dimanche 12 mai 2024

Le monde diplomatique de Février 2024

Article : "L'esclavage aboli, les lynchages ont commencé aux Etats-Unis  par Loic Waquant


"La mise à mort cérémonielle était programmée plusieurs jours à l'avance pour permettre une publicité dans les journaux et un affrètement de trains d'excursion spéciaux bondés de voyageurs enthousiastes; les entreprises donnaient quartier libre à leurs employés pour qu'ils puissent assister aux festivités; les écoles ajustaient leurs horaires; les Blancs parcouraient de longues distances en voiture encombraient les routes menant au lieu annoncé du supplice. Le jourdit; les milliers de spectateurs, qui représentaient un large éventail de la population blanche locale, y compris des familles avec des enfants endimanchés ravis de pique-niquer, se voyaient régalés pendant des heures par les mutilations sadiques (mêlant écorchage, découpage, arrosage au kérosène, marquage au fer rouge, arrachage des oreilles, énucléation, démembrement, étripage, castration), la combustion à petit feu et la mise à mort finale par pendaison ou fusillade du "bad niggah".

A son trépas, les badauds les plus enhardis se ruaient en une mêlée frénétique pour attrapper des souvenirs précieux tels que des morceaux du corps du sacrifié ( un doigt, un orteil, des dents, des os écrasés, une tranche de foie, ou de coeur grillé), un bout de corde, de branche, pour eux-mêmes ou pour offrir à des proches. D'autres s'empressaient de se faire photographier devant le bûcher ou la potence pour figurer sur les cartes postales produites sur place par des imprimeries portatives. Le corps dénudé, mutilé, dépecé et brûlé de la victime était ensuite hissé à un arbre ou à un poteau électrique et laissé pendu au bout d'une corde pendant des semaines, comme une publicité visuelle sanglante pour le pouvoir redoutable de la justice raciale, tandis que les journaux locaux évoquaient avec éloquence l'atmosphère carnavalesque de ces "barbecues de nègres".

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