jeudi 9 mai 2024

Prospérité du désastre par Jean-Paul Curnier

 Discours N°6 :  Nous devons manger correctement

 

Manger aussi est une question qu’il nous faut aborder le plus clairement possible : en regardant les choses du point de vue de l’avenir, de notre propre avenir.

S’il nous faut aborder cette question, c’est parce que notre situation à tous n’est pas du tout la même que celle de ceux qui nous ont précédés dans cette place de relégués de la société. Et cela peut quelque fois nous amener à nous tromper nous-mêmes sur notre propre situation.

La situation des gens pauvres et des gens aux revenus modestes s’est modifiée de telle sorte aujourd’hui que si beaucoup de choses d’un côté semblent s’être spectaculairement améliorées, on peut déjà voir que, de sous bien d’autres côtés, elles sont tout aussi désastreuses qu’auparavant. Sinon plus.

Il n’y a pas si longtemps encore, les pauvres étaient ceux qui, avant tout, n’avaient pas assez à manger. Ils manquaient de protéines, de lait, de sucre et des choses essentielles pour vivre. Aussi, leur première revendication était du pain, de la nourriture, parce que la faim est une chose insupportable au quotidien et que l’impossibilité de nourrir ses enfants est intolérable aussi. Mais cela pouvait aussi être révoltant aux yeux de tous. D’abord parce qu’avoir faim était considéré depuis toujours comme la plus grande injustice qui soit et que, d’autre part, chacun se doute plus ou moins de ce que peut être la faim.

Mais pour nous, aujourd’hui, la pauvreté ce n’est pas la faim à proprement parler, le manque de ceci ou cela          , ce n’est pas la faim car nous trouvons au supermarché la baguette de pain à 80 centimes d’euro, des haricots en conserve à 2 euros les 800 grammes et du poulet de la communauté européenne à 4.5 euros le kilo.

De plus, il existe un certain nombre d’aides possibles pour ceux qui n’ont pas de travail, comme les allocations familiales, les allocations de chômage ou le revenu de solidarité qui permettent d’aller au moins deux fois par mois au supermarché pour y acheter à manger.

Est-ce que cela veut dire pour autant que tout va bien et nous vivons dans le confort ?

Certainement pas !

Aujourd’hui, on peut effectivement acheter de quoi manger pour pas cher. Mais dans ce monde, là comme ailleurs, ce qui n’est pas cher ne vaut rien. Pire : la plupart du temps on le paye deux fois, d’abord avec son argent et ensuite avec sa santé parce que c’est empoisonné.

En réalité, les choses portent le même nom depuis longtemps : « poulet », « haricots », « bœuf », « veau », mais ce qu’il y a derrière leur nom n’a plus grand-chose à voir avec ce que c’était au temps où on leur a donné ce nom. Et cela, parce que leur existence et leur « production », comme on dit, on « produit » du blé, des fruits ou des légumes, on ne les « cultive » plus. On « produit » de la viande de ceci, de cela, on n’élève plus des poulets, des pintades, des veaux, des bœufs ou des moutons.

Si chaque poulet élevé a besoin d’un espace de 100 m² par jour pour se développer et vire, pour cent mille poulets, il faudrait 10 millions de m², soit 10 km² : vous voyez la différence : la surface d’une ville. Ce ne ferait pas les mêmes poulets, c’est évident.

Et là-dessus, si vous comptez les travaux d’aménagement, les bâtiments, la nourriture, la main-d’œuvre pour élever cent mille poulets, comme ça vous arriverez à un prix de revient de 30 euro le kilo de poulet, et étant donné les revenus de la majorité des gens vous ne trouverez pas cent mille personnes tous les jours pour acheter le poulet à 30 euros le kilo. Alors que si vous les entassez sur 5000m², que tout y est automatisé et que la nourriture est artificielle pour compenser le fait qu’ils ne bougent pas et ne voient pas la lumière, vous pouvez en vendre cent mille à 3 euros. C’est simple, ca fait cent mille bestiaux qui n’ont jamais mis les pattes sur le sol ni vu un grain de mais de leur courte vie.

Mais il faut bien entendu qu’avec leurs pattes tordues et molles, leur manque de plumes et de chair glauque, ils fassent envie.

C’est comme ça depuis toujours, la nourriture c’est le meilleur appât qui existe pour attraper les poissons, les oiseaux, les rats, les félins et tous les animaux en général. Et le poulet que l’on achète n’est pas un poulet, c’est un appât. C’est un leurre pour attraper les gens qui pensent qu’ils vont pouvoir manger un poulet pour pas cher. Et qu’importe donc comment a été fabriqué ce poulet, son rôle de poulet s’arrête au moment où vous l’achetez, son rôle c’est de ressembler à un poulet et d’en avoir l’odeur, la forme, presque le goût.

Après l’avoir acheté, normalement il faudrait le jeter. En réalité, il faudrait même ne l’acheter que pour le plaisir de l’acheter ou de le jeter, de le mettre dans le frigo ou de le mettre à cuire, mais juste pour ce genre de raisons parce que si on s’avise de le manger par la suite, c’est là que les ennuis commencent.

La nourriture qui est vendue dans les supermarchés nous détruit à petit feu. C’est elle qui nous cuisine.

C’est la même chose avec la pêche à la ligne. Les poissons sont devenus méfiants et, de plus, ils sont devenus malins ; ils reniflent les appâts sans les goûter ou ils les détachent sans se faire prendre, alors on a inventé pour les mystifier des appâts qui sont plus appétissants que nature, avec des exhausteurs de goût, des parfums de toutes sortes qu’on ajoute pour les rendre plus attirants que les mouches, les sauterelles ou les vers ordinaires.

Eh bien, avec nous c’est la même chose : depuis que les gens ne meurent pas suffisamment de faim pour manger les nourritures industrielles telles qu’elles sont en vérité, pour les faire acheter on y ajoute des produits pour renforcer le goût, on y ajoute des saveurs, des parfums, de la couleur.

Et c’est tout ça qui nous détruit la santé. Tout ça : toute la fausse graisse qui donne au poulet un aspect dodu et appétissant alors qu’il n’y a que de l’eau et du mauvais gras dedans, avec les produits pour les couleurs et les goûts, et que même les os ne sont pas des os mais des sortes d’éponges à peine solidifiées. Et c’est la même chose avec tout le reste, avec tout ce qu’on mange.

Bon, tout cela pour dire deux choses : la première c’est que nous devons refuser cette nourriture pour ne plus risquer de devenir difformes, enflés, fragiles du cœur et des artères à cause d’une nourriture pas chère mais qui nous ruine la santé ; la seconde c’est que si les gens plus riches recherchent des produits biologiques, ce n’est pas seulement pour se distinguer, même s’ils en parlent sans arrêt pour faire les malins. C’est qu’en fait ils ont compris, eux aussi, que c’est leur santé qui est en jeu et ils ,e cherchent pas à rigoler avec ça parce qu’ils veulent se protéger et se perpétuer, pas se suicider. Donc, ce n’est pas parce qu’ils sont odieux qu’il faut faire le contraire de ce qu’ils sont odieux qu’il faut faire le contraire de ce qu’ils font. Nous aussi nous devons réclamer l’accès à une nourriture saine. Mais pourquoi bio ? Là, je l’accorde, cette histoire de bio est un label pour distinguer les petits-bourgeois qui veulent se montrer plus « conscients » plus « malins », c’est leur obsession. Et ils se font attraper avec ça comme les poissons, dont on parlait tout à l’heure. La question, c’est pas bio ou pas bio, c’est d’arriver à refuser ce qui n’est pas naturel, pas correctement cultivé ou élevé pour que ça disparaisse de l’alimentation. Un point c’est tout.

Bien sûr si l’on devait manger comme les riches tout serait beaucoup trop cher et, étant donné nos moyens, nous ne mangerions plus à notre faim. C’est une évidence. Mais l’autre évidence c’est que nous allons mourir et dégénérer physiquement à petit feu si nous continuons à manger ce qui est à notre portée.

Et il nous faut trancher cette question. Non pas en choisissant une misère contre une autre, mais d’abord en regardant les choses en face : nous sommes pauvres, parce qu’être pauvre c’est ne pas avoir suffisamment à manger et comme ce qui est à notre portée empoisonne et qu’il faut le refuser, c’est exactement comme si nous n’avions pas suffisamment à manger. C’est un choix hypocrite qui nous est donné : se faire empoisonner lentement ou n’avoir pas assez à manger.

C’est un point important car la fausse nourriture qui nous est vendue ne devrait pas exister ; elle ne sert qu’à faire croire que nous avons de quoi vivre comme il faut et que ce système est un progrès humain. Et par-dessus le marché elle sert à nous extorquer notre argent. C’est sans doute la première fois dans l’histoire que l’on voit des gens donner tout l’argent qu’ils ont pour se faire empoisonner en masse.

Mais à cela, je voudrais ajouter un point : cette fausse nourriture est vendue et non donnée car si elle était donnée personne n’en voudrait, ou presque. Cela signifie que le fait de l’acheter sert à se faire que ce qu’on achète a de la valeur, que ce n’est pas rien, pas un leurre, une pacotille.

Voilà ce que je propose :

Il faut que nous nous réunissions. Il le faut pour parler de tout ça, mais surtout pour agir. Il nous faut nous réunir au moins une fois par mois et faire la liste entre nouqs de ce que chacun a entendu dire par son médecin et qui concerne les dégâts de la nourriture sur notre santé, les produits à éviter avec tous les détails que nous aurons pu réunir sur le danger qu’ils représentent et les afficher à la porte des  hôpitaux, des écoles, des centres de santé et, par-dessus tout, à la porte des supermarchés. Et s’ils les enlèvent, il faudra les remettre jusqu’à ce qu’ils se fatiguent.

Deuxièmement nous pourrions commencer à nous nourrir par nous-mêmes aussi, collectivement. On pourrait demander à utiliser certains terrains laissés à l’abandon dans les cités, ou se cotiser et s’associer pour acheter des terrains agricoles que nous pourrions cultiver et où nous pourrions élever des poules pour les œufs et la viande. Il y a suffisamment de femmes, de jeunes et d’hommes sans emploi pour s’en occuper à tour de rôle sans que cela prenne beaucoup de temps à chacun, et là ce que nous ferions nous appartiendrait à tous.

Je le répète cette question de santé est fondamentale. Elle l’est aussi du point de vue de nos motivations et de notre engagement à changer le cours des choses. Comment nous présenterons-nous non seulement devant nos proches, nos voisins, nos concitoyens, mais aussi devant tous ceux qui vont nous voir et s’interroger sur qui nous sommes, ce que nous voulons, etc ? Nous devons penser à l’allure que nous présentons au monde et, par-dessus tout, donner à nos enfants le goût de la vie qui vient et non pas celle d’un présent misérable continue et sans espoir. Pensez-vous qu’il soit avantageux pour nous que nous nous présentions avec des corps bouffis, sans énergie, avec des difficultés pour respirer, pour reprendre notre souffle, avec des chutes et des hausses de tension qui nous rendent incapables de quoi que ce soit, avec des claudications et des démarches d’infirmes ?

Pensez-vous que nous pourrons manifester dans les rues comment ça et donner de nous une image prometteuse de l’avenir, quelque allure enviable pour les autres ?

Non ?

Alors en avant !

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