dimanche 5 mai 2024

Treize cases du "Je" par Bernard Noël

 "les mots projettent en avant une ombre que l'on pourrait prendre pour la vie, alors qu'ils ne sont eux-mêmes que l'ombre morte de la vie."


Chaque livre sait qu'il meurt, mais, contenant sa mort, il sait aussi qu'il a un avenir infini. Et chaque livre s'ouvre pour, en avant de sa lecture, sentir sa mort".


"Lisant Blanchot, je ne fais, toujours déjà que l'oublier. Je n'augmente pas le savoir, mais l'oubli".


"Trop de sens abolit le sens: on est ivre. Blanchot prive de raison celui qui le lit".


"On n'a quelque chose à dire qu'une fois qu'on l'a dit. les mots ne révèlent l'idée qu'en l'achevant".


"Qui suis-je? Cette question devance toute réponse, car elle est toujours présente, alors que sa réponse est toujours passée. On ne se saisit que dans ce que l'on n'est déjà plus. Le présent ne peut être connu qu'au passé. Seule la négation de la négation peut faire surgir ce qui est. Ub instant".


"La poésie est liée à l'impensable. Elle ne peut s'établir. Elle est ce qui s'élève de sois pour s'en absenter à jamais. La poésie, ce faisant, met la mort derrière soi. Et le poète est celui qui , devenant de plus en plus impersonnel, tend à se confondre avec ce mouvement".


"Parfois le temps où je n'existerai plus est déjà là. Il a suffi de tomber en soi si profondément que, tout à coup, on n'est plus là".


"-A quoi rêve-t-on en écrivant? - On rêve de sauter par-dessus son ombre."


"Contre le pouvoir, il faudrait inventer un contre-pouvoir qui ne rêve pas de prendre le pouvoir".


"Au stade du mythe, connaitre c'est se souvenir. Au stade de la poésie, connaitre c'est oublier qu'on a su".


"Si l'on pouvait tout dire, le besoin de parler serait épuisé, et un silence joyeux tomberait sur le monde".


"On ferme les yeux des morts pour qu'ils ne regardent plus de notre côté".

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