démocratie sociale qu'elle aussi apaisée, autrement dit qui ne se "négocie" (table ronde, "grand messe", Grenelle etc).
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