samedi 14 juin 2025

16/ La Politique n'est plus qu'un décor creux. Par M A.

 Extraits du troisième ouvrage intitulé "Portrait de l'intellectuel en animal de compagnie" de la série "De la domination".    Partie I


"De quoi accusait-on les intellectuels? De rien au demeurant. On ne s'en est pas immédiatement avisés: ce sont les intellectuels qui se sont accusés les premiers. Avant que quiconque les accusât."


"Comment comprendre la haine que ceux-ci ont soudain montrée? Et qu'ils ont montré pour eux-mêmes plus qu'ils ne l'ont montrée pour ceux des leurs qui leur auraient semblé les avoir trahis? C'est très étrange, en effet : les intellectuels qui ont commencé de haïr l'intellectualité n'ont alors haï personne en propre; c'est-à-dire ils n'ont haï personne d'autre qu'eux-mêmes. Et c'est sans doute ce qui a permis que tous se mettent à se haïr à ce point et qu'il n'y ait plus eu dès lors de possibilité pour quiconque de reconnaitre à la fois qu'il était intellectuel et de prétendre qu'il était innocent. C'est l'évidence alors : s'ils ne haïssaient personne en particulier, c'est qu'ils haïssaient tout ce à quoi ils se reconnaissaient eux-mêmes. Autrement dit, ils haïssaient la trahison qu'ils s'apprêtaient à opérer."


"Haïssaient-ils ce qu'ils avaient été? C'est ce qu'ils auraient en effet voulu qu'on croie. Pour qu'on aime d'avance qu'ils s'apprêtaient secrètement à devenir? Surtout, parce qu'ils haïssaient d'avance ce que leur lâcheté les faisait devenir. One ne renonce pas à si peu de frais à l'orgueil d'avoir été si peu que ce soit libres. Encore moins d'avoir à toute force voulu l'être."

"Tout avait-il échoué? Peut-être.

Plus rien n'était-il possible de ce à quoi ils avaient attaché leur jeunesse? Sans doute.

Il faudrait alors qu'ils comptent au nombre de ceux qui l'avaient toujours prédit ou prétendu. Qui avaient toujours prédit ou prétendu que cette histoire était faite pour ne pas réussir; qui avaient prédit ou prétendu qu'il n'y a que la jeunesse et ce que celle-ci a de tout temps eu de simple ou d'inconséquent pour croire que des libertés existent ou sont possibles qui soient qui grandes qu'elles donnent "a posteriori" raison à ceux qui  diront après qu'elles l'étaient trop, qu'elles étaient en exorbitantes."


"On admira leur "repentance" : renier ce qu'eux-mêmes avaient cru, pour applaudir à ce à quoi ils ne croyaient plus!

On admira l'inspiration qui la leur dicta : se repentir demande de la hauteur et ils surent donner à leurs repentirs successifs les raisons qu'il fallait pour qu'on crût qu'une passion nouvelle chassait chez eux une passion ancienne et compromise.

Quand ce qu'on aurait dû admirer, c'est l'art consommé du trompe-l'oeil qui sut faire passer calcul pour une inspiration."


"On l'a vu entre autres à cela que ce seraient les mêmes qui avaient voulu que le vieux monde disparût qui se sont employés soudain à faire qu'il ne disparaisse pas. Qui se sont non seulement employés à faire qu'il ne disparaisse pas mais qui ont aussi su faire en sorte que celui qui le continuerait ne lui cèderait sur rien ( quant à la violence, quant à l'horreur...). Autrement dit, ils ont pris au fait que le monde ancien non seulement ne disparaitrait pas, mais empirerait, une part déterminante."


"Ce seraient eux et eux seuls qui diraient dorénavant comment ce monde méritait en effet qu'on le défendît. Et nul ne serait plus qu'eux justifié à le défendre alors, nul n'ayant autant qu'eux fait de chemin vers lui pour le dire, tout simplement."


Ils l'ont dit à leur place, c'est-à-dire ils l'ont aussi dit là où cela pouvait se dire (où le dire avait le plus de chances d'être entendu) : dans les médias.

Les médias? Le mot est fait pour simplifier (pour suggérer l'évidence).

Ni plus ni moins que le mot "intellectuels". Tout est beaucoup pus équivoque. Les intellectuels n'occupent plus un espace que les médias n'aient modifié ( y introduisant de leurs méthodes); et les médias ne sont pas sans accueillir régulièrement les intellectuels (ou ce qui en tient lieu)."


"Elle suppose le tort "a priori" des médias. Ce tort n'est pas exclu. Il est vraisemblable même. Il ne suffit pas cependant. Le tort n'est pas moins celui de certains intellectuels qui ont eu tôt fait de s'emparer de ce tort supposé des médias pour affirmer le leur.

Le leur? Celui qu'on leur prête? Plus sûrement qu'eux-mêmes se prêtent. Duquel ils s'accusent par le même mouvement qu'on les en accuse. Il faut en revenir à ceci : un procès a été instruit, longtemps, qu'on ne voit pas finir, qui fait de l'intellectualité -constitutivement- "un tort". Des intellectuels se sont convaincus de ce tort qu'on leur imputait (l'engagement, le communisme, le trotskisme, le surréalisme, l'anarchisme, l'anticolonialisme, etc...). Convaincus qu'il était juste qu'on fasse de ce tort un crime."


"Et c'est dans les médias que ces intellectuels "domestiques" (comme on dit des animaux de compagnie) sont allés dire leur accommodement récent. Où l'auraient-ils mieux pu, les médias étant eux-mêmes des lieux que la domination a domestiqués? Quoi qu'ils en aient : qu'elle tient. Elle ne les tient pas, d'ailleurs, de l'extérieur (vénalement ou par mesure de police). C'est-à-dire, sur le mode qui consiste à sous-entendre que les médias sont serviles à l'égard du pouvoir, et qu'ils le sont par peur ou par intérêt. Il n'y a plus de pouvoir, du moins politique, à l'endroit duquel les médias soient susceptibles de témoigner de servilité. Il n'y en a plus parce qu'il n'y a plus de pouvoir qu'ils ne détiennent."


"Ce qui permet de former cette seconde affirmation : les intellectuels qu'on voit régulièrement collaborer avec les médias sont partie prenante de cette détention et de ce partage. Ils sont des "intellectuels de pouvoir", comme il y eut, avant eux, des "intellectuels de parti". C'est-à-dire, des intellectuels "hétéronomes".

Ils auront beau vouloir qu'on croie qu'ils s'acquittent par là de leur conversion récente aux valeurs supérieures de la démocratie ( des valeurs auxquelles il n'y aurait personne à n'être intéressé); il suffira qu'on entende qu'ils tirent les dividendes de la plus-value médiatique qu'à permise leurs domestication."


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